INTERVIEW
Publié le
24 janvier 2024
Difficile de résumer le travail de Théodore Bonnet en quelques mots. "Théo" crée, avec son amis Lucas Hauchard, des vidéos sur Youtube. Des idées toujours plus inventives, plus grandes, plus passionnées. Que le duo trouve en caleçon sur le canapé. C’est sans compter, ensuite, sur le dernier de la bande, Théo Meunier, qui puise dans sa folie créatrice pour fabriquer des memes (effets) inoubliables. Après 10 ans, ces inséparables aiment toujours autant se retrouver le soir devant un Mario Kart. Même si le lendemain, c’est 18,7 millions de personnes qui attendent la nouvelle vidéo ; parce que la chaîne sur laquelle ils publient leurs projets, c’est celle de Squeezie ! Théodore Bonnet est le réalisateur du premier créateur de contenus de France. C’est aussi, celui du documentaire Merci Internet, sortie sur Amazon le 19 janvier dernier. Derrière ces 5 épisodes, c’est toute la génération de la culture web qui s’identifie avec émotion et fierté. C’est également, à l’image de cet échange, un temps de rires, de larmes, de nostalgie, d’amour, et d’espoir pour tous. Là, est la force de ce réalisateur, et de ses équipes : la capacité, à chaque proposition, de créer ensemble l’âme du monde. Une fois n’est pas coutume, je déroge exceptionnellement à la règle avec un mot à la première personne car cette interview a été un privilège pour le fidèle spectateur que je suis !
Comment vous sentez-vous depuis l’avant-première du documentaire, et aujourd’hui, avec la sortie ?
Pour tout te dire, nous sommes très émus ! L’avant-première était un grand moment pour nous, parce que c’est un projet que nous menons depuis plus de 3 ans et que nous présentons enfin au public. On était très heureux des retours des gens ; et même des réactions pendant la projection. On plane un peu depuis cette date ! Et maintenant que le documentaire est disponible on reçoit des centaines et centaines de mentions avec énormément de personnes en pleurs, émus, touchés et heureux de notre film. On est extrêmement émus de voir combien les gens se reconnaissent dans notre travail, qu’ils sont fiers que ce documentaire représente leur génération. C’est, en tout cas pour nous, ce qu’il y a de plus beau ! C’est exactement ce dont on rêvait !
Pourquoi ce documentaire ?
Il y a différents postulats. Mais la raison principale, c’est de faire comprendre nos métiers et nos vies à nos parents. De plus, avec Lucas, on a la sensation que personne se doute réellement du "off" de la vie de quelqu’un de Youtube. On s’imagine assez facilement le quotidien d’une star, d’un acteur ou d’un chanteur ; mais d’un créateur de contenu ça reste une vie qui n’est pas encore ancrée dans l’inconscient collectif. Et, quel meilleur exemple que Lucas pour raconter et prendre la parole sur ce sujet. Mais aussi, pour représenter le milieu du web, de cette plateforme ! Et, plus égoïstement, j’aimais l’idée d’avoir un support universel à montrer à mes parents pour leur dire : "Voilà ce qu’on fait et quel est notre quotidien".
"Au quotidien, on forme un binôme qui évolue en fonction du projet."
Dans le documentaire, on vous voit travailler avec Lucas. Pouvez-vous nous raconter davantage votre façon de travailler avec lui ?
Au quotidien, on forme un binôme qui évolue en fonction du projet. Quoi qu’il en soit, à chaque fois, on commence à chercher les idées ensemble. Lucas a réellement une culture web incroyable, ainsi que le don (presque naturel) de sentir les choses. Il va savoir ce qui va toucher et intéresser les gens sur l’instant. Il a un sens très aiguisé de la meilleure façon de réaliser un projet. C’est vraiment dingue ! Ensuite, j’amène mes savoir-faire de la fiction, du cinéma, de la télé et ma culture web. On mélange toutes nos compétences, nos idées, nos références et nos apports respectifs pour arriver à un format abouti, solide et qui nous plaît dans la mécanique, la direction artistique et dans quasiment chaque détail. Une fois qu’on arrive là, je pars en croisade avec mes équipes pour faire exister le projet. Parce que, bien entendu, nous ne sommes pas seuls ! Il y a des équipes pour les décors, les lumières, les caméras et tout ce qui est propre à un tournage. Et, ensemble, le but est de rendre concret une idée qu’on aura eue sur le canapé de Lucas.
