INTERVIEW

Christophe L’Huillier : "Il faut continuer de montrer l’apport des gens qui ont un talent à la marge mais sans exclure les autres."

Publié le

15 juin 2024

Exposition, défi hip-hop/ R’n’B, entretien entre les journalistes du Papotin et Anaïde Rozam… Après le succès de l’édition 2023, le Festival Colis Suspect revient de plus belle au Ground Control (Paris XIIe) jusqu’au 20 juin prochain. Porté par l’association Futur Composé, qui crée des actions culturelles et des rencontres entre des personnes avec des troubles du spectre autistique et des artistes de tous les horizons, l’évènement valorise les talents de chacun, s’interrogeant notamment sur "l’apport de la marge". A cette occasion, S-quive a rencontré Christophe L’Huillier, éducateur spécialisé et programmateur de Colis Suspect.

Christophe L'Huillier, programmateur de Colis Suspect ©Léa Costa

Si vous deviez nous parler de Colis Suspect en quelques mots…

Le concept, c’est d’envoyer un colis suspect à des institutions qui accueillent des personnes porteuses de troubles autistiques. Concernant l’exposition, ici, au Ground Control, les institutions ont 5 semaines pour nous rendre une œuvre d’art. Cela peut être un travail personnel, en groupe ou avec des artistes associés qui permet une mixité du public, entre des personnes en situation de handicap ou non. Il y a aussi une programmation annexe avec des concerts, entre autres, pour valoriser l’apport de la marge et encourager des collaborations un peu improbables.

L'exposition de Colis Suspect au Ground Control ©Léa Costa
L'exposition de Colis Suspect au Ground Control ©Léa Costa

Le festival s’interroge sur "l’apport de la marge" dans la création artistique. Cela rejoint l’idée d’enrichissement culturel par l’inclusivité ?

Le but n’est pas spécialement d’être inclusif car, parfois, quand on crée un évènement inclusif, il l’est moins que s’il ne l’avait pas été pensé de la sorte. Le but était de montrer que les gens qui n’ont pas eu accès à la formation artistique peuvent amener quelque chose en plus, dans la façon de concevoir le monde, d’ingérer des références de pop culture, ou de les mettre en valeur de façon singulière. Ils n’ont pas les mêmes inspirations que les autres.

"Le défi rap est né d’une volonté de montrer que les participants ont des plumes incroyables."

Cette année, le colis suspect fait référence aux JO, à travers les "Olympiades de la culture", et notamment des dates, des scores, des titres, des émissions… autant d’éléments qui résonnent pour les personnes avec des troubles du spectre autistique ?

Oui l’année dernière, on avait fait quelque chose autour d’un ticket de métro qui avait été "fossilisé". Nous travaillons autour de thématiques dont nous savons que ça peut intéresser. Concernant celle des JO, pour des enfants de la télé, des personnes qui peuvent être amenées à décortiquer les scores, les résultats, ça peut être très intéressant. Un jury va distribuer des prix en fonction des catégories. Cette année, la présidente, c’est Anaïde Rozam qui se fait interviewer par Le Papotin.

Anaïde Rozam et Le Papotin ©Léa Costa

Une interview d'Anaïde Rozam par Le Papotin, un défi Rap/ R’n’B, des expositions… Comment avez-vous pensé la programmation ?

Je l’ai pensé collectivement avec l’ensemble de l’association. Nous avons cherché à créer cette polyvalence. Le défi rap est né d’une volonté de montrer que les participants ont des plumes incroyables. On peut lire notamment les plumes singulières dans la version écrite du Papotin. On voulait voir ce que ça donnerait si on défiait des rappeurs, ou en montant sur scène avec des artistes de notre réseau. C’était une volonté d’enrichir cette programmation. On se base beaucoup sur un recueil de poèmes de Rudy Meskine, un des journalistes du Papotin. Les artistes ont été assez subjugués par son style.

Anaïde Rozam et Le Papotin ©Léa Costa

En 2024, où en est-on quant à l’inclusivité culturelle des personnes autistes en France ?

Entre Le Papotin et le Futur Composé, qui existe depuis 20 ans, il y a une volonté d’interroger cela, mais surtout de ne pas voir cette inclusivité comme "une bonne action", plutôt comme quelque chose qui peut apporter. C’est ce qui se passe pour le collectif Astéréotypie qui est vraiment traité comme un groupe ordinaire. Je pense à d’autres projets musicaux en Belgique qui avancent dans des circuits classiques et qui permettent de voir le handicap comme autre chose qu’"une forme de charité".

"Il faut continuer de montrer l’apport des gens qui ont un talent à la marge mais sans exclure les autres."

Dernièrement, le film "Un p’tit truc en plus" d’Artus, avec des personnes en situation de handicap, a fait un carton au cinéma. De prime abord, les maisons de mode n’étaient pas au rendez-vous pour les habiller lors de la montée des marches au Festival de Cannes. Cela en dit long sur le combat à mener encore ?

J’imagine que ce n’est pas un réflexe encore. Il faut réfléchir à la façon dont on pérennise cela et ce que fait le Futur Composé. Il faut réussir à dépasser : 2024, l’année de "Un p’tit truc en plus" ; 2022, l’année du Papotin ou 1997, l’année du "Huitième Jour" et de pérenniser cet état d’esprit.

Anaïde Rozam et Le Papotin ©Léa Costa
Anaïde Rozam et Le Papotin ©Léa Costa

Que faut-il esquiver avec Colis Suspect ?

Il faut esquiver cette idée de "Bonne action".

Le Papotin ©Léa Costa

Que peut-on lui souhaiter ?

Le fait de pouvoir fédérer beaucoup d’institutions. Il y en a 40. Continuer à se développer, d’imaginer d’autres rencontres, de se tourner vers le théâtre, d’envisager du rap, du rock, de la BD. Il faut continuer de montrer l’apport des gens qui ont un talent à la marge mais sans exclure les autres. Ce n’est pas parce qu’on est plus représenté dans une institution, parce qu’on a un talent, qu’on n’est pas tout aussi invisibilisé dans le reste de la société.

Toutes les infos à retrouver ici.

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