INTERVIEW
Publié le
20 mars 2025
Elle dévoile son nouvel EP de 7 titres Lobby dès demain. L’artiste, rappeuse, compositrice et entrepreneure Vicky R, qui a dernièrement partagé la scène de l’Olympia avec MC Solaar, propose un projet tel un sas d’attente vers une nouvelle ère. Figure montante du rap en France, elle revient sur ses trois collaborations aux côtés de Edge, Tuerie et Anaïs Cardot présentes dans l’opus mais aussi sur son engagement fort auprès du dispositif "Rappeuses en liberté".
Vicky, si vous deviez vous présenter en quelques mots…
Salut, c’est Vicky R, artiste, rappeuse, compositrice et entrepreneure. Ça me semble très bien !
Vous dévoilez votre nouvel EP Lobby le 21 mars prochain. Que représente-t-il pour vous ?
Ça représente une transition vers une nouvelle ère. Le nom Lobby est une métaphore car c’est la suite de mon précédent projet Systm et ça représente aussi un sas d’attente vers quelque chose de nouveau.
Quelles influences musicales avez-vous tenu à valoriser ?
J’ai écouté pas mal de musiques pendant la conception de Lobby. Je dirais que c’est un concentré de toutes mes influences : rap, mélo rap, R’n’B et pop. Il y a le titre "Miles" avec Anaïs Cardot qui est presque une ballade avec des influences pop mais aussi afro dans cette façon de jouer la guitare avec le choix des notes. C’est un melting-pot.
Cet EP renferme trois featurings avec Edge, Tuerie et Anaïs Cardot. Comment se sont déroulées ces collaborations ?
Pour les trois, ce sont avant tout des rencontres humaines. On s’apprécie beaucoup. Avec Anaïs, c’était encore plus fort car elle est gabonaise comme moi et ma mère et son père sont amis. Ça fait des années que l’on collabore à distance. Elle a fait des voix additionnelles sur certains projets et l’idée était de faire un feat. Pareil pour Tuerie dont j’aime énormément le travail et la personne qu’il est. C’était vraiment avec lui que je devais faire le type de son que je voulais et ça a donné "Danser dans les flammes".
"Avec ‘Lobby’, je voulais me choisir, faire la musique que je veux proposer et emmener les gens où je le souhaite."
Le premier clip du titre éponyme de l’EP est déjà sorti. Le terme "Lobby" s’adresse explicitement à l’industrie musicale ?
Bien sûr. Il s’adresse à l’industrie musicale de manière implicite. Les deux dernières années, je pense, au contraire, avoir été très explicite avec "Fuck le rap féminin" ou mes prises de paroles sur les réseaux sociaux. Le message que j’envoie, c’est : je vais me choisir, faire la musique que je veux proposer et emmener les gens où je le souhaite. L’idée c’est d’arrêter de vouloir plaire aux gens parce qu’à la fin de la journée, on se dit vraiment que peut-être que l’industrie ne veut pas de nous. En tout cas, c’est l’impression qu’elle donne à certains moments.
Dans le clip, au début, vous êtes assise parterre avant de finir sur un rooftop avec une prise en contre-plongée. Cela reflète votre envie de prendre de la hauteur et de montrer le chemin parcouru ?
Oui, c’est un peu de ça. C’est ce qu’on se disait avec le réalisateur. Je suis contente que tu aies capté cette référence, c’est que le travail a été bien fait ! [Rires] Il y a cette envie de liberté et de hauteur.
Beaucoup d’artistes féminines racontent les difficultés de se faire une place. Qu’en est-il plus spécifiquement dans le rap féminin selon vous ?
