MUSIQUE
À une heure de RER C de Paris, Chamarande est un petit village au beau milieu de l’Essonne connu pour son château du XVIIe siècle et son domaine de 100 hectares. Peuplées d’environ un millier d’âmes, les ruelles en pierre rappellent, par des écriteaux, l’histoire mult-centenaire de la bourgade, habitée depuis l’époque gauloise. Rien n’aurait pu venir altérer la quiétude qu’inspirent les lieux, rien si ce n’est un festival de musique le temps d’un week-end.
Pour la deuxième fois, Essonne en Scène y pose son bardage du 3 au 5 septembre dernier, avec des ambitions affichées. La première soirée du festival voyait défiler sur la scène, installée face à l’entrée du château, deux artistes locaux (Carole Pelé, For) et trois de renommée nationale (Videoclub, 47Ter, Vianney). Créé par les organisateurs des Francofolies de la Rochelle, Essonne en Scène fait la même part belle aux artistes francophones, débutants comme confirmés.
Il est 18h tapantes lorsque Carole Pelé, combi blanche intégrale, débarque sur scène accompagnée d’un musicien au xylophone électrique. “Je n’ai rien à vous dire” avoue-t-elle au public encore clairsemé sur la pelouse, avant de démarrer sur son premier titre, qui reprend la même phrase mot pour mot. Le décor est planté. Pendant 30 minutes, la voilà qui, tour à tour, rappe, parle, chante, chuchote. Ses textes ciselés dévoilent ses doutes, ses révoltes, ses espoirs et ses colères sans jamais rien concéder. Elle transcende ces petits riens du quotidien qui, grâce à son flow et ses backs, donnent de sa pop urbaine une portée universelle.
Après les punchlines de Carole Pelé, le duo folk F∅R apporte ensuite toute sa délicatesse sur la scène du festival. Nico à la guitare et Anna Louise au violoncelle enchaînent les balades qui rappellent celles de Damien Rice, Nick Drake ou encore Radiohead, leurs influences principales. Les spectateurs, de plus en plus nombreux, découvrent avec intérêt les chansons du groupe essonnien, dont la douceur n’a d’égal que celle de cette soirée de fin d’été. Leurs mélodies et textes (en anglais) touchent droit au cœur et laissent espérer le meilleur pour la suite des festivités.
Sa bande son électro-pop, marquée par les années 1980, a fait le tour du monde. Fondé en 2019 par le duo nantais Adèle Castillon-Matthieu Reynaud, Videoclub n’est désormais incarné sur scène que par la jeune femme de 19 ans. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le talent n’attend pas le nombre des années. Accompagnée de deux artistes multi-instrumentistes, Adèle Castillon enflamme Essonne en scène par sa fougue et son énergie à toute épreuve. Clou de sa prestation : la reprise d’Un autre monde de Jean-Louis Aubert, prévu sur la même scène le lendemain.
Fort de leur dernier album Légende, sorti en avril dernier, 47Ter est venu en terrain conquis à Chamarande. L’arrivée du trio (composé de Pierre-Paul, Blaise et Lopes) exalte les spectateurs, notamment les plus jeunes, venus en nombre admirer leurs nouvelles idoles. Leur musique, à mi-chemin entre pop française et sonorités venues du rap, le tout empreint de messages résolument positifs, leur a permis de rencontrer un large public au fil des années. D’autres titres, comme Hara Kiri (présent sur leur premier album Adresse) se font plus amers, mais toujours avec ce beat énergique qui emporte l’adhésion parmi la foule.
Enfin, celui que tout le monde attendait : Vianney. D’abord armé de sa simple guitare acoustique (et de deux pédales pour percussion), puis accompagné par trois autres musiciens, le chanteur de 30 ans enchaîne les titres connus de tous. Lui qui se veut proche de son public multiplie les boutades et les facéties (il dédie ainsi sa balade romantique La fille du sud à une personne âgée au premier rang). Après deux ans passées loin des scènes, Vianney revient avec la même fougue et la bonne humeur qui le caractérise. Sa dernière chanson Dabali, un hommage à la tribu Afar d’Ethiopie, conclut parfaitement une soirée marquée par le partage et la générosité.
Il est déjà minuit : Chamarande s’endort et retrouve (temporairement) sa tranquillité habituelle. Alors il faut rentrer, attraper l’une des navettes qui remontent jusqu’à Paris et se rappeler avec émotion de ces concerts qui, les uns après les autres, nous ont rapproché d’un monde que l’on pensait disparu.