INTERVIEW
Publié le
8 mai 2022
Directeur de la rédaction Les Inrockuptibles depuis la rentrée, le journaliste et critique musical Joseph Ghosn donne aujourd’hui le la du magazine culturel lancé il y a 35 ans. Fort de son expérience au supplément de L’Obs, Obsession, et à la tête des titres Grazia et Vanity Fair, cet amoureux de musique souhaite ouvrir le champ des possibles de la revue influente et prescriptrice où il a passé huit ans dans les années 2000. Saisir une époque, filtrer des propositions artistiques émergentes et afficher des goûts radicaux animent une ligne exigeante qu’il renforce avec passion.
C’est dans les studios du Groupe de Recherches Musicales (INA GRM) de Radio France, entre des bobines du poète et cinéaste Jean Cocteau, du compositeur Bernard Parmegiani, que le directeur des Inrockuptibles, Joseph Ghosn, propose régulièrement des sélections musicales électroniques et expérimentales dans l’émission produite par François Bonnet, L’Expérimentale. Un rôle de filtre et de transmission qui s’inscrit naturellement dans le parcours du critique qui officie dans le secteur depuis plus de 25 ans. Le journaliste d’origine libanaise, porté par des influences artistiques aussi lointaines que pointues, capte avec curiosité les bonnes notes d’un décor musical rhapsodique et streamé aussi vaste que brumeux. Entre positions tranchées et introspection salvatrice, il dépeint les contours d’une presse évolutive et d’un itinéraire rythmé par une musique de l’intime.
Depuis la rentrée, vous êtes de retour aux Inrockuptibles en tant que directeur de la rédaction. Votre premier édito s’intitulait : "Tout, désormais, est possible". Qu’avez-vous souhaité insuffler dès votre arrivée ?
Tout est une question d’énergie et de curiosité. En 2022, et au-delà, faire un magazine peut sembler un pari fou, mais il faut continuer à y croire : avec la curiosité qui doit être celle de ceux qui le font et de ceux qui le lisent, le découvrent, le partagent. Une curiosité forcément très alerte sur le monde, sur ce qui s’y déroule et arrive. Un magazine, quelle que soit sa forme, mais d’abord dans sa forme la plus ancienne, le papier, est un espace très ouvert par ses possibilités, même s’il reste forcément un territoire délimité par ses propres frontières, imposées par sa ligne. A l’intérieur, on peut tout imaginer, du moment que l’on se donne l’énergie, et que l’on arme son regard et son travail. Sinon, on se fige et on se laisse dépasser. Cela vaut pour tous les titres auxquels j’ai été associé. Et je crois que les possibles liés aux Inrockuptibles sont multiples et vastes. Ils sont encore à explorer. Le tout est de savoir si l’on a les moyens de ses ambitions.
"La proposition des Inrocks est tellement différente et alternative des autres que quelqu’un qui regarde le magazine et s’intéresse à la culture, quel que soit son âge, peut y trouver des choses qu’il n’a pas vues ailleurs."
Vous précisez même que c’est dans ce magazine, en 1999, que vous avez lu le mot "Queer" pour la première fois. Cet esprit subversif est toujours aussi ancré dans la ligne du fanzine ?
Les Inrocks est un magazine influent et prescripteur avec une rédaction très forte. Il a commencé comme un fanzine et il en a gardé cette passion, ce goût et ce parti pris. Mais ce n’est plus un fanzine. Aujourd’hui, ce magazine a 35 ans d’histoire, c’est le dernier vrai grand magazine culturel français. C’est aussi un des derniers endroits où on peut faire de la critique et ça, ce n’est pas banal. Ce magazine est subversif dans le sens où il est une alternative. Il est né de deux ou trois personnes qui trouvaient, à l’époque, qu’il n’y avait pas un endroit où lire la parole de certains groupes ou de certains musiciens indépendants. La ligne était déjà très identifiée et forte avec des interviews et des chroniques d’artistes novateurs et importants, mais peu couverts. Rien qu’avec cela, c’était déjà une alternative à ce qui se faisait dans la presse plus mainstream. Cette forme d’écriture sur la musique, la littérature ou le cinéma était aussi assez neuve à l’époque pour moi, par exemple, qui écoutait du rock indépendant et qui était en quête de tout cela. Je trouvais dans les Inrocks une résonance qui était unique en France. En Angleterre, il y avait le New Musical Express, Melody Maker, The Face, i-D... Souvent, en dirigeant des magazines, ces références me sont revenues. Dans ma façon de travailler, je réfléchis d’abord en termes de nouveauté et de transmission. Qu’est-ce qu’on veut défendre ou mettre en avant ? Cela passe par l’addition des goûts et des envies de la rédaction, et la volonté de défendre, de faire entendre ou voir des choses nouvelles.
Vous considérez-vous comme un enfant des Inrockuptibles ?
Oui. J’ai grandi en lisant ce magazine. Je crois que je l’ai acheté pour la première fois au moment de la parution du numéro 6 avec mon argent de poche quand j’étais collégien ou lycéen. Un jour, chez le disquaire New Rose, je vois la couverture d’un magazine que je ne connais pas. J’y aperçois le visage de Robert Smith, leader de The Cure et je l’achète pour cela, parce que je suis déjà fan de ce groupe. Et je me rends compte après mon achat que ce n’est pas lui mais le chanteur du groupe de rock français Marc Seberg qui est affiché sur la couverture. Les deux se ressemblent, d’un point de vue capillaire surtout, sur cette image, un peu sombre. Cela dit, il y a The Cure à l’intérieur et rétrospectivement avoir Robert Smith et ne pas le mettre en couv’, c’est juste dingue, génial. Dans la foulée, j’ai acheté ce magazine à chacune de ses parutions. Il est arrivé exactement la même histoire à mon ami, le journaliste Philippe Azoury avec qui j’ai beaucoup travaillé. Lui aussi a cru voir Robert Smith sur la couv'... Ensuite, j’ai commencé à écrire aux Inrocks vers 27 ou 28 ans, c’était quasiment mon premier job fixe. J’ai pu y défendre des idées, inventer ma propre écriture, ma propre grammaire, suivre mes désirs tout en m’insérant de façon très sereine au sein du collectif et au côté d’autres individualités.
Pourquoi un jeune irait l’acheter dans un kiosque aujourd’hui ?
C’est quoi "un jeune" ? [Rires] La question dépasse le cadre du jeune. La proposition des Inrocks est tellement différente des autres que quelqu’un qui regarde le magazine et s’intéresse à la culture, quel que soit son âge, peut y trouver des choses qu’il n’a pas vues ailleurs. En ce sens-là, c’est un magazine exigeant qui vous demande d’être aussi curieux que lui. En lisant Les Inrocks, on découvre aussi un cahier de critiques qui fait 60 pages où on défend par exemple un film que vous n’auriez peut-être pas eu l’occasion de connaître, mais en sachant qu’il existe, vous avez l’opportunité de le chercher. Le journal, c’est aussi d’autres choses, qui fédèrent des publics plus nombreux que ceux qui’ l’achètent : des réseaux sociaux, des newsletters quotidiennes, des événements comme des concerts... Cela attire et fédère, fidélise, des publics de tous âges, qui s’intéressent à la matière que nous traitons.
Qu’est-ce qui fait qu’un magazine est ancré dans son époque ?
D’abord par le goût et le flair des gens qui le font. C’est aussi mon rôle de faire qu’une alchimie existe, entre le magazine, sa rédaction et l’époque qu’il traverse. C’est une question qui touche à beaucoup de paramètres, avec un peu de mystique, sans doute, mais je reste persuadé qu’il y a aussi de la technique derrière. Il faut se saisir de l’époque, s’intéresser à ce qui nous entoure, observer, faire appel à son intuition... Quand on est suffisamment alerte sur son temps et ce qui s’y produit, une mécanique se met en place et vous sert de guide, presque instinctif. Mais il faut que l’environnement même du titre, ses différents services, au-delà des journalistes soient tout aussi efficaces et aillent dans le même sens que la rédaction.
La version print est une sorte de colonne vertébrale. Vous ne pensez pas que l’obsolescence du format papier est déjà programmée ?
Vous voulez ma mort ? [Rires] La crise actuelle du papier, sa rareté annoncée et la flambée de ses prix sont un danger certain : qui aura encore les moyens d’imprimer dans quelques années ? Ceux qui auront trouvé leur public le plus fidèle, qui les suit sans rechigner : je crois que Les Inrocks en font partie. Je distingue deux catégories dans la presse, qui vont continuer à exister, voire à prospérer notamment grâce aux abonnements : les quotidiens ou sites qui proposeront l’info la plus vaste et exclusive seront toujours là. Regardez l’exemple du succès du Monde, de l’amplitude du Figaro. Ces titres vont se développer. Même chose pour les titres comme les Inrocks qui sont des référents dans leur territoire, et fédèrent un public fidèle, curieux, attentif. Aux Etats-Unis, ces deux pôles sont représentés par le NY Times ou le Washington Post d’un côté, le New Yorker de l’autre. Pas de raison, qu’à notre échelle, cela ne soit pas possible. Les titres de l’entre-deux, qui n’ont pas d’identité forte, tentent des mixes improbables, sont plus fragiles, compromis.
"La musique a structuré mon identité, ma façon d’être et mes goûts."
Vous avez développé les éditions digitales du groupe Condé Nast (GQ, Vogue, Glamour...). Les médias sont-ils contraints, aujourd’hui, de rentrer dans une logique de proximité sur la Toile (Newsletters, réseaux sociaux...) de plus en plus intense pour attirer et pérenniser les lecteurs ?
Le rapport aux lectrices et aux lecteurs a totalement changé. Aujourd’hui, on n'est plus dans un rapport vertical, on est beaucoup plus dans un rapport de dialogue. Avec les réseaux sociaux, tout le monde peut donner de la voix et devenir un média. Qu’est-ce qui nous distingue finalement et comment faire pour maintenir le dialogue ? Je n’ai aucun problème à dire ou à penser que mes lecteurs en savent plus que moi. Mais ils ne font pas forcément le travail que nous faisons : un travail de sélection, de filtre et aussi de plus en plus de création, comme le numéro Fictions sorti en avril 2022 dont les grands textes de la partie centrale ont été entièrement écrits par des écrivains : 14 au total. Quel autre magazine peut proposer cela ? Quel influenceur peut avoir une telle capacité de réunir des autrices et des auteurs ?
Lors de votre passage au magazine Grazia, vous souhaitiez mettre en avant "les histoires des femmes". C’est-à-dire ?
Quand j’ai repris Grazia, il était en perte de vitesse et sa formule avait été poussée vers quelque chose de très people et d’un peu banal, vulgaire. J’y ai vu d’autres possibles : le mix même de ce magazine permettait de parler à la fois de mode très accessible, mais aussi de questions de société inédites, de culture émergente... On pouvait y être aussi sérieux que drôle, aussi léger que profond. C’était, à mes yeux, un Inrocks au féminin, dont les numéros pouvaient montrer des histoires exemplaires, de femmes, de filles, ayant accompli des choses, ayant fait avancer un peu le débat, et cela même si leur initiative avait été un échec : ce qui comptait c’était montrer ce qui se faisait.
Vous n’étiez pas à la rédaction des Inrocks en 2017 mais qu’aviez-vous pensé de la couverture avec Bertrand Cantat ?
C’était une erreur flagrante. On ne met pas impunément en couverture quelqu’un qui a tué une femme. C’est impossible. C’était une preuve flagrante que le journal, à ce moment-là, était déconnecté de la réalité : le monde se posait des questions totalement en contradