INTERVIEW
Publié le
28 mars 2025
En mars 2019 sortait Premiers émois, le premier album de Vendredi sur Mer, de son vrai nom Charline Mignot. Depuis ce temps elle a volé gracieusement de personnage en personnage, qu’elle a adoré incarner. Avec Malabar Princess, son troisième album attendu le 25 avril prochain, elle atterrit doucement chez elle, dans sa Suisse natale, là où est née une partie de ce qui l’inspire aujourd’hui. Dans ce nouvel opus, elle se livre avec naturel et simplicité, évoquant son attachement aux paysages helvétiques et aux personnages de sa vie : ceux qui l’ont vue grandir et l’ont laissée partir, avant de savourer son retour… et l’écriture d’un nouvel album. S-quive l’a rencontrée à Paris juste avant qu’elle ne reparte en Suisse, où elle confesse passer désormais la majeure partie de son temps.
Dans le titre "Malabar Princess", qui est aussi le nom de l’album, vous chantez : "Je ne sais plus par quel chemin les retrouver, ces montagnes et ces vallées que j’adorais". Est-ce que la création de cet album a été le chemin, ou un des chemins, pour retrouver votre Suisse natale ?
Oui ! Ça fait peut-être deux ans maintenant que je retourne fréquemment là où je suis née, dans les montagnes… Que j'ai désertées, d'ailleurs, pendant un moment parce que j'ai déménagé à Paris et je ne rentrais pas souvent. J'ai ressenti le besoin d'y retourner bien plus ! Cette chanson, je l'ai écrite à Montréal. Je suis partie parce que je voulais changer d’air, et je me suis rendu compte que ce n’est pas un nouvel endroit dans lequel j'avais envie d'être, c'était seulement là où je suis née… Donc je ne sais pas si cet album m'a amenée à retourner là-bas. En tout cas, retourner là ou je suis née a amené cet album ! Et cette chanson "Malabar Princess".
À quel âge êtes-vous partie à Paris ?
J’avais 19 ans ! Ça fait 10 ans que je suis à Paris… C’est terrifiant [Rires] !
La pochette de Malabar Princess vous met en scène naturellement au milieu des montagnes justement, c’est là-haut que se sent le mieux Vendredi sur Mer ou Charline Mignot ? Ou les deux, qui se sont beaucoup rapprochées après 3 albums ?
Les deux ! J'ai bien aimé être une Vénus, un personnage dans le premier album… puis je me disais algue dans le deuxième. L’idée de celui-ci était d’être moi-même, de parler de moi et de montrer quelque chose d'assez simple. C'était en tout cas la ligne de base : avoir quelque chose de très normal, naturel. Je me suis entourée de mes amis pour la pochette, on a bossé ensemble pour tout ce qu'on a tourné jusqu'à maintenant en termes d'images.
"Retourner là où je suis née a amené cet album !"
Justement, pour la pochette, vous avez collaboré avec Écoute Chérie. Avez-vous aussi apporté votre regard de photographe, votre premier métier, à cette collaboration ?
J’avais l’idée d’être au Col des Annes, c’est là que se situe l’image de la pochette. Je savais également que je voulais être en rouge, et à la base, je voulais être vraiment toute petite dans la photo… Qu’on ne me voie pas [Rires] ! Finalement on a shooté pendant une semaine à la montagne. C’est dans les derniers jours que l’on a shooté la cover de l'album. Celle-ci était une des plus représentatives de ce que je voulais, c'était très naturel !
Pourquoi en rouge particulièrement ?
J'avais l'image des champs verts, du ciel bleu, des montagnes rocheuses derrière. J'avais ces couleurs primaires en tête. Et le rouge, c’était comme être un petit chaperon rouge au milieu de toute cette immensité, ça allait être sympa !
Vous avez eu un succès international, vous partez loin en tournée et vous revenez avec une création qui vous rattache aux débuts. Qu’est-ce qui s’est passé au bout du monde ? C’est bien là la genèse de ce troisième album ?
