INTERVIEW
Publié le
26 juin 2023
À seulement dix-huit ans, Mattéo Marny vient de réaliser Hope, son premier court-métrage, déjà sélectionné en festivals. Si les thèmes abordés sont assez sombres, c'est par une belle journée ensoleillée que nous le rencontrons, dans un café, près de Bastille. Entre rêves de lycéens avides de création et projets ambitieux, le jeune homme partage son incroyable capacité de mobilisation et nous montre que, à cœur vaillant, rien est impossible. Entretien.
Bonjour Mattéo, pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Mattéo Marny, j’ai 18 ans. J’ai grandi et bossé toute ma vie à Bussy-Saint-Georges dans le “77”. Depuis tout petit, je vais au cinéma avec mes parents. C’est en classe de seconde que tout a commencé, quand sur Instagram, je vois les anciens membres du groupe de cinéma de mon lycée sont tous partis. A cet instant s’est présenté une opportunité pour moi. Malheureusement, avec le Covid, je n’ai pas pure prendre le club. Lors de mon entrée en terminale, je n’avais qu’une seule idée en tête : tout défoncer. J’ai commencé à placarder des affiches sur les murs de mon lycée, des membres m’ont rejoint et, peu à peu, on a réussi à organiser des projections de films au lycée jusqu’à se dire : “Pourquoi pas essayer de faire un film ?”
Racontez-moi la genèse de MÉCA7, votre collectif de cinéma.
J’ai décidé de créer cette structure pour pouvoir continuer l’aventure avec les membres du groupe de mon lycée. La réflexion fut longue pour trouver le nom. MÉCA7 renvoie à notre jeunesse, notre envie insatiable de créer et surtout, au concept de "méca", une scène test que l’on fait avant de tourner la première prise. Il y a cette idée d’expérimentation. Le chiffre 7 parce que le noyau du groupe est composé de sept personnes. Cela tombe bien car notre nom fait un jeu de mots : 'mes cassettes' !
“Je suis impressionné par ce niveau de technologique atteint qui nous permet de figer des images et de les visionner à nouveau. Avec ça, on peut raconter des milliers de choses.”
Pourquoi avoir choisi le cinéma pour créer ?
Je trouve que c’est un très bel art. Je suis impressionné par ce niveau de technologique atteint qui nous permet de figer des images et de les visionner à nouveau. Avec ça, on peut raconter des milliers de choses.
Qu’est-ce qui vous attire le plus dans ce domaine ?
C’est mon quotidien. Je regarde énormément ce qui m’entoure. Ce sont les couleurs que je peux voir sur une enseigne, la façon dont une grand-mère prépare à manger, une démarche dans la rue…
Comptez-vous en faire votre profession ?
Je sais que le milieu du cinéma est instable et pour le moment je fais des études de marketing, de création et de communication digitale. Je viens de terminer ma première année. J’ai fait ce choix mais toujours dans l’optique que MÉCA7 marchera et d’un jour pouvoir en jouer.
Vous savez réaliser. Aimeriez-vous vous essayer autre chose ?
J’adore produire et distribuer. De plus, cela fait partie de la vision que j’ai pour MÉCA7, ce n’est pas seulement une association de productions à nous, mais aussi une association de production. D’ailleurs, on va bientôt distribuer un film étudiant de l'université Gustave Eiffel.
Votre court-métrage Hope, est sorti le 17 juin. Comment s’est déroulée la réalisation de ce projet ?
C’était une sacrée expérience, car on s’est lancé sans vraiment maîtriser le processus de création d’un film. D’autant plus qu’il fallait passer le bac à la fin de l’année ! Ça nous a demandé un an et demi de travail. L’écriture du script est la tâche la plus chronophage sans oublier la crainte du travail mal fait, qui est omniprésente. Heureusement, nous étions en groupe, ça aide énormément. Après cela, on a organisé un casting dans le lycée. C’était un pari risqué car il n’y avait pas d’acteurs professionnels, mais ce qu’on cherchait avant tout, c’était des gens engagés et volontaires dans le projet. J’ai eu la chance de trouver la talentueuse Anaëlle Marceny, qui joue Hope. Le rôle lui va parfaitement et j'aime la manière dont elle incarne le personnage.
Et niveau matériel ?
Avec l’aide de Nathan Pied, le "crack" du groupe [Rires], on a pu en avoir, puisque ce jeune homme talentueux faisait déjà des clips pour des rappeurs donc il avait déjà pas mal de matos. Derrière, je suis allé toquer à la porte de la mairie pour lui demander de l’aide, ils ont tout de suite adoré le projet donc ils nous ont offert un financement pour les décors, etc. On a aussi beaucoup utilisé nos propres lieux, ce qui est génial car cela rend le résultat final beaucoup plus réaliste.
Parmi les sujets abordés dans votre court-métrage il y a la drogue et la dépression. Pourquoi ce choix ?
Je voulais parler d’un sujet qui nous concerne. Par contre, parler exclusivement de drogue aurait été superficiel. Donc on a décidé de creuser le sujet en parlant de la pression sociale que subissent les jeunes. Par le prisme de la compréhension du personnage principal, on a pu mettre en avant l’influence que la drogue a sur elle ainsi que sur son cercle proche.
Dans une scène, le film japonais du studio Ghibli, Porco Rosso apparaît sur l’écran de la chambre de Hope. Était-ce votre choix ou celui d’un des membres du groupe ?
[Rires] C’était le mien ! Je ne savais pas quoi mettre, j’ai sorti pleins de DVD puis je suis tombé sur ce film et ça m’a paru évident qu’il fallait que je le choisisse. C’est mon film préféré du studio Ghibli. Cependant, la scène avec le film en arrière-plan a été compliquée à terminer donc aujourd’hui, j’ai du mal à revoir le film car ça me rappelle des souvenirs ennuyeux.
Cela ne vous empêche pas d’être nommé dans plusieurs festivals…
Oui ! On a eu cinq nominations. Le premier festival où l’on a été nommé est le festival italien Del Cinéma di Cefalù. J’étais rempli d’émotions quand j’ai appris la nouvelle car en plus, du côté de ma mère, on est italien et mon grand-père est sicilien. Le dernier festival en date est le SWIFF : le plus grand festival international de films étudiants, en plus de la nomination, il y a également eu une mention honorable pour Hope ! C’est un bon coup de boost.
“Remettre le courts-métrage au goût du jour, c’est mon objectif.”
Pourquoi faire du court-métrage ?
Avec MÉCA7, nous faisons beaucoup de courts-métrages, c’est super pour s’exprimer de manière créative. Malheureusement, les gens en regardent de moins en moins. Ce n'est pas faute de contacter solliciter gentiment [Rires] des salles de cinémas de pour en programmer davantage... Ce type de film permet de faire découvrir au public des jeunes, de grands talents s’y révèlent souvent. Remettre le courts-métrage au goût du jour, c’est mon objectif.
Quel réalisateur vous inspire le plus ?
Wes Anderson, assurément. Sa filmographie m'a tellement marqué. Sa manière de raconter des histoires me touche. Il y a toujours ce côté enfantin dans ses œuvres, et un tel sens du détail qui me pousse à faire de même. Quand j’ai besoin de me remonter le moral, je regarde ses films d’animation, par exemple Fantastic Mr.Fox.
Avec quel(le) cinéaste souhaiteriez-vous collaborer à l'avenir ?
Sûrement mon pote Mathias Boudon. J’adore ce type, on a une super alchimie et on se complète beaucoup dans notre travail.
Quel message aimeriez-vous transmettre ?
Allez voir des films, c’est fantastique et faites vivre le bon cinéma !