ARTS
A Marseille, le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée consacre une exposition aux milles vies de l’émir Abd el-Kader. Combattant, résistant, témoin et acteurs des nombreux bouleversements de son époque, il est surtout admiré des deux rives de la Méditerranée, considéré comme le père de la nation algérienne. Un condensé d'histoire à découvrir jusqu'au 22 août.
21 décembre 1852. Au port Marseille, Abd el-Kader et sa suite embarquent à bord du Labrador, bateau à vapeur en partance pour Constantinople, une terre d'islam où l'émir commencera sa nouvelle vie d'homme moderne après cinq ans de captivité en France. Plus d'un siècle après la fin de la guerre d’Algérie, le Mucem rend hommage à cette figure historique majeure, dans une exposition qui rassemble plus de 200 œuvres d'une grande diversité, à découvrir jusqu'au 22 août. Beaux-arts, archives historiques et imagerie populaire, ces œuvres, capturées pour la plupart par les troupes françaises lors du siège de la ville d‘Alger en 1830, permettent de retracer la vie complexe de l'émir Abd el-Kader, marquée par des étapes et des bouleversements qui l’ont contraint à se renouveler, à s’adapter sans cesse à l‘histoire en marche.
Dans le portrait idéalisé réalisé par Marie-Éléonore Godefroid (elle ne l’a jamais vu), on découvre un jeune noble, pieux, que rien ne destine à devenir un chef militaire et belliqueux. Néanmoins, son père et les chefs des tribus de l’ouest algérien dont il est originaire vont le designer en 1832 pour faire face à l'invasion française en cours. L’épisode de la prise de la smala en 1843, campement conçu stratégiquement par Abd el-Kader comme une ville nomade de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, est immortalisé à la peinture à l'huile par Horace Vernet, sur une immense toile (25x4m), la plus grande du XIXe siècle. Impossible à accueillir tel quel dans la salle d'exposition, le tableau apparaît dans une remarquable vidéo grand format expliquant les tactiques de combat à travers les détails significatifs de l’œuvre monumentale conservée à Versailles.
Epuisé, Abd el-Kader rend les armes après quinze ans de résistance. Après lui avoir fait miroiter un exil en Orient, la France l'emprisonne finalement à Pau, puis à Ambroise. Au fil des cinq ans de captivité, les Français se fascinent pour l'émir découvrant un homme de paix. Les visiteurs se succèdent, les plus grands photographes de l'époque l’immortalisent — en témoigne sa photographie dédicacée à la main et destinée à la comtesse Clinchamp —, et les officiers de félicitent d'avoir affronté un “guerrier chevaleresque”. Respectueux des autres prisonniers et des blessés, Abd el-Kader impressionne par sa grande dimension spirituelle et son incroyable humanité, s’invitant même dans le foyer des Français sur des petits objets du quotidien. Progressivement, l’ennemi public n°1 se transforme en égérie, respectée des deux côtés de la Méditerranée.