Il y a de plus en plus cette question de "Boys Club" qui revient. Je pense, qu’entre le moment où j’ai commencé et maintenant, d’autres artistes en ont plus souffert que moi. Ça fait super longtemps que je suis dans la musique, j’ai 28 ans et j’ai commencé à 11 ans. J’ai pu avoir un début de carrière et grandir devant les gens au Gabon, et venir ici. Là-bas, le respect m’a été donné très tôt. En devenant une femme et en se rendant compte de cette problématique, c’est assez compliqué. On sort des sons et des projets peut-être plus qualitatifs que des rappeurs et c’est difficile de collaborer... Quand tu vois des rappeurs comme Edge et Tuerie, avec qui j’ai collaboré, qui sont deux têtes respectées par tout le monde en feat avec des rappeurs très mainstream, ça fait du bien car on a besoin d’alliés.
Vous avez été remarquée par Chilla, il y a quelques années, avec qui vous avez collaboré sur "Yeah" ou "Ahoo". Peut-on parler d’un véritable esprit de sororité dans le rap ?
Tout le monde n’est pas dans la sororité mais Chilla est à fond là-dedans et c’est pour ça qu’on est encore si proche aujourd’hui. Ce sont des valeurs qu’on partage et elle a été là à des moments très importants. C’est une des premières à m’avoir donné de la force et nous serons sûrement amenées à collaborer encore dans le futur.
Dans cette idée de transmission et de partage, dernièrement, vous avez été mentor de la 4e édition du dispositif "Rappeuses en liberté". Pouvez-vous nous raconter cette expérience ?
Ça fait plus de deux ans que je suis engagée auprès de ce dispositif. J’avais déjà été intervenante à plusieurs reprises. C’était la suite logique d’être Mentor. J’aimais l’idée de découvrir de nouveaux talents féminins, d’échanger avec elles, de voir ce que je pouvais leur apporter avec mon humble parcours. Je serais ravie d’être là si le dispositif en a besoin.
"J’ai cet ADN d’artiste indépendant."
Vous êtes entrepreneure puisque vous avez monté votre propre label Le Cercle. C’était synonyme d’une véritable émancipation artistique ?
Oui, c’était la suite logique pour moi. J’ai cet ADN d’artiste indépendant. J’avais besoin de m’émanciper et de faire les choses par moi-même même si ce n’est pas facile tous les jours. Mais au moins je suis libre dans les décisions, je décide de tout avec mes associés.
Vous êtes montée sur la scène de l’Olympia au côté de MC Solaar. Quel souvenir gardez-vous de ce moment ?
C’est incroyable ! MC Solaar, c’est une légende du rap français qui faisait déjà de la musique alors que je n’étais même pas née ! [Rires] Mes sœurs, ms frères, mes cousins l’écoutaient donc c’était incroyable de partager ça avec lui. C’est un humain en or, très bienveillant, toujours de bons conseils. Je garde ce souvenir très précieusement. C’était un honneur de partager la scène avec lui.
Vous avez été brand ambassador de labels de streetwear iconiques comme Jordan ou Nike, entre autres. Quel est votre rapport à la mode ?
J’adore la mode. Je collectionne les sneakers, j’aime bien les belles pièces et être bien habillée avec des rappels de couleurs. [Rires] En tant qu’artiste, prendre soin de son style, c’est important car c’est notre vitrine. Il faut que la vitrine soit cohérente avec les projets. La mode me parle beaucoup, je commence à être invitée à des défilés, c’est vraiment cool.
Avec quel(le)s artistes rêveriez-vous de collaborer ?
Oui, j’adore Little Simz. Elle revient avec un super projet. Sinon, j’aime beaucoup ce que fait Kay-Wuhn, aussi Travis Scott, en beatmaker Timbaland et en chanteuse un peu à l’ancienne, je dirais Brandy. [Rires]
Que faut-il esquiver dans le rap ?
Il faut esquiver les personnes qui n’ont pas les mêmes valeurs et les faux-semblants parce qu’il y en a beaucoup. Rester fidèle à soi-même.
Où peut-on vous retrouver prochainement ?
A La Place le 23 mai !
"Lobby", Vicky R, disponible dès demain.