Oui, et plus globalement, dans ma vie de tous les jours, j'avais besoin de ce retour aux sources et j'avais envie d'être là-bas. D'ailleurs, j'y suis pratiquement tout le temps maintenant ! Je ne sais pas si c'est l'éloignement, les tournées, etc., qui m'ont donné cette envie. Ou qui m'ont donné le tournis [Rires]. Peut-être qu’il y a un lien finalement… Par contre, je suis super heureuse de voyager, de visiter plein de pays, c'est chouette.
Où est-ce que vous avez écrit l’album ? Vous êtes retournée en Suisse ?
J’ai écrit un peu partout ! À Paris beaucoup, j'ai écrit un peu de choses à Montréal. Chez moi aussi, chez ma mère en Suisse…
"Je m’inspire des gens qui m'entourent et de ce que je vis."
Vous diriez que c’est un album nostalgique ?
Je parle d'où je viens, je parle des gens aussi que j'ai retrouvés. Parce qu'en partant dix ans à Paris, je ne voyais pas mes potes d'enfance, ou très rarement, c’est la même chose pour les montagnes. J'ai renoué avec des gens, des paysages, des choses qui étaient ma vie d'avant. Est-ce qu’il est nostalgique ? Oui et non… Parce que je parle quand même de ce que j'ai retrouvé.
C’est de la nostalgie positive ?
Oui, c’est plutôt ça !
Comment faites-vous pour mettre le son juste sur ce sentiment de nostalgie positive ?
J'ai beaucoup travaillé avec Adrien Gallo sur l'album, et Sam Tiba, comme d'habitude ! Adrien m'a vraiment aidée à trouver les notes un peu plus douces, plus délicates, que j'avais envie d'avoir pour raconter certaines choses. Et il y a d'autres chansons qui sont complètement différentes, comme « J'irai en enfer » qui est à l'opposé de toutes les autres. C'est un petit mélange.
Pourquoi ce nom, Malabar Princess, tiré d’un avion qui s’est crashé ?
C'était une métaphore, le fait de moi-même me crasher dans les montagnes, me retrouver là-bas… Et puis, c'est surtout parce que j’aime le nom. Je ne voulais pas utiliser l'avion comme message parce que c’est un drame évidemment, et il y en a eu deux en plus qui se sont écrasés. C'est une histoire qui est hyper connue chez nous. Et puis c'est le Mont Blanc, donc c'est là d'où je viens. Il y avait un peu de tout ça...
Vous avez confié n’écrire que sur des choses vécues, et une vieille expression explique : "On ne sait pas de quoi demain sera fait". Il y a donc une grande part de hasard et de naturel dans vos albums, et votre carrière en général ?
Ça part toujours de quelque chose que j'ai vécu. Par exemple, sur cet album, j'ai fait un truc que je n'avais jamais fait : j'ai écrit une chanson pour ma cousine, qui est comme ma petite sœur. C'était quelque chose que j'avais envie de faire depuis longtemps, mais que je n'avais jamais réussi à faire. Là, j'ai réussi, donc je suis assez contente ! Je m’inspire des gens qui m'entourent et de ce que je vis.
"Je suis quelqu’un de très nostalgique et le futur me fait peur."
Vous vous inspirez aussi pas mal de créations artistiques, pouvez-vous nous parler d'une musique, d'un film ou d'un artiste qui vous a inspirée sur cet album ?
J'adore Caroline Polachek ! Pour certaines chansons, c'est Polachek dans l'idée d'expérimentation. Par exemple, sur "Lola les yeux fermés", l'idée était d'avoir quelque chose d'un peu plus hybride, même si ça reste sur cet album quelque chose d'assez neutre, et tout n’est pas très Polachek.
Que faut-il esquiver quand on passe par des périodes de nostalgie, selon vous ?
Franchement, je n'esquiverais rien dans les périodes de nostalgie ! Rien du tout ! J'adore. Je suis quelqu’un de très nostalgique et le futur me fait peur, j'aime bien que tout soit organisé, j’aime savoir ce que je fais à l'avance. Pas tout évidemment [Rires]. Mais j'aime bien quand tout est à peu près programmé, que je sais où je vais. Je pense honnêtement que c’est parce que j’ai envie de contrôler le futur. Par contre, je me noie dans le passé, c'est terrible ! [Rires]
Mais je n'esquiverais rien, j'adore !
"Malabar Princess", Vendredi sur Mer, disponible partout.