CINÉMA
Publié le
11 décembre 2022
"Fabuleux", "important", "populaire"... Depuis sa création en 2009, le Festival Lumière rend hommage à la grande histoire du cinéma. Et comme à chaque édition, ce sont les acteurs et réalisateurs présents à Lyon qui sont les meilleurs ambassadeurs du festival, conçu pour multiplier les rencontres entre praticiens émérites du 7e art et simples amoureux du grand écran. Retour sur les moments fort de cette 14e édition.
"Le meilleur festival que je connaisse". Voilà comment Vincent Lindon conclut sa masterclass. A l’instar d’autres invités de renoms, l’enthousiasme que suscite le Festival Lumière, organisé chaque année à Lyon depuis 2009, est palpable. Entre les larmes de Tim Burton, les envolées lyriques et les confessions intimes, S-quive revient sur les moments marquants de cette 14ème édition.
Peut-être s’agit-il de la magie lyonnaise plus que chaleureuse, qui a par ailleurs su séduire tout le gratin du cinéma, mais c’est un James Gray souriant, avenant (et drôle !) que le public a eu la chance de rencontrer à l’occasion de sa masterclass. Tout droit venu de New York, James Gray est l’un de ces réalisateurs partis de rien, pas loin de l’incarnation du« rêve américain », l’opulence en moins. A l’affiche de ses derniers films, on ne compte pas moins que Anthony Hopkins (Armageddon Time, 2022), Brad Pitt (Ad Astra, 2019) ou encore Marion Cotillard (The Immigrant,2013). Connu pour ses films profonds et sombres, James Gray a commencé sa carrière avec Little Odessa en 1994, un film noir, rappelant les polars d’antan. Avec comme acteur fétiche Joaquin Phoenix (The Yards, La nuit nous appartient, Two Lovers), incarnation du brun ténébreux par excellence, James Gray s’est construit une filmographie solide. Entre anecdotes familiales et blagues ironiques sur l’incapacité des Américains à parler une autre langue que la leur, James Gray nous plonge dans ce milieu de l’intelligentsia new-yorkaise feutré et confortable. Mais cette légèreté apparente dépeint aussi une mélancolie latente comme lorsqu’il évoque son enfance et sa famille désargentée, des souvenirs qui ont empreint une grande partie de sa filmographie. Une nécessité de réaliser des films malgré les contraintes puisque rien ne le prédestinait à ce métier, faute de « connexions »nécessaires. Un obstacle que James Gray a balayé allégrement, car paradoxalement, il a su mettre à l’honneur ceux qui ne parviennent pas à ce rêve américain, sans jamais tomber dans le pathos.
Si vous ne saviez pas que Nicole Garcia était actrice avant de réaliser de grands films, cette information a été martelée pendant cette masterclass et à juste titre ! Mais c’est davantage une réalisatrice qui continue de marquer le cinéma français que le public avait face à lui et qui a été mise à l’honneur. Peut-être pas suffisamment pour le journaliste qui insiste sur sa scène plus que fugace dans Le gendarme se marie face à Louis de Funès. Une petite piqure de rappel que le cinéma c’est encore des journalistes qui n’hésitent pas à rappeler à des réalisatrices reconnues des rôles mineurs dans leur carrière d’actrice. Réalisatrice et actrice, diplômée du conservatoire, ayant plus de 50 films à son actif fait fi et nous embarque dans son histoire personnelle à travers sa filmographie. De ses origines espagnoles à son enfance à Oran, on comprend d'où vient sa sensibilité et son talent pour filmer les histoires d’amour dramatiques. Dans un décor ensoleillé, Jean Dujardin confond nostalgie et amour dans Un balcon sur la mer (2010) et Marion Cotillard se perd dans une histoire impossible avec Louis Garrel dans Mal de pierres (2016). Le public conquis compte bien se (re)plonger dans son œuvre.
Complexe? Audacieux ? Libre ? Torturé ? Que de termes pour décrire cet acteur à la personnalité sans nul doute affirmée. Entre anecdotes de films croustillantes et visions du monde éclairci, Vincent Lindon nous embarque pendant plus de deux heures dans son esprit qui vagabonde d’une idée à une autre face à une Anne Elizabeth Lemoine quelque peu décontenancée. A la question : allez-vous faire l’acteur longtemps, Vincent Lindon estime ne pas avoir à infliger sa vieillesse aux yeux de tous ni vouloir courir après les réalisateurs (chose qu’il a déjà suffisamment fait) et préfère se retirer dignement quand l’heure sonnera. A la question, fera-t-il de la politique au vu de son engagement personnel, l’acteur répond que cette démarche ne lui parle pas. En ce qui concerne la réalisation, cela représente une bien trop lourde responsabilité. Au regard de la passion que l'acteur engagé émane, le public aurait pu lui poser encore 1000 autres questions aussi diverses les unes que les autres et rester 1 heure supplémentaire sans voir le temps passer. Un acteur fougueux, une dose de sincérité et même de confusion assumée qui fait du bien dans un univers parfois bien trop bridé. Une joyeuse psychanalyse collective pour finir cette masterclass en beauté et qui rappelle que le cinéma c’est avant tout des récits empreints d’humanité, que le meilleur festival de cinéma - ses mots - met à l’honneur avec brio.