DESIGN
Publié le
2 juillet 2022
Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier, Charlotte Perriand, Eileen Gray… les maîtres de la collection de design moderne du Centre Pompidou sont à l’honneur dans “Intérieurs modernes, 1920-1930”, l’exposition qui retrace l’aventure de la modernité en France à travers la révolution de l’espace domestique. A découvrir jusqu’au 30 octobre à l’Hôtel des Arts de Toulon.
Alors que le krach de Wall Street sonne le glas des années folles, en 1929, des architectes (Robert Mallet-Stevens, Charles Edouard Jeanneret dit Le Corbusier), des créateurs de mobilier (Pierre Chareau), de tissus (Sonia Delaunay) et moult designers se rassemblent pour créer l’Union des artistes modernes (UAM). Exit le luxe et le décor plaqué de ce que l’on nommera plus tard l’Art déco. Ces avant-gardistes veulent bousculer l’espace domestique, proposant un nouvel art de vivre fonctionnel et esthétique, qui trouvera dans le cinéma un outil de communication privilégié. Les chefs-d’œuvre de cette révolution acquis auprès du Centre Pompidou font aujourd’hui l’objet d’une exposition, “Intérieurs modernes”, à découvrir jusqu’au 30 octobre à l’Hôtel des arts de Toulon.
La scénographie intelligente de Joachim Jirou-Najou fait écho aux Salons organisés par l’UAM à partir de 1930, où les créateurs présentent leur travail en commun. Certains collaborent depuis une dizaine d’années, au sein de villas (Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand pour un stand équipement) et de décors de cinema (Sonia etRobert Delaunay pour Le P’tit Parigot de René Le Somptier). Mais la révolution démarre dix ans plus tôt. Le décor fait place à une conception globale qui sera celle de l’équipement moderne, qui se substitue à l’ornementation des salons décorés de “bibelots”. Charlotte Perriand réalise ses premiers équipements, où les objets s’intègrent à l’architecture, appelant à libérer l’espace, tandis que Le Corbusier exhorte à “désencombrer” l’intérieur avec ses “meubles-casiers”.
Les murs se transforment en meubles ; les meubles coulissent, se donnent dans leur modularité et adaptabilité. L’esthétique des paquebots et des machines nourrit alors une nouvelle grammaire de formes épurées, avec de nouveaux matériaux, tels que l’acier tubulaire dans le sillage du Bauhaus. Tissus et revêtements laissent visible la structure des objets. Le rapport du corps à l’espace se transforme ; le corps est à présent dynamique et sa déambulation modifie l’ergonomie des objets. Le Corbusier parle d’ “objets-membres”, telles des extensions prothétiques du corps. Pour lui, l’Esprit nouveau passe par le “renouveau de l’espace intérieur” et “de nouvelles manières de s’asseoir”. Les objets de mobilier se donnent comme des dispositifs amovibles, ainsi chez Charlotte Perriand, Pierre Chareau ou Eileen Gray. S’adaptant aux usages du corps en mouvement, ils sont mobiles, comme les chariots roulants d’Eileen Gray.
Le cinéma, la mode, l’architecture des nouvelles villas sont le témoignage de cette nouvelle modernité qui va de pair avec des architectures en béton, qui s’ouvrent sur l’extérieur. La modernité est air, lumière, mouvement. Dans les années 1920, la villa Noailles, construite par l’architecte Robert Mallet-Stevens à Hyères, fait l’éloge de la dynamique des corps à travers le sport et l’hygiénisme. La villa E1027 d’EileenGray (1926-1929) à Roquebrune-Cap-Martin arbore une esthétique de paquebot, s’ouvrant tout entière sur la lumière et la mer. La notion d’intériorité fait place à des intérieurs qui se prolongent à l’extérieur, dans la nature, à travers de grandes baies vitrées, des toits-terrasses ou des terrasses-jardins. L’architecture s’est muée en “enveloppe” où intérieur et extérieur se donnent dans une même continuité spatiale.