ARTS
Jusqu’au 5 mars 2023, le musée Rodin présente "Rêve d’Égypte", une exposition de plus de 300 objets restaurés, fruit de quinze ans de recherches archéologiques. Un parcours qui dresse le portrait d’une Égypte fantasmée puis collectionnée par le père de la sculpture moderne.
1900, début du XXe siècle. Auguste Rodin a déjà fait naitre de son esprit créateur les incontournables chefs-d'œuvre que nous lui connaissons aujourd’hui. Parmi eux, citons uniquement ce couple qui s’enlace dans la douceur folle des plus tendres caresses – Le Baiser (1888-1898), ou bien ce corps courbé de souffrance, condamné à une éternelle réflexion (Le Penseur, 1888). À plus de 60 ans, la barbe blanchie et l'œuvre déjà colossale, Auguste Rodin organise une rétrospective personnelle de son travail, en marge de l’Exposition universelle. Sur la place de l’Alma, il déploie la diversité de sa production, pétrie de culture gréco-romaine (marbres, plâtres, dessins et photographies, etc.). Bercé par l’iconographie égyptisante de l’époque, il se met tardivement à rêver d’exotisme, et se passionne pour l’art égyptien. Le sculpteur, connu pour son obsessive compulsivité, se dotera alors, jusqu’à la fin de ses jours, d’une collection pharaonique de plus 1000 objets égyptiens. Statuettes d’Isis, divinités animales en tous genres, céramiques colorées, fragments d’ivoire, vases traditionnels revisités, assortiment de tissus coptes… sont autant d'"amis de la dernière heure" qui squattent l'atelier du sculpteur.
"Plus que tout, l’Égyptien m’attire. Il est pur. L’élégance de l’esprit s’enguirlande à toutes ses œuvres."
(Auguste Rodin dans Les Cathédrales de France, Paris, 1914)
Cette collection originelle, exposée au musée de l’hôtel Biron dès 1910, semble dresser le visage d’un Rodin fin connaisseur de l’Égypte. Pourtant, loin d’être le premier à se passionner pour les richesses et mystères de l’Égypte, Auguste Rodin n’a jamais mis les pieds sur la Terre des pharaons. Il n’a ni fait la descente du Nil, ni foulé le sable des merveilleuses pyramides de Khéops. L’exposition fait alors ressurgir les figures d’antiquaires (Joseph Altounian, Owan Aslanian), de marchands d’art, sculpteurs (Théodor Graf, Antoine Bourdelle) d’écrivains (Rainer Maria Rilke) d’égyptologues ou encore de danseuses (Loïe Fuller, Isadora Duncan), ayant donné corps à la nouvelle obsession du "Bouc sacré". Le 29 mai 1907, Clara Westhof, sculptrice formée dans l’atelier de Rodin, écrira à ce dernier dans une lettre en provenance du Caire : "Je n’ai jamais éprouvé avec une telle intensité le rapport établi entre vous et ces arts lointains et suprêmes".
Cette exposition, fabuleuse ode au voyage, nous invite non seulement à découvrir une collection de plus de 300 objets restaurés, mais également à observer l’influence générale qu’a eu l’art égyptien sur l’œuvre de Rodin. "L’art de l’Égypte et plus que l’art et même plus que la vie, il est la source même de la vie", avancera à ce sujet Dimitri Sergueïevitch Merejkovski dans Les mystères de l’Orient (2010). "Rêve d’Égypte" revient sur tout ce qui a fait du début XXe siècle, une époque propice à la consécration de l’égyptomanie : du cinéma de Georges Méliès (Le Monstre en 1903) aux danses de Colette dans la pantomime Rêve d’Égypte (1907), jusqu’aux expositions d’aujourd’hui, cette fascination populaire pour l’Égypte continue de transcender les générations tel un papyrus indélébile.
Les fenêtres du musée Rodin, désormais ouvertes sur la beauté et les secrets de l’Égypte depuis mercredi, attestent une nouvelle fois de la grandeur d’un artiste pourtant décrié à son époque, comme le rappelle Bénédicte Garnier, commissaire de l’exposition. Pour parfaire ce voyage en Égypte, le musée organise également, ce weekend du 22 au 23 octobre, un cycle de conférences gratuites à destination des familles "égypto-maniaques", sur les thèmes des hiéroglyphes, des pharaons, ou encore du cinéma. Barques sur Nil… direction l’atelier d’Auguste Rodin.
L’exposition "Rêve d’Égypte" est à découvrir au Musée Rodin jusqu’au 5 mars 2023.
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