LES PLUMES
A 21 ans seulement, Pauline Bilisari publie son troisième ouvrage, Et demain, le soleil reviendra, un recueil de poésie contemporaine paru aux éditions Frison-Roche Belles-lettres. Elle y délivre des perles poétiques qui parlent à tous les amoureux de l'existence, malgré ses blessures et ses aléas. S-quive en dévoile un extrait, et prête sa plume à l'auteure, qui décrit à l’état brut son expérience du silence.
Je crois que le silence a toujours fait partie de ma vie. Qu’il a été le réconfort et la prison de nombreux de mes maux, à défaut de savoir user de mots. Parfois, ma propre voix m’effraie, et je ne sais plus l’utiliser. Alors le silence me cueille en son sein, m’enveloppe et me rassure. Pourtant, et paradoxalement, j’ai toujours craint le silence. Lorsqu’il envahissait mes nuits. Lorsqu’il envahissait ma vie. Le silence autour de moi me rappelait la solitude dans laquelle je me sentais baigner. Je le noyais de musique, de paroles incessantes, pour feinter mon esprit. Et souvent encore, le silence me fait peur, parce qu’il laisse place à mes pensées, aux questions sans réponse et à mes angoisses. Mais il est aussi le son que je connais le mieux dans mon quotidien d’adulte.
Je l’ai hurlé de bien des façons possibles, mais jamais avec des sons.
Lorsque j’étais enfant, je parlais beaucoup. J’avais sans arrêt des choses à dire, des questions existentielles ou non au bord des lèvres, je voulais qu’on me voie et qu’on m’entende. Je parlais beaucoup, et fort, ça dérangeait tant parfois qu’on me demandait de me taire. Alors quand j’ai commencé à avoir mal, si fort et de toute mon âme, je l’ai tu. Je pensais qu’on ne m’écouterait pas. Je l’ai hurlé en pleurant si souvent que j’aurais pu me noyer dans mes propres larmes. Je l’ai hurlé dans mes angoisses d’adolescente, dans mon affection débordante et dans la quantité de livres que j’avalais, à un âge où parfois, se fondre dans la littérature est un besoin de refuge plus qu’un simple plaisir. Je l’ai hurlé dans mon art, dans ma danse et dans ma façon de me cacher dans mes écrits. Je l’ai hurlé de bien des façons possibles, mais jamais avec des sons. Et c’est passé inaperçu.
C’est cette chose qui me faisait si peur lorsque j’étais enfant, que personne n’a su voir durant mon adolescence, et dans laquelle je me suis murée à l’âge adulte.
Alors ce que le silence m’évoque, c’est la solitude, l’incompréhension, la douleur qu’on tait, même quand elle nous déchire. Mais aussi la paix, le réconfort et l’art, parce qu’il a bercé tant de mes créations. C’est l’angoisse de devoir s’exprimer, et puis le refuge de mes pensées. C’est ma paradoxalité. Le besoin de hurler, et l’incapacité à le faire. L’envie de parler, et les blocages qui prennent le dessus. C’est cette chose qui me faisait si peur lorsque j’étais enfant, que personne n’a su voir durant mon adolescence, et dans laquelle je me suis murée à l’âge adulte.
On peut s’y réfugier, mais on ne doit pas s’y enfermer.
Le silence m’emprisonne autant qu’il me rassure. Je l’aime autant que je le déteste. Alors j’écris sur lui, je le désacralise, j’essaye de m’en défaire lorsqu’il empiète ma vie, mais je le brandis également comme bouclier, lorsque je me sens en trop grand déséquilibre. Il est beau, le silence, mais il faut apprendre à lire en lui, et ne pas toujours s’en satisfaire. On peut en avoir peur, mais il n’est pas toujours bon à faire taire. On peut s’y réfugier, mais on ne doit pas s’y enfermer. Le silence est comme une mélodie, qu’il faut apprendre à écouter.
Et demain, le soleil reviendra, de Pauline Bilisari, Frison-Roche Belles-lettres, 179p.
Plus d'articles