ARTS
Publié le
14 juillet 2021
Implantée au cœur du parc des anciens ateliers ferroviaires de la SNCF, la rutilante tour Gehry qui accueille la Fondation Luma Arles inaugurée le 26 juin dernier, reflète, comme bien d’autres lieux culturels hybrides, la promotion d’un passé industriel révolu.
Quelques semaine après la Bourse de Commerce, la Fondation Luma, colosse (56 mètres de haut) d’acier, de béton et de verre conçu par l’architecte star Franck Gehry (Fondation Louis Vuitton, Musée Guggenheim) qui surplombe les tuiles ocres de la ville antique ouvre ses portes. Si Maja Hoffmann, la propriétaire des lieux, l’a imaginée à Zurich, elle a jeté son dévolu sur le Parc des ateliers de Arles pour implanter son « campus créatif réunissant artistes et créateurs de demain ». Ainsi Les Forges, La Cour des Forges, La Mécanique Générale, La Formation et Le Médico-Social sont les bâtiments industriels de cette ancienne friche ferroviaire qui ont été rénovés pour devenir des espaces d'exposition et de performances.
Un peu d’histoire. Située aux portes de la Provence, la ville d’Arles devient alors le point de passage stratégique pour la compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, future SNCF, qui souhaite faire passer sa ligne ici jusque’à Marseille. En 1844, Lamartine, fervent partisan du chemin de fer et président du Conseil général de Saône-et-Loire entreprend l’édification d’un centre de construction et de réparation de locomotives à vapeur sur ce terrain de 11 hectares. Dès lors, le Parc des ateliers devient le poumon économique et le premier employeur de la ville. Mais après la Seconde Guerre mondiale, l’arrivée des nouvelles locomotives électriques engendre une évolution des techniques de construction et de réparation des locomotives, ce qui rend obsolète les machines et les outils du Parc des ateliers. Malgré quelques réemplois après sa fermeture en 1984, le Parc des ateliers est abandonné et devient une friche industrielle.
Ce projet culturel s’inscrit dans un élan de réhabilitation de friches à travers l’Hexagone et permet de lutter contre l’étalement urbain qui consomme encore beaucoup trop d’hectares de terres chaque année. Selon l’Agence de transition écologique, la place de ces lieux abandonnés représente environ 150.000 hectares en France. Requalifiées à la demande des collectivités et des municipalités, de nombreuses friches sont alors transformées en des lieux qui répondent aux attentes de la société actuelle, souvent respectueux de l’environnement. Si l’inauguration de ces friches culturelles officielles est symptomatique d’un processus de rapprochement entre les pouvoirs publics et les acteurs culturels locaux, elle représente une aubaine pour les maires autoproclamés progressistes, notamment lorsqu’elles se situent dans des quartiers délaissés. C’est le cas de la friche de La Belle de Mai, à Marseille, située dans le quartier le plus pauvre d’Europe. Entre deux expos, les grandes Tables offrent alors l’expérience de déjeuner dans la peau des ouvriers de cette ancienne manufacture de tabac. Sensations garanties, la sueur et la fatigue en moins.
Une tendance qui se déploie aussi à Toulouse avec La Centrale, ancienne usine hydroélectrique où l’on peut déguster des huîtres « les pieds dans le sable » et flâner au marché vintage. Plus alternatif, le collectif d’artistes Brise-Glace squattait depuis plus de vingt ans un immeuble désaffecté de la compagnie électrique Alsthom, avant d’être racheté par la Ville de Grenoble pour en faire une pépinière d’artistes en 2018. La réinvention de ces lieux abandonnés donne un nouveau visage au paysage urbain, où les artistes en mal d’ateliers s’emparent du patrimoine industriel comme terrain de jeu. Est-ce le cas pour les population alentours, principalement issues de classes ouvrières ?
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