ARTS

Pour l'anniversaire de son musée, Chagall s'offre une cure de jouvence à Nice

Publié le

24 avril 2023

Pour célébrer ses 50 ans, le musée Marc Chagall invite toute l’année une dizaine de personnalités (danseur, plasticien, musicien, écrivain…) qui offrent un nouveau regard sur cet immense artiste.

Hors-Champ, performance dansée de Mimoza Koiké et Asier Edeso

En attendant le verdict sur le potentiel retrait de la coupole de Marc Chagall (1887-1985) à l’Opéra Garnier de Paris, le peintre le plus merveilleux du XXe siècle célèbre les 50 ans du musée qui lui est consacré à Nice, dans une exposition en trois volets, qui court jusqu'à janvier 2024. Écrivain, danseur, plasticien ou encore parfumeur ont carte blanche pour exprimer ce que l’œuvre de Chagall leur inspire, dans le cadre de l'événement “Chagall et moi”. Pour cette première séquence, la danseuse et chorégraphe japonaise Mimoza Koiké et son homologue espagnol Asier Edeso, membres incontournables des Ballets de Monte-Carlo, ont réalisé Hors-Champ, une performance dansée, captée sur la scène de l'auditorium construit dans le musée conformément au désir de Marc Chagall. La lumière des vitraux dessinés par le maître est pour eux une constante source d'inspiration. Passionné par les grands peintres à tendance doloriste tels que Mark Rothko, Paul Klee ou Nicolas de Staël, le Bruxellois Stéphane Lambert découvre le musée Chagall lors d'un projet d'émission de radio à "un cap important" dans sa vie. Frappé par la vitalité de ses tableaux, il trouve un nouvel élan et propose à cette occasion Le monde transfiguré, sélection d’œuvres issues de la collection du musée autour de la spiritualité et de l'universalisme. Ni l'écrivain, ni les autres artistes sollicités n’étaient né au moment de l'inauguration du musée. Makiko Furuichi a découvert Chagall lorsqu'elle vivait encore dans un temple, au Japon. La force de leurs croyances respectives lui a dicté sa fresque Ciel poilu, pluie chaude, en réponse à la mosaïque du Prophète Elie, qu'elle a entouré de créatures fantastiques.

Lévitation, rouge lumineux et narration

C'est dans les années 1930 que Chagall découvre la beauté des fleurs en Provence. Si certains lui reprochent de ne pas échapper à l’écueil d’une certaine mièvrerie, de l’anecdotique et de la complaisance, en particulier dans ses années tardives, c'est sans doute parce qu'ils luttent à l'idée de se soustraire à la surcharge d’émotion et de magie lyrique qui émanent de ses toiles. Pour le peintre russe, l'art est avant tout un état d’âme, et n’est un problème formel qu’en second lieu. Parti de son ghetto en 1910, des rêves multicolores et des petites histoire de village pleins la tête, le jeune garçon timide et bègue de Vitebsk rejoint avec détermination la capitale de l'avant-garde artistique d'alors, Paris. La ville exerce sur lui une formidabe attraction. Il se lie d’amitié avec avec Blaise Cendars, auteur de poèmes simultanés, avec Max Jacob et Apollinaire ; il fait la connaissance de Mondigliani et surtout de Delaunay, dont l’orphisme lumineux est très proche de lui en raison de son chromatisme folklorique.  Il se confronte aux problèmes formels des cubistes, qui conféreront sa structure constructive à sa peinture. Malgré la production des sources d’inspiration qu’il rencontre à Paris, Chagall restera fidèle à ses origines, enracinées dans la volubilité du hassidisme, le panthéisme juif et dans sa croyance au lien inaliénable entre Dieu et les hommes, qui permet aux croyants de faire des miracles.

 

l'anniversaire de Chagall (1915)
L'anniversaire (1915)

C’est ainsi que les tableaux de Chagall décrivent toujours un monde empli de merveilles et de miracles, s’accomplissant quotidiennement dans la chambre de la femme aimée, au café, dans les rues de sa Russie natale ou au pied de la tour Eiffel. Même lorsqu'il adopte la manière cubiste et qu’il sert des effets de simultanéité, il reste avant tout un conteur d’origine juive russe. Ses histoires fantastiques sont directement traduites en peinture. C’est d’ailleurs pourquoi les surréalistes ont vu en lui le précurseur qui introduisait la métaphore de la peinture moderne (André Breton). A bas les austères natures mortes cubistes avec leurs tables, leurs chaises, leurs coupes et leurs guitares ! Il faut du narratif. Dans son célèbre tableau cubiste Le Soldat boit (1912), la casquette du soldat ivre se soulève au-dessus de sa tête à la vue d’un couple qui danse. C’est le peintre lui-même et une jeune femme russe : une image de la mémoire. Transformer le quotidien en merveilleux, c’est là le sens de ses dénaturations, dans lesquelles la gaieté trouve elle aussi sa place. C’est le cas par exemple de l’Anniversaire, tableau où, transporté de joie, le peintre s’élève dans les airs sur le dos jusqu’à sa fiancée, lui donnant un baiser dont l'aventureuse désarticulation de la tête est seulement rendue possible par l’amour qu’il lui témoigne ainsi.

“Chagall et moi ! Regards contemporains sur Marc Chagall”. Jusqu’au 8 janvier 2024 au Musée national Marc Chagall, Nice.



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