Un tournage extraordinaire, dont la suite est la dernière vidéo publiée. C’est un thème qui a fait l’identité de la chaîne celui du "Mod Murder". Pouvez-vous nous raconter les deux vidéos de Qui est le meurtrier ?
Lucas à la base, comme tu le sais, est fan de jeu vidéo. Et le Mod Murder de Garry’s Mod est l’un de ceux auxquels il préfère jouer. Un peu avant l’été, il m’a dit qu’il aimerait tellement jouer à ça, en vrai ! Je me souviens d’ailleurs lui avoir dit : "C’est beaucoup trop compliqué à concrétiser". Parce que ça impliquait une quantité phénoménale d’éléments ! Mais, la première (et plus grande) difficulté c’est que ce qui est fun à jouer, doit être aussi fun à regarder. Donc, pour trouver la solution, j’ai d’abord passé des heures et des heures à regarder Lucas jouer ! En même temps, je me projetais quelle expérience de visionnage le spectateur pouvait avoir. C’est toujours ça la priorité ! Et, à force de réfléchir, je me suis dit : "Pour qu’on comprenne au mieux ce qu’il se passe, il faut qu’on ait un point de vue sur tout". Je savais qu’il fallait créer un environnement dans lequel tous les joueurs pouvaient évoluer librement, sans jamais croiser quelqu’un de la production, sans jamais être interrompus par une intervention extérieure comme une caméra visible, un écrit "Ne pas toucher", ou quoique ce soit qui allait briser le 4ème mur. On voulait vraiment que les participants soient dans le jeu vidéo. Une fois cela établi, j’ai tenté d’anticiper, le plus possible, chaque déplacement, chaque mouvement et chaque comportement humain que les joueurs pourraient avoir en réaction au décor qu’on allait leur proposer. Et donc de placer les caméras en fonction de ça. Enfin, la dernière solution que j’avais pour ajouter un point de vue immersif, c’était d’équiper les participants de deux caméras pour couvrir tous les angles. Tout ça nous a permis d’avoir des séquences funs et improbables (parce que spontanées) ! C’était quasiment le Truman Show, c’est extraordinaire ! Pendant 8h de tournage, rien ne pouvait nous échapper ! Mais ça impliquait plus de 80 caméras, 3 jours d’installation des décors et un travail énorme de postproduction après le tournage. Et, surtout, une grosse prise de risques. Parce qu’on ne sait jamais si la vidéo va marcher. C’est toujours un saut dans le vide. Donc, on travaille pour proposer le meilleur ; et ensuite on croise les doigts et on espère que les gens vont apprécier. Alors que, comme toujours, la veille du tournage rien ne va ! [Rires]
"Ce brassage culturel du cinéma, du web et de vie donne des projets géniaux qui sont aussi fun et humains à vivre pour les participants, qu’à regarder pour les spectateurs."
C’est là que le Studio Bagel et votre parcours cinématographique vous aide ?
C’est évident que mon travail avec le Studio Bagel a été la meilleure école possible ! Je devais réaliser plusieurs vidéos par semaine ; et en plus on parodiait le cinéma. Un jour, je devais faire un thriller, le lendemain un film de pirate, ensuite une comédie française. C’était un terrain d’apprentissage fantastique ! Qui plus est, on avait le retour direct des gens dans les commentaires. C’était la manière idéale pour comprendre ses erreurs et s’améliorer. Ce mélange se ressent dans ce qu’on fait avec Squeezie ! Par exemple, pour la vidéo du "Pire Date", c’est un mélange avec Edge of Tomorrow, Un jour sans fin, et n’importe quelle comédie romantique. Ce brassage culturel du cinéma, du web et de vie donne des projets géniaux qui sont aussi fun et humains à vivre pour les participants, qu’à regarder pour les spectateurs.
Un thème qui a fait l’identité de Squeezie, c’est celui de l’horreur. Vous avez d’ailleurs réalisé le court-métrage Who avec Amazon. C’était la première fois que vous faisiez de la fiction ?
Lucas a une vraie culture de l’horreur ! Cette année-là, nous voulions proposer autre chose et faire évoluer le format "Thread Horreur". Il y avait le projet "Bleak" qui nous avait challengé et que nous avions adoré créer. Et, nous savions que ça nous tenait vraiment à cœur de proposer notre film d’horreur, avec notre mécanique et notre vision. Ce n’était pas évident, parce qu’on tombe facilement dans le gore. Nous voulions aller vers le psychologique et l’angoisse. Et quand nous avons trouvé cette mécanique de "clonage", nous savions que ça pouvait toucher tout le monde. Parce que, à l’inverse du gore qui peut rendre insensible ou rebuter ; ici on se disait qu’à la place du personnage, tout le monde serait mal ! C’était un réel défi, parce que sur Youtube ce n’est pas la fiction qui prône. Parce que, c’est énormément d’investissement, de temps, d’énergie. Non pas que les autres projets ne demandent pas la même chose, mais ce format est tellement spécifique qu’on voulait placer la barre encore plus haute que d’habitude. Finalement ça a été bien reçu et ça nous a vraiment ravis !
Un autre projet hors normes fut le "Ouéskilé" à la Défense Arena. Pouvez-vous nous raconter cette réalisation ?
C’était très gros pour nous à l’époque ! Avec ce projet, nous voulions passer un cap ! D’où les 1500 personnes qui ont été invitées à participer, des moyens énormes avec 30 caméras, un lieu incroyable qui est la plus grande salle d’Europe. Je me rappelle que cette vidéo a été extrêmement compliquée ! La veille du tournage, rien n’allait parce qu’on avait 12h-13h pour tout monter ; mais en réalité il nous fallait 10 jours. Pour ce type de projet, il y a des phases de test pour anticiper au mieux les imprévus, ajuster le tournage et faire en sorte que le jour J, tout se déroule comme du papier à musique. Pour nous, le crash-test, c’était le jour du tournage. C’était très ambitieux pour le peu d’expérience qu’on avait, en réalité, à ce moment. Quelque chose que j’ai appris avec ce projet, c’était tout le côté interactif. La veille de la captation, nous avons essayé de jouer avec nos équipes pour vérifier la bonne installation et le bon déroulement pour le lendemain. J’ai pris conscience qu’il n’y avait aucun son pour guider et inclure pleinement les joueurs. Par exemple, lorsqu’il y avait un joker, pour le début ou la fin de la partie, ça n’était pas signalé par un son qui va permettre au participant de comprendre ce qu’il se passe. Je me suis retrouvé la nuit à travailler le soundesign ; pour le tester 1h avant que tous les joueurs n’arrivent ! Mais au final le tournage se passe bien et on arrive à un résultat génial. Ensuite, on tire les leçons pour progresser dans les futurs projets.
"Le web et Youtube nous passionnent donc parfois on tire beaucoup trop sur la corde. L’énergie, ensuite, qu’on trouve pour continuer, c’est le retour des gens."
Quelques mots sur les deux GP Explorer ?
C’était extraordinaire ! Pour le coup, c’est Lucas et son agence Bump qui ont monté ce projet. J’ai juste un peu aidé sur la direction artistique. Dans mon domaine en définitive ! Mais, c’est surtout humainement que c’était incroyable ! C’était 40 000 personnes passionnées du web, de tout âge et de tous horizons qui se sont ressemblées pour une même cause : Internet. Mais surtout, c’était la première fois que Lucas a pu réunir son public véritablement comme il le souhaitait depuis longtemps. A chaque fois qu’on repense à ce moment, ou qu’on voit des images, on a les larmes aux yeux. Ce qu’il s’est passé ce jour-là nous a marqué à vie. Je pense également que ça a laissé une empreinte indélébile dans la culture web. Ce que j’ai trouvé beau, c’est que les gens, Squeezie et tous les créateurs de contenus étaient là pour se rencontrer humainement et partager une passion commune ; que ça soit de la Formule 4 ou du saut à l’élastique importait peu… Après, une course de voitures, c’est quand même plus sympa ! [Rires]
On voit également combien vous repoussez vos limites physiques et mentales. Pourtant vous continuez avec un rythme incroyable. Est-ce qu’on parvient à gérer et surmonter ça ?
On n’y arrive pas, mais encore une fois c’est nous qui nous le sommes imposés. Le web et Youtube nous passionnent donc parfois on tire beaucoup trop sur la corde. L’énergie, ensuite, qu’on trouve pour continuer, c’est le retour des gens. C’est un cercle vertueux. On donne tout pour proposer un contenu, et 1h après la sortie de la vidéo, on reçoit tellement d’amour ! On retrouve une force et une énergie au-delà de l’imaginable… Et on repart galvaniser comme jamais !
La 2ème vidéo la plus regardée sur la chaîne de Squeezie, c’est le clip "Time Time", que vous avez réalisé. Il a conduit à la vente en support physique de singles, la naissance d’un magazine avec un poster. Pouvez-vous nous en parler ? Qu’est-ce que vous retenez du succès particulier de ce projet ?
Ce que je retiens de ce projet, c’est que ça nous a totalement dépassé ! Mais complétement ! On avait déjà l’expérience des Hits de l’été. Malgré ça, j’avoue que la première fois que Lucas m’en a parlé, je ne le sentais pas. Je craignais le bad buzz et les critiques négatives du fait que "des youtubeurs fassent encore de la musique". Donc, autre chose que je retiens, c’est de ne pas m’écouter quand je donne un ressenti ! [Rires] Plus sérieusement, comme toujours nous souhaitions proposer un divertissement encore plus fun à voir, à écouter et à vivre en se basant sur l’expérience précédente. L’idée est venue de Maskey. On a pris énormément de plaisir à tourner la création des sons, avec chaque équipe qui réservait ses lots de surprises pour "piéger" l’autre. On était en concurrence, cependant nous étions en train de vivre une aventure entre amis, en famille ! Pour te dire, à la fin du tournage, nous avions tous une vraie préférence pour "Ambiance Skandal". Sans doute que c’était notre génération, et la nostalgie a fait son effet. Par la suite, c’est "Time Time" qui est rentré dans le cœur des gens. A partir de là, tout s’est accéléré d’une façon inimaginable ! C’était quelque chose qui allait au-delà de la musique et de Youtube. Nous étions heureux de voir le bonheur que ça procurait. Et, plus encore, lorsqu’on savait que tout l’argent récolté serait pour le Secours Populaire. Il y avait, d’une part, l’effet madeleine de Proust avec le single que tu pouvais acheter pour le mettre dans ta voiture ; et parallèlement, la possibilité à son échelle de soutenir une bonne cause. C’était un des projets de la chaîne qui nous a le plus transcendés sur tous ses aspects, et qui a été le plus dingue à vivre sur tous les plans !
"C’est souvent Lucas, notre chef monteur Théo Meunier et moi, en caleçon sur le canapé, qui nous creusons la tête pour solutionner les problèmes !" [Rires]
C’était comment internet dans les années 2000 ? Votre meilleur souvenir de cette époque ?
C’est impossible de répondre à cette question ! Il y a tellement de choses ! Je dirais l’émergence des Studios Bagel et Golden Moustache. Parce qu’en fait, à ce moment-là, j’ai l’impression qu’on ne savait pas du tout où on allait… Mais nous étions fiers de faire partie de cette aventure ! Malgré l’incertitude, nous savions que c’était le bon endroit pour nous. C’était magique, tout était à construire, les possibilités étaient infinies. C’était une liberté et une période de nouveauté permanente et folle. Je pense que je resterai toujours nostalgique de cette époque. C’est ce point de départ, qui remonte à plus de 10 ans, où tous nos liens se sont créés. Par exemple, avec Natoo, on se connaît depuis les vidéos du Bagel. Dès le départ, des liens forts et sincères nous ont liés. On était une famille. Ce sont des beaux souvenirs que je vivais.
La musique tient une part importante dans la vie de Lucas, et dans le travail de Squeezie, puisque sur le Top 10 des vidéos de sa chaîne, 9 sont des clips. Vous avez également démarré avec la musique en réalisant des clips. Qu’est-ce que c’est la musique pour vous ?
Pour moi, c’est tout ! J’ai fait 12 ans de conservatoire et je voulais faire de la musique. Ce qui m’a poussé à faire des vidéos, c’est l’envie de faire des clips. Je voulais raconter des histoires en images sur une musique. Donc, cet art a une place extrêmement importante pour moi. Également pour Théo Meunier. On était contents de passer par Amazon pour le documentaire parce que ça nous a offert la possibilité de pouvoir avoir un budget dédié pour les morceaux. C’est un vrai avantage de passer par ces plateformes parce qu’on a pu inclure des titres qui ont bercé notre enfance, qui sont chers à nos cœurs et qui poussent aux beaux souvenirs comme Sum41 ou Blink-182.
Squeezie s’est fait connaître grâce aux jeux vidéo. Vous êtes un passionné, si on en croit ce qu’il raconte ? C’est quoi votre Top 3 ? Vous jouez à quoi en ce moment ?
Plus jeune, le jeu qui rythmait ma vie était "World of Warcraft". J’aimais ce monde ouvert (dans la mesure de cette époque bien sûr). L’aspect social également était génial, j’avais ma bande de potes avec qui je partais en quête et avec qui je passe des moments incroyables. D’ailleurs, les premières vidéos que j’ai fait, c’était sur ce jeu ! Ensuite, il y a eu "Red Dead Redemption" qui m’a profondément marqué. Je trouvais extraordinaire la dimension cinématographique de ce jeu. Vivre ça quand on a commencé sur une Ps1, c’est enivrant. Et, le jeu qui nous rassemble avec Lucas et nos amis, c’est "Mario Kart" ! Dès qu’on peut, on se déchire sur des courses. En plus, c’est un des seuls jeux où je peux vraiment battre Lucas ! J’ai mon petit niveau, dont je ne suis pas peu fier je t’avoue. C’est la quintessence de l’amitié pour nous. C’est là que tu lâches tes meilleures insultes aussi ! [Rires]
Youtube a énormément changé en 10 ans. On entend même le déclin de la plateforme. Comment vous avez vécu cette évolution ? Où va-t-elle selon vous ?
Je pense que les habitudes de consommation ont changé. Lorsqu’on remonte aux débuts de Youtube, personne ne pensait faire des vidéos de plus de 3 min ! Mais, avec le streaming, de Vine, d’Instagram ou de TikTok, tout a basculé. On consomme les contenus courts sur TikTok et les formats longs sur Youtube. Je prends cette plateforme comme des cycles. On arrive, par exemple, aujourd’hui à une vague d’émissions. C’est passionnant et génial de voir ça ! C’est la magie et le charme d’internet pour moi. Si demain des plateformes vidéo ferment, il y aura sans doute autre chose pour les remplacer. C’est fascinant d’étudier et de vivre toutes ces évolutions. Internet c’est une entité libre et autonome. C’est ça la beauté de ce monstre géant !
C’est cette passion qui vous permet de vous renouveler aussi souvent ?
Je ne sais pas si on se renouvelle sincèrement. Je sais juste qu’on est force de proposition. On prend des risques. C’est essentiel sur ces nouveaux médias. Parfois, on développe des formats mais on n’a aucune certitude que ça intéresse et que ça plaise. Bien entendu, on se questionne et regarde ce qui semble attirer le public. Mais, la priorité c’est de prendre plaisir et d’être sincères. Les projets évoluent en fonction de nous-mêmes. C’est parce que nous changeons que nos propositions changent.
"Lucas [Squeezie] ne dit jamais ‘Je’ mais toujours ‘On’ lorsqu’il parle d’un projet."
Ce qui est fascinant dans votre travail, c’est la conservation de cette dimension humaine malgré des projets à l’échelle inimaginable. Comment parvenez-vous à garder ça ?
C’est l’entourage ! Dans notre documentaire nous avons voulu démystifier l’image de Squeezie. Beaucoup pensent qu’autour de lui, il y a une armée de gars en costard pour gérer les formats, les situations de crise. Au final pas du tout ! C’est souvent Lucas, notre chef monteur Théo Meunier et moi, en caleçon sur le canapé, qui nous creusons la tête pour solutionner les problèmes ! [Rires] Nous sommes des amis, qui partagent un lien fraternel, qui se retrouvent pour faire des vidéos sur Youtube ; avec le but de se faire kiffer et faire kiffer les gens ! Quand tu es aussi connu, c’est le plus important : cette fidélité sans failles dans le temps, peu importe les situations. Lucas ne dit jamais "Je" mais toujours "On" lorsqu’il parle d’un projet. Cet esprit de famille est complétement à son image. Dans les réussites et les échecs, on est tous ensemble dans ce bateau. Ça nous permet à tous, et surtout à lui, de rester ancrés dans la réalité et de continuer à prendre du plaisir. C’est ce qu’il y a de plus précieux !
A l’image de vos vacances en camping sauvage ?
Oui exactement ! [Rires] C’est parfaitement cette idée. C’était un vrai bonheur de voir Lucas vivre la vie de quelqu’un de son âge. Plus jeune, il ne voulait pas partir parce qu’il ne voulait pas manquer de publier une vidéo sur sa chaîne. C’est te dire le niveau d’exigence qu’il s’impose ! Ce qui te conduit à avoir 25 ans et n’être jamais parti en vacances avec des amis…et simplement vivre ! Donc, nous l’avons embarqué tout en le rassurant. C’est important pour nous que notre ami puisse expérimenter et préserver cette normalité. Parce que, de vivre comme tout le monde, au final, te permet de préserver l’équilibre, dont nous avons tous besoin, entre le travail et l’intime. Je me rappelle que c’était très émouvant pour nous tous de voir Lucas être comme tout à chacun : se réveiller avec la gueule de bois, se coucher tard, danser, être insouciant ! Ces souvenirs que tu te crées sont, en fait, ce qu’il y a de plus important lorsque tu regardes dans le rétroviseur. Surtout lorsque tu as le parcours de Lucas.
"Si je devais te décrire Lucas, aujourd’hui, c’est un Nerd de 27 ans qui est très droit, juste et qui a grandi trop vite. Qu’on soit en train de travailler ou de geeker, je vois toujours cet ami que j’aime."
Qui sont Lucas et Squeezie pour vous ?
Je disais au Grand Rex que la difficulté dans le documentaire était de parler de mon ami Lucas, mais aussi d’une des personnalités les plus connues de France. Pour autant, il n’y a pas vraiment de distinction entre les deux ; parce qu’il est quelqu’un de complétement naturel tout le temps. Toutefois, ça me tenait à cœur de raconter la vie de Lucas, plus que celle de Squeezie. Car je souhaitais montrer que derrière une icône générationnelle, il y a toute la normalité d’un être humain de son âge. Si je devais te décrire Lucas, aujourd’hui, c’est un Nerd de 27 ans qui est très droit, juste et qui a grandi trop vite. Qu’on soit en train de travailler ou de geeker, je vois toujours cet ami que j’aime. De plus, je pense que c’est le rôle de son entourage de toujours le maintenir à cette place, une personne comme nous et de le considérer en permanence comme rien d’autre qu’un être humain.
C’est quoi Internet ?
C’est nous tous : notre génération qui a grandi avec, nos parents et familles qui nous ont soutenus, les créateurs de contenu, le public, tous les gens qui font Internet. Avec notre documentaire nous voulions rendre hommage à tout ça. C’est le monde de demain. C’est un terrain de jeu sur lequel il peut se passer des choses merveilleuses ! Mais, il ne faut pas être candide, il y a également des aspects plus négatifs. Cependant, Internet a changé le monde et il ne va faire que l’améliorer à mes yeux.
"Merci Internet" disponible sur Prime Vidéo.