NEWS BEAUTÉ
Publié le
10 janvier 2024
Keiko Suyama, fondatrice du concept store Biën (prononcer bi-en, nom composé de deux termes japonais signifiant “cercle de beauté”), nous accueille dans sa boutique nichée au cœur du VIe arrondissement de Paris, à deux pas du théâtre de l’Odéon. Cette adresse confidentielle consacrée à l’art de vivre japonais et à ses rituels Beauté est ouverte depuis maintenant un an. Avec son élégance et sa joie de vivre, la Parisienne d'adoption nous explique comment elle est devenue ambassadrice J-Beauty en France, en créant un espace unique, avec une sélection de produits de beauté en provenance du pays du Soleil-Levant. Rarissimes, voire introuvables en France.
Pourquoi avez-vous créé une boutique dédiée à la beauté japonaise ?
Tout a commencé au Bon Marché. En 2016, nous avons été invités à présenter nos produits de beauté et lifestyle dans un pop-up de Noël situé au rez-de-chaussée. Puis nous avons obtenu une place permanente au premier étage, dans l’espace Beauté. Étant donné que nos clients nous connaissaient aussi bien pour notre sélection lifestyle que pour nos produits de beauté, j’ai eu envie d’ouvrir une boutique réunissant ces deux concepts. J’aime l’idée d’exprimer une certaine vision de l'esthétique nippone : au-delà des produits beauté, il s’agit d’un esprit, d’un art de vivre, faire en sorte que l'intérieur et l'extérieur soient liés à la vie quotidienne.
Vos deux points de vente sont situés sur la rive gauche de la Seine, une boutique et un stand au Bon Marché. Vos clients du concept store sont-ils différents ?
La clientèle du concept-store est française, dont la majeure partie habite le quartier. Les gens passent par hasard, et dès qu’ils entrent, ils deviennent nos clients fidèles. Parfois, ce sont des personnes qui ont déjà acheté nos produits sur notre site ou qui adorent la culture japonaise. Ils viennent pour passer un moment, pour écouter nos conseils, ils testent nos accessoires aussi avant de les acheter. Ici, le client peut s'asseoir, boire un thé, prendre son temps. Au Bon Marché, il y a plus de passage, plus de la moitié des clients sont des touristes qui nous découvrent pour la première fois. C’est beaucoup plus rapide : cinq minutes, un achat, et ils passent à un autre stand.
"La France comprend mieux la culture japonaise que les autres nations."
Pourquoi avez-vous choisi le VIe arrondissement de Paris ?
Au départ, j'ai pensé m’installer dans le Marais. Mais finalement, j’ai trouvé que le VIe nous correspond mieux, il y a plein de galeries, boutiques, restaurants comme Tomo ou Sagan, maisons de thé japonaises, qui sont nos voisins à Odéon. Les habitants du quartier respectent la culture nippone. En plus, c’est assez calme, il n’y a pas trop de passage, contrairement au Marais. Un jour, on ouvrira une boutique sur la rive droite, dans un quartier plus animé. Ce sera un autre concept dans un espace plus petit.
Comment expliquez-vous la fascination des Français pour la J-Beauty ?
La France comprend mieux la culture japonaise que les autres nations. Les Américains ne s’intéressent pas trop aux détails, ils ne vont pas faire la différence entre une marque japonaise et une marque coréenne. Pour eux, il s’agit de l’Asie. Les Français nourrissent un réel intérêt pour la culture japonaise. Je suis persuadée que nos cultures sont liées, on a le même respect des artisans, du travail à la main. Idem pour notre cuisine : parmi les capitales européennes, c’est Paris qui concentre les meilleurs restaurants japonais.
Comment vous êtes-vous intéressée à la culture française ?
A l’université j’ai étudié les philosophes français et le français. Paris est une petite ville à taille humaine où l’on trouve les meilleures choses : le meilleur chocolatier, la meilleure pâtisserie, les meilleurs restaurants, les meilleurs vins. Ma ville natale, Tokyo, au contraire, est immense. Et même si on y devient le meilleur restaurateur, on n’aura jamais de reconnaissance internationale. À Paris, les marques acquièrent un statut international. Tout le monde regarde ce qu’il s’y passe, et fait la même chose au Japon et en Corée du Sud. J’adore Paris pour son positionnement unique par rapport aux autres villes. J’aime beaucoup New York, mais là-bas on ne pense qu’à l’argent. Ici, en revanche, on respecte la créativité, la différence. Au départ, je voulais travailler dans la mode. Étudiante, j’ai été l’assistante d'une rédactrice d’un grand journal japonais pendant la fashion week de Paris. J’ai terminé mes études en 2001, et je me suis installée à Paris, où j’ai rencontré mon mari Sadaharu Hoshino, qui était l’assistant d’Alexander McQueen. Ensemble, on a créé notre marque de prêt-à-porter d’avant-garde, très Margiela. Pour notre première présentation, on avait un budget de 2000 euros et nous sommes allés chiner aux puces pour trouver les pièces. Être dans le calendrier officiel de Paris Fashion Week, c’est comme participer à un grand concours international au même niveau que les grandes maisons comme Balenciaga ou Martin Margiela.
"J’ai eu l’idée de construire un univers dédié à la beauté japonaise, pour que le client puisse comprendre nos rituels étape par étape, la façon d’utiliser les produits."
Pourquoi avez-vous quitté la mode ?
Après la crise de 2008, on a décidé de faire une pause. Je suis entrée à l’Institut français de la mode (IFM) pour mieux comprendre la partie business et avoir une vision globale de cet univers : grâce à mon MBA, j’ai pu aller à New York et Hong Kong pour étudier. À cette époque, j’ai rencontré de nombreuses jeunes marques de beauté japonaises, qui m’ont demandé de m'occuper de leur développement en Europe. C’était facile pour moi car, pendant des années en tant que "Jeune marque créateur", j'étais touche-à-tout : c’est moi qui contactais les acheteurs internationaux : le matin, j’appelais l’Asie, l’après-midi, l’Europe, et le soir, les États-Unis. J’étais agréablement surprise, c’était tellement facile de prendre rendez-vous en tant que marque de Beauté. Quand j’étais "Jeune marque créateur", les acheteurs nous disaient toujours de revenir dans deux-trois saisons. Dans le domaine de la Beauté, au contraire, il y avait un vrai potentiel. J’ai commencé avec l’appareil Slim Sera, aujourd'hui c’est notre produit phare. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée de construire un univers dédié à la beauté japonaise, pour que le client puisse comprendre nos rituels étape par étape, la façon d’utiliser les produits, leur ADN et leur histoire. Quand on a créé notre premier pop-up au Bon Marché, j’étais tous les jours sur le stand, à écouter nos clients pour comprendre leurs inquiétudes, c’était un vrai échange, qui nous a permis de créer plus tard notre propre boutique.
Vous avez maintenant votre marque de beauté Bi;jus. Quel en est le concept ?
On a commencé avec le complément alimentaire Bi;jus, un collagène à boire, contenant de la vitamine B et C. Il suffit de le prendre le matin à jeun ou le soir avant de dormir au Golden Hour, vers 22 heures, le moment idéal pour régénérer votre peau. Pourquoi une boisson Beauté ? Au Japon, c’est une tradition. Dans n'importe quel supermarché, à toute heure du jour et de la nuit, vous pouvez vous fournir dans l’espace boissons de Santé et Beauté. Quand je rentre au Japon, la première chose que je fais, c’est d’acheter des boissons de beauté, que je bois toute la durée du séjour [Sourire]. En France, lancer un produit similaire est beaucoup plus difficile à cause des réglementations plus strictes. Par exemple, au Japon, dans un flacon de 50 ml on peut mettre jusqu'à 6g de collagène ; en France, c’est 3,7g. Au début, j’ai essayé d’inviter les marques de compléments alimentaires japonaises à venir en France, mais elles ont refusé, car c’était trop compliqué. Donc il y a trois ans, j’ai commencé à travailler avec une société qui a déjà ses bases de formulation. Ensuite, on a commencé les tests européens. Avec Bi;jus, j’aimerais créer des boissons Beauté (par exemple, des boissons anti-UV) et des masques quotidiens. Pourquoi ? Chez moi, à chaque fois que je demande aux femmes de 60 ans leur secret de beauté, elles répondent : "J’applique un masque sur le visage tous les jours."
De quelle façon sélectionnez-vous les marques ?
Le plus important dans ma sélection, c’est l’équilibre. Ensuite, le produit doit être unique. Des marques japonaises me contactent. Comme elles sont plus chères, il faut qu’elles se démarquent de la concurrence en apportant une plus-value. De plus, on doit trouver l’esprit japonais par rapport à formulation, à l’histoire ou à l’ingrédient clé. Au Japon, on copie beaucoup les produits européens. Ils connaissent un vrai succès là-bas, mais peuvent casser notre image ici. Après, il faut que le packaging parle aux clients, tout comme la qualité et l’efficacité du produit.
"Avec Biën, on veut aussi créer un lieu d’expériences à vivre. On prévoit un bar à thé et l’introduction de notre ligne de vêtements lifewear, car notre histoire à Paris a commencé avec la mode."
Quels sont vos best-sellers ?
Les beauty rollers Slim Sera et Wavi. Les shampooings aux acides aminés uka Beauty qui fortifient et stimulent la racine des cheveux, qui aident à avoir du volume. La lotion hydratante Eau de Ki, qui nettoie en douceur et augmente le niveau d’hydratation tout en renforçant la protection et la régénération de la peau, est en rupture de stock tellement elle est demandée. Sinon, nos clients adorent le gel nettoyant de la marque Ipsum Alii, basé sur les plantes médicinales de Kampo, médecine traditionnelle japonaise.
Vos conseils pour avoir une bonne mine en hiver ?
Lors des changements de saison, il faut privilégier l’hydratation. Prendre une crème riche pour éviter la sécheresse et créer une barrière. Une solution minimaliste que j’adore, c’est le sérum hydratant de la marque Rey Tokyo à l’aloe vera, l’huile de camélia et au son de riz. Ne jamais oublier la zone contour des yeux, la masser régulièrement soit avec les mains, soit avec le gousha ou le face-pointer, et bien l’hydrater avec des patchs ou des crèmes nourrissantes.
Des projets pour le futur ?
Cela fait déjà un an que notre concept store existe. Nous organisons cette année des ateliers Bijo; Daily. Par exemple, les ateliers gratuits anti-âge avec les face-pointers, idéal pour détendre et fortifier les muscles du visage, pour garder la peau en bonne santé et même pour sculpter, voire affiner l’ovale, si vous le faites au quotidien. Eh oui, vous n'aurez plus besoin de faire appel à la chirurgie esthétique ! Tous les problèmes peuvent être évités si on garde nos muscles en bonne santé. Avec Biën, on veut aussi créer un lieu d’expériences à vivre. On prévoit un bar à thé et l’introduction de notre ligne de vêtements lifewear, car notre histoire à Paris a commencé avec la mode. Mais cette fois-ci, on n’a plus envie de défiler, on veut faire le contraire. Créer des vêtements intemporels en cachemire, pour se sentir à la maison. Et pourquoi pas ouvrir une autre boutique à Londres ou à Dubaï. Je suis ouverte aux opportunités.
Biën, 10 Rue Casimir Delavigne, Paris VIe.
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