MUSIQUE

Session Unik : une décennie d’éthique musicale célébrée à Radio France

Publié le

6 janvier 2025

Une rencontre est toujours un instant privilégié. Un temps unique. Un arrêt dans la course de fond sociale. La simplicité d’un échange avec un inconnu. La couleur d’un monde nouveau. Croiser les mots d’un autre, c’est embrasser une meilleure version de soi-même. A tort, nous pensons que cette époque est révolue. La musique est cet art qui tisse, plus que jamais, les liens entre nous. Aujourd’hui, le terme de communauté est fondamental dans l’industrie musicale. Si au départ, c’est une notion mercantile, elle est aussi une vérité palpable. Radio France l’a très bien compris depuis 10 ans avec les Sessions Unik. Un événement qui place la musique en entremetteur artistique et humain. Une ode à l’éclectisme et à la curiosité en programmant des rencontres musicales originales et audacieuses. Session Unik a fêté son dixième anniversaire en cette fin d’année 2024. L’occasion de se demander comment démarrer cette nouvelle révolution. S-quive a pu assister à une soirée pas comme les autres. Avec la présence, notamment, de MC Solaar, Jeanne Added, Angélique Kidjo,Yael Naim ou Emily Loizeau. Une collection de duos inédits enregistrés en studio, gravés sur vinyles en direct. Un projet musical unique dirigé par Thomas de Pourquery à (re)vivre à travers ces lignes ou avec l’album live en édition limitée durant le Disquaire Day le 19 avril prochain.

Musique et débat

Il est 19h. La première rencontre intervient dans l’entrée de ce bâtiment historique, encerclé de mystère, qu’est la Maison de la Radio et de la Musique. Un hall vide plongé dans le silence feutré des lumières tamisées. Pour traverser les 700 mètres de circonférence de l’établissement, il faut avancer dans un couloir artériel d’une hauteur aussi vertigineuse qu’inspirante. Il est facile de se laisser emporter par une architecture aussi grandiose. Dans ce chemin sans fin semble se dessiner l’horizon avec ses rêves et ses espoirs qui oscillent doucement. La Maison Ronde est un lieu qui vous heurte d’une violente douceur. C’est un échange singulier en tout point car vous n’aurez pas voix au chapitre. Ce lieu de tous les fantasmes raconte, au creux de l’oreille, son histoire pour qui sait écouter. Un chuchotement fantomatique qui réveille votre sixième sens.

MC Solaar et Thomas de Pourquery

Nous arrivons à destination. Une petite porte étroite laisse entendre un brouhaha qui murmure au loin. Il va falloir encore marcher encore un moment dans ce labyrinthe de Pan, on dirait ! Le passage s’ouvre…et avec lui une nouvelle rencontre vous éclate dans les tympans. Ce grondement qui paraissait venir du bout du monde vous tonne à présent en plein visage. Il y a des rires, des pas qui courent, des verres qui s’entrechoquent, des voix graves et aigus, des chants, de la musique. Cette nouvelle rencontre, c’est celle de la vie qui se crée.

MC Solaar

En bas d’un escalier, vous apercevez des gens qui s’embrassent, qui s’enlacent et qui se sourient avec de la joie dans les yeux. Artistes, attachés de presses, journalistes, amis ; tous se connaissent et se reconnaissent. L’ambiance est à la musique et au débat. Ça parle fort, ça s’indigne, ça s’explique, ça s’écoute, ça s’accorde, ça grouille. Vous entrez là dans le flux sanguin de ce qu’est aussi l’industrie musicale. Des hommes, des femmes et des artistes liés par la passion. Un feu ardent fait de notes, d’accords, de lettres…de rencontres. Le bâtiment qui abrite ce cœur porte définitivement bien son nom. Comme lorsque vous entrez dans une maison, c’est une famille que vous rencontrez.

A chacun son Everest

Session Unik débute en coulisse. Avec des artistes aux univers contrastés qui s’accordent à l’horizon de leurs événements. Jusqu’au-boutistes pour créer l’union juste. Ne vous leurrez pas, la quête de ces sessions depuis une décennie n’est pas la perfection mais le vrai. FIP et l’Adami essayent de donner un sens à ce mot devenu fourre-tout : musique. C’est avec ses pensées qui se bousculent que vous entendez Yael Naim chanter à tue-tête d’une voix, The Limiñanas échange sur des anecdotes farfelues pendant des festivals et Fred Pallem rit de sa voix grave dans un pull à fleur orange vif. Une femme, au visage trentenaire, descend l’escalier avec la démarche d’une octogénaire, c’est Gildaa qui se prépare pour des interviews. Enfin, une personne cherche désespérément à savoir où est Angélique Kidjo. Session Unik, c’est est la vie à travers la musique. Un mouvement de mélomanie fait d’ombre et de lumière. C’est d’ailleurs le moment de passer de l’obscurité au feu de la rampe !

Yael Naim

The Limiñanas et MC Solaar remontent le temps. Ambiance cow-boy et indien accoudés sur le zinc. Ici, on scalpe les genres, la rap, quasiment slamé, se mélange à du rock progressif teinté de pop. La rencontre est évidente. C’est un fil d’Ariane entre des artistes qui n’ont plus rien à prouver. L’art de personnes dont le regard est ridé de sagesse. Vient ensuite Sophye Soliveau et Laurent Bardainne dans un jazz soupiré, une voix et un saxophone qui se croisent dans un miracle. Un chant chamanisme et un cuivré céleste. Une danse fantomatique romantique. Si l’Homme pense c’est parce qu’il a des mains et une voix. L’élégance d’un instant cristallisé, fait place à la puissance punk de Jeanne Added. Une proposition libérée qui laisse toute la place à la musique. Les musiciens passent de l’électro, au rock, à la pop, à la chanson française. Vous voyez en direct le pouvoir de communication de la musique mis entre les bonnes mains.

Jeanne Added

Les duos se succèdent. Chacun de ces échanges mériterait un papier. Le travail d’arrangement, les intentions pour trouver l’équilibre idéal, les liens artistiques et humains font de cette soirée une session live unique. L’aura de Yael Naim vous emporte depuis votre siège. Le piano de Babx feutre votre cœur dans une ballade monochrome sur le piano. L’énergie solaire d'Angélique Kidjo vous fait danser. Après 40 ans de mythe et légende, Fred Pallem redéfinit avec un style country-folk l’intouchable “Purple Rain”. Enfin, avec “Heroes” de David Bowie, tous les artistes vous invitent à croire en vos rêves, en l’amour, à l’autre, en vous…à croire, tout simplement ! “We can be heroes just for one day”, Session Unik se résume idéalement dans cette phrase. Un esprit kaizen qui va bien au-delà de la musique ; que seule la musique peut vous transmettre. A chacun son Everest, à chacun sa voix, à chacun sa bande- son, à chacun son héroïsme, à chaque jour suffit son bonheur.

Angélique Kidjo

Le philosophe français Emmanuel Lévinas expliquait que l’on devient responsable à partir du moment où on rencontre l’Autre. Parce qu’il nous ressemble. L’évidence de ce fait n'empêche pas l’incompréhension qui existe encore trop parfois entre nous. Un tissu éthique de soie qui lie l’humanité et que la musique peut peut-être renforcer. Avec Session Unik, FIP, l’Adami, Radio France, tous les artistes et acteurs de l'événement prennent à bras-le-corps cette philosophie. C’est une décennie de travail pour tenter de créer du sens. Fabriquer un chemin qui ne serait pas un exemple, mais une éthique. La musique est une industrie conçue par un rouage insensé depuis la production, la création, la publication, le marketing... Session Unik replace sans compromis, depuis une décennie, au centre de la machine le plus important : nous. Parce que nous oublions que la musique n’est pas faite uniquement pour celui qui la compose, elle existe pour réunir le public et l’artiste. Cet art n’est pas un art : c’est une responsabilité éthique à ne pas esquiver. L’éthique et la responsabilité semblent être des grands mots pompeux. Mais vous les remplacez par respect et altruisme, qu’est-ce que ça devient ? La musique adoucit les mœurs, mais pas l’importance des choses. Un art unique qui se matérialise par l’édition de vinyles pour le Disquaire Day, afin de rappeler le sens d’un média qui unit l’âme du monde.

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