RIVE GAUCHE
Cette année, pas moins de 521 ouvrages viennent garnir les librairies. Coup de projecteur sur trois d’entre eux.
Janvier 2003. Parmi les cartes de vœux habituelles en début d’année, Anne Berest reçoit une carte postale anonyme. Au recto, une photo de l’Opéra Garnier. Au verso, quatre prénoms, qui sont ceux des grands-parents, de l’oncle, de la tante et de la mère d’Anne Berest. Tous sont morts à Auschwitz, sans que l’écrivaine en sache plus à leur propos. Elle décide alors de mener l’enquête sur le destin de sa famille et de le retranscrire dans les pages de son roman. Au fil de ses recherches, Anne Berest découvre le périple que ses proches ont vécu avant d’arriver en France. Originaires de Russie, ils s’en sont fait expulser en 1919. Après de nombreuses escales, dont une en Palestine, ils arrivent finalement en France en 1929. Ils sont bientôt confrontés aux ravages de la guerre, auxquels tous succombent à l’exception de la grand-mère. C’est au cœur de cette histoire familiale, terrible mais passionnante, qu’Anne Berest nous convie. Et nous fait, par la même occasion, le récit nécessaire d’un passé qui ne doit s’oublier.
Immense roman de 750 pages, Au printemps des monstres revient sur l’homicide du jeune Luc Taron, 11 ans, enlevé à Paris un soir de 1964 et retrouvé mort le lendemain à Verrières-le-Buisson (Essonne). Rapidement, les soupçons se portent sur Lucien Léger. Malgré l’absence de preuve et de témoin, celui-ci est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il passe 41 années en prison, avant d’être libéré en 2005, à l’âge de 68 ans. Il meurt trois ans plus tard, dans l’indifférence générale. Convaincu de son innocence, Philippe Jaenada raconte, à la manière de ses précédents livres sur des faits divers célèbres (La Petite Femelle, La Serpe), ses périples dans les archives de l’époque et sur les lieux du crime pour élucider chaque détail encore présent. L’écriture de Jaenada, à la fois subtile et fantasque, rend cette histoire vieille de près de 60 ans toujours tenace. Avec une ambition d’écriture : réhabiliter un innocent, dont l’incarcération aurait pu, selon l’auteur, être évitée.
Une femme et son fils de 9 ans voient resurgir dans leur vie le père, absent depuis plusieurs années. L’homme a décidé de les emmener dans la montagne, aux Roches, dans la maison où celui-ci a vécu auprès d’un patriarche vivant reclus et maintenant décédé. Après Règne animal, le nouveau roman de Jean-Baptiste del Amo met une nouvelle fois en lumière le lien qui unit l’humain à la nature. Les multiples vies qui y résident, de la larve à l’ours, révèlent combien au cœur de leur profonde solitude, la famille est entourée par de multiples existences. A leur côté, la nature devient le personnage majeur de cette histoire aux airs de huis clos. Le mystère demeure autour des protagonistes et la tension croissante finit par emporter le lecteur vers un point de non-retour. Jean-Baptiste del Amo parvient à créer un univers envoûtant par sa plume exigeante et poétique. Il rend compte avec habileté du sentiment de liberté qu’offrent les grands espaces, autant que l’angoisse face à une tragédie qui se dessine inlassablement sous nos yeux.