INTERVIEW
Publié le
1er juillet 2024
A l’occasion du premier festival de Drag à Paris, "This is Drag Festival" qui devait se dérouler les 6 et 7 juillet prochains, et finalement annulé à la suite de l’annonce des dates de vote des prochaines élections législatives, S-quive était allé à la rencontre de Minima Gesté. Celle qui portera la flamme olympique à Paris, le 14 juillet prochain, est revenue sur son itinéraire et ses aléas, l’univers du drag et ses aspirations.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Drag Queen à Paris depuis 9 ans maintenant, c’est mon métier principal. Je suis spécialisée dans tout ce qui est animation d’événement, que ce soient des jeux, des bingos, des blinds test.
Aujourd’hui, on vous retrouve dans le cadre de "This is drag festival". Que représente cet événement pour vous ?
Pour moi, le festival This is Drag représente tout ce qui permet de nous mettre en avant et de nous afficher dans l’espace public. C’est une superbe opportunité, ça ancre vraiment le fait qu’on existe, qu’on a le droit d’exister et qu’on a le droit de s’exprimer. D’autant plus que nous sommes les porte-paroles de la communauté LGBTQIA+. C’est une super occasion de continuer à faire passer des messages, mais toujours dans le fun, et c’est d’ailleurs ça le but du drag, rappeler pourquoi on fait ça, mais toujours en donnant le sourire.
Nous sommes au Trianon, célèbre théâtre parisien, là où est passée la grande Mistinguett. Qu’est-ce que ça vous fait d’être dans ce lieu rempli d’histoire ?
C’est surréaliste et pourtant ça fait quelques mois qu’on sait qu’on participe au This is Drag Festival. Mais je ne m’en rends toujours pas compte. Je connais le Trianon, en tant que spectateur, j’ai vu un nombre incalculable de concerts, et me dire que ça va être moi sur scène, c’est très étrange. D’un côté, je me dis que je le mérite parce que ça fait 9 ans que je travaille pour, mais de l’autre, je me demande pourquoi moi ? En tout cas, je vais tout faire pour poursuivre la lignée légendaire des personnes que ce lieu a connues et y apporter mon petit grain de sable.
"On partage des messages qui sont importants pour nous, donc souvent des messages de défense de la communauté LGBTQIA+, mais aussi féministes ou antiracistes."
Faire du drag, c’est un art, mais c’est aussi le partage de convictions ?
Pour moi, c’est à 100 % du partage de convictions. On partage des messages qui sont importants pour nous, donc souvent des messages de défense de la communauté LGBTQIA+, mais aussi féministes ou antiracistes. Et c’est en se battant tous ensemble pour les mêmes causes que l’on fait passer au mieux les messages. Le tout accompagné par la rage et aussi des paillettes.
Vous êtes la créatrice de l’association Sidragtion, comment vous est venu l’envie de monter cette association ?
Je suis un mec homosexuel qui a découvert son homosexualité à l’âge de 13 ans. Et, alors que je n’avais jamais eu de relation sexuelle, je suis allé faire un test de dépistage du VIH parce que, dans ma tête, j’étais persuadé qu’homo signifie séropositif. C’est bien sûr 100 % faux. Mais, on était dans les années 2000 et il y avait beaucoup de fausses informations sur le VIH, qu’il continue d’y avoir encore aujourd’hui. Il y a une étude qui a été faite sur les jeunes de nos jours, par Sidaction, qui a révélé qu’un pourcentage, que je trouve beaucoup trop élevé, de jeunes, pensait qu’on pouvait attraper le sida en embrassant une personne séropositive. C’est toutes ces fausses informations qui m’ont fait me dire qu’en tant que drag, j’ai une communauté de personnes qui m’écoute, alors autant créer une association pour partager un message. Alors avec des copines drag, on a créé Sidragtion qui nous permet de récolter des fonds pour la lutte contre le VIH, mais en même temps, on fait d’une pierre 3 coups. On lutte contre le VIH, on transmet des informations sur le VIH et on a notre évènement principal qui sont les maraudes dans la rue. On est une armée de drags qui déferlent dans les rues de Paris avec nos boîtes à dons qui nous permettent de réinvestir l’espace public qui n’est pas un espace "safe" pour les personnes minoritaires.
"C’est une énorme fierté qu’on me propose de porter cette flamme olympique."
Les 14 et 15 juillet, vous allez porter la flamme olympique. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris la nouvelle ?
Il y avait d’abord tout un processus. J’ai été présélectionné, j’ai dû remplir énormément de papiers, et ensuite on m’a demandé si j’étais toujours intéressée, et je n’ai pas hésité une seconde. C’est une énorme fierté et c’est un accomplissement de me dire qu’on me connaît pour mes engagements et qu’on me félicite en me proposant de porter cette flamme olympique. Ça va aussi me permettre de m’afficher et, plus que moi, d’afficher une drag. C’est le mec homosexuel que je suis et très efféminé pour lequel on m’a toujours discriminé quand j’étais plus jeune qui est célébré, donc c’est une incroyable revanche. Ça permet aussi de gêner des personnes, parce que dans le drag, c’est aussi notre but, de mettre à mal les codes établis. Ça n’a pas loupé quand l’annonce de ma participation a été faite, ça a déchaîné les foules.
Comment a réagi ta famille lorsqu’ils ont su que tu portais la flamme ?
Quand je l’ai annoncé à ma mère, elle était super contente et je pense que dans l’heure, elle prenait des billets pour venir me voir à Paris parce qu’elle est de Toulouse.
Cette nouvelle a suscité une vague de haine, comment est-ce que vous vivez cela ?
La vague de haine est arrivée après que la ville de Paris ait fait mon portrait sur les réseaux sociaux. Il a été relayé par des influenceurs d’extrême droite et aussi par un journaliste de TF1 qui a demandé à Marion Maréchal si elle allait être fière qu’une drag queen porte la flamme olympique... C’est après ça que je me suis pris une vague de haine et ça a été très violent et très dur. Je voyais défiler des messages sur mon téléphone, c’était fou. C’est là que je me suis dit que la bulle que je m’étais créée, en m’entourant de personnes bienveillantes, ce n’était qu’une bulle. Même si depuis le temps, je me suis construit une carapace. Mais j’avais quand même cette rage en moi de me dire qu’on a encore un énorme trajet à faire. Ça m’a permis de renforcer mes convictions politiques.
Auriez-vous envie de faire partie de l’émission Drag Race France ?
L’arrivée de Drag Race France a démultiplié le nombre de bookings et ça a permis de nous, les drags queen, nous faire connaître, ça a été une énorme opportunité. Et, pour moi, pouvoir faire partie de Drag Race France, ce serait une superbe opportunité aussi, mais ce n’est pas un but. Ce serait un très beau jalon à ajouter à ma carrière parce qu’à nouveau ça me permettrait de toucher encore plus de personnes, et puis ce serait une petite validation étant donné que j’ai commencé le drag en regardant Drag Race US.
« À esquiver en tant que drag, c’est l’attrait de la fame pour la fame. »
Est-ce qu’il y a des choses à esquiver quand on est une drag queen ?
À esquiver en tant que drag, c’est l’attrait de la fame pour la fame. Pour moi, faire du drag pour la fame, c’est une raison totalement valable, mais il faut toujours se rappeler pourquoi tu fais du drag, il faut toujours esquiver l’oubli de pourquoi c’est ce qu’on fait du drag !
Que diriez-vous aux personnes qui n’ont pas encore pu s’assumer ou ne peuvent pas le faire ?
À ces personnes, je leur dis : Bon courage. C’est dur, c’est très dur de s’assumer. Et plus on est visible, plus il y a des personnes qui sont contre nous. La montée de l’extrême droite en ce moment nous fait peur. Moi, quand j’ai ouvert la profession de foi de Reconquête et que j’ai vu que, noir sur blanc, il y avait écrit qu’ils vont se battre contre les LGBT, je trouve ça horrible, ça me donne encore des frissons. Alors courage, mais surtout faites-le à votre propre rythme, parce que le plus important, c’est de se mettre soi-même en sécurité. Si on ne l’est pas, on n’arrivera pas à se sentir soi-même envers les autres.
Quelles sont tes inspirations Beauté ?
Mes inspirations Beauté, c’est de se maquiller pour le dernier rang du théâtre. Moi, je veux que ça se voit ! Je m’inspire aussi des drags qui pratiquent la transformation. Le meilleur compliment que l’on puisse me faire si on me voit en civil, c’est de me dire : "Je ne t’aurais jamais reconnue !". Mon produit de maquillage avec lequel je ne peux pas sortir de chez moi, c’est le fond de teint Fenty Beauty, le Pro Filter Mat, c’est ma base de teint. Parce que quand on met plusieurs couches de maquillages, il faut que la base soit "clean", sinon quand on rajoute le reste du maquillage, le résultat n’est pas beau. Ce produit, c’est celui que j’ai mis le plus de temps à chercher pour avoir de la bonne qualité.
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