PHOTOGRAPHIE
Jusqu’au 14 janvier 2024, la Fondation Henri Cartier-Bresson, à Paris, invite pour la première fois en France les visiteurs à découvrir le somptueux travail de la photographe américaine Ruth Orkin. Icône du XXe siècle, l’artiste est mise à l’honneur avec l’exposition "Bike Trip, USA, 1939", ode au voyage et à l’émancipation… Reportage.
Il faut emprunter les quelques marches de la Fondation Henri Cartier-Bresson pour rejoindre, au sous-sol, une collection photographique unique et fastueuse, réalisée par une incontestée maîtresse du 8ème art. Ruth Orkin n’a que 17 ans quand elle se lance en solitaire dans une périlleuse épopée. Il y a 84 ans elle décide de traverser l’Amérique, d’Ouest en Est, à vélo. Partant de Los Angeles à destination de New York, elle capture 350 clichés. Une expédition qui modifie sa perception de l’Amérique et aiguise sa technique photographique.
"What A Woman!", s’écrit une vieille dame qui rompt le silence respectueux qui règne depuis dix minutes dans la salle de l’exposition. Le regard des visiteurs, des couples en majorité, ainsi que trois jeunes femmes, observent religieusement le travail de Ruth Orkin. What A Woman… ! C’est ce qui vient à l’esprit quand on parcourt les premiers mètres de l’exposition. Des articles de presse locale, datant de 1939, relatent l’exploit de cette photographe en devenir. Elle pose avec assurance, sur son vélo, qui se révèle être son compagnon de route le plus fidèle, et à la fois l’objet qui matérialise sa liberté. Elle s’affiche avec un sourire radieux, communicatif et inspirant. Le courage et l’émancipation, à l’image de son travail. Ses photographies prennent la forme d’un carnet de voyage, elle emporte les visiteurs à chaque cliché, passant par les nouvelles auberges de jeunesse américaines, seule… C’est cette solitude qui a attiré l’attention de Rebecca, une anglaise de 71 ans. "Elle était si émancipée pour son âge, ça m’impressionne, c’est courageux", explique-t-elle. Émancipée, elle le sera d’autant plus à la fin de son itinéraire formateur.
Au-delà des brillants clichés réalisés durant son voyage, l’exposition invite à explorer son évolution… Marquée par son expérience, elle évoque sa vision du monde profondément modifiée. Le spectateur prend la mesure du bienfait des longs voyages, sans évoquer la destination, mais le temps passé pour l’atteindre. C’est le point d’orgue de cette rencontre entre le visiteur et l’artiste. Alexia, 23 ans, étudiante en photographie, souligne : "Ses clichés sont inspirants, ils me parlent de liberté". De retour, Ruth Orkin décide de concrétiser ses rêves. Elle devient photojournaliste et parcourt le monde. De New York au Moyen-Orient en passant par l’Italie, où elle rencontre Jinx Allen, étudiante en art. Les deux jeunes femmes partagent l’adrénaline des périples solitaires, ainsi que leur passion pour la photographie. Une précieuse rencontre et genèse de "When you travel alone", série de clichés sur les traces des voyages de Ruth Orkin, en période d’après-guerre. Un succès. Cette création donne naissance à la plus célèbre de ses œuvres de l’exposition : la photographie "American girl in Italy". Histoire d’une prouesse fondatrice. Libératrice. Inspirante...
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