ARTS
Publié le
20 septembre 2021
Musique, photographie, performance, danse… Jusqu’au 2 octobre prochain, l’exposition "Hotel Sahara", présentée aux Magasins généraux, explore et interroge les imaginaires dont le Sahara fait l’objet depuis l’Europe à travers les créations de dix artistes aux compétences pluridisciplinaires. S-quive met en exergue le travail de cinq des jeunes talents de cette saison.
Après "Par amour du jeu 1998-2018" en 2018 et "Futures of Love" en 2019, les Magasins généraux ont présenté, pour la troisième saison culturelle d’été, l’exposition "Hotel Sahara" imaginée lors d’une résidence de dix jeunes artistes aux portes du désert. Originaires du Maroc, de la Tunisie, de l’Algérie, de la Lybie, de l’Égypte, du Mali et du Soudan, ils se sont réunis pour interroger les imaginaires de l’espace saharien à partir de leurs vécus et de leurs expériences personnelles. C’est avec détournement, décalage, ironie ou encore par le prisme de fictions que ces artistes ont questionné leur perception du plus grand désert du monde, 5000 Km d’Ouest en Est, qui représente près de 30% du territoire africain.
Photographie, peinture, danse, musique, installation, témoignages récupérés sur internet et les réseaux sociaux, entre autres, sont autant de médias utilisés par ces jeunes créatifs pour une exposition à l’esthétique bouillonnante et révélatrice des préoccupations et de la culture visuelle de cette nouvelle génération. Telle une réflexion en devenir ou un récit poétique collectif, "Hotel Sahara" propose une polyphonie de voix pour étudier des chemins alternatifs vers une géographie désarticulée et méconnue. S-quive s'intéresse aux créations, mêlant partage, connaissance et émotion, de cinq artistes.
Photographe marocain autodidacte, Ismail Zaidy prend toutes ses photos avec un iPhone ou un Samsung Galaxy. Attaché aux relations intergénérationnelles, fraternelles et amicales, il lancé le projet "3aila" ("famille") en 2018. C’est à son frère Othmane et à sa sœur Fatima qu’il offre des rôles importants dans la conception de ses images. Pour "Hotel Sahara", l’artiste propose deux nouvelles séries de photographies, diffusées par le biais de stories Instagram, mettant en scène l’amitié naissante de différents artistes de la résidence comme Hanin Tarek, Hiba Elgizouli et Salim Bayri. Pour sa seconde série baptisée "Dunes Symphony", il se concentre sur les dunes de sable et l’omniprésence de ce paysage parfois écrasant.
Chanteuse, claviériste et performeuse passionnée par la composition musicale, Hiba Elgizouli mêle des influences soul à différents rythmes et éléments musicaux issus des quatre coins du Soudan dont elle est originaire. Pour l’exposition "Hotel Sahara", l’artiste, née en 1995 qui vit et travaille entre Le Caire et Khartoum, a réalisé une œuvre sonore et vidéo. Entourée de neuf autres artistes soudanaises performeuses, issues de différentes régions du pays, elle a revisité une danse et un chant de célébration. La vidéo joue sur les zoom et les dézoom pour suggérer la distance avec cette pratique mais aussi le rapprochement par ce désir de performance collective.
Peintre et dessinateur malien, Famakan Magassa explore dans ses peintures l’alliance de la musique, de la performance rituelle et de la vie nocturne au Mali. Pour ses compositions, l’artiste, qui a fait des études au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké Kouyaté de Bamako, met en scène des personnages hybrides, désarticulés, expressifs et excentriques, cultivant un sentiment de démesure. Pour "Hotel Sahara", il s’est intéressé à la Takamba, un genre musical et une danse pratiquée conjointement par les Touaregs et les Songhaï qui a voyagé du Sud au Nord du Sahara central et de ses rives. Les peintures ont été réalisées à partir des vidéos et des enregistrements de Takamba qui circulent sur Youtube et WhatsApp afin de mettre en lumière cette musique toujours aussi ancrée dans son temps.
Vidéaste et performeuse française, l’artiste marseillaise d’origine marocaine et algérienne Sara Sadik s’intéresse aux voix et aux cultures de la jeune diaspora nord-africaine française et à leurs expressions dans la mode, la culture et les réseaux sociaux. Diplômée de l’École supérieure des Beaux-Arts de Bordeaux en 2018, ses projets les plus récents sont d’ailleurs axés sur les relations amicales et amoureuses chez les adolescents et les jeunes adultes des quartiers populaires. Pour "Hotel Sahara", l’artiste a réalisé une installation vidéo baptisée "La Puissance" avec pour thématique le retour des jeunes français d’origine marocaine au pays. Elle aborde les différentes représentations de l’appartenance et de la fierté identitaire. Cette vidéo met en scène le séjour de deux groupes d’amis, à partir d’images et de vidéos initialement publiées sur les réseaux sociaux, vivant leurs expériences individuelles et collectives ponctuées d’insouciance et d’excès, dans l’eldorado esthétique du Sahara.
C’est dans la vie quotidienne du Caire qu’Hanin Tarek puise une partie de son inspiration. Les réflexes, les rythmes du corps et les mouvements automatiques sont analysés et décomposés au sein de chorégraphies qui mêlent divers genres et diverses influences. Pour "Hotel Sahara", l’artiste née en 1993, qui a étudié au Cairo Contemporary Dance Center, a imaginé une installation vidéo la mettant en scène en train de réaliser un solo de danse devant un panorama tantôt désertique, tantôt urbain. Filmée délibérément par le biais d’un cadrage rappelant les caméras de surveillance, l’artiste souligne les dispositifs de contrôle des déplacements inter-sahariens ciblés et présents dans le paysage. Elle questionne cette sensation de surveillance à travers le regard du spectateur, mis dans la position de celui qui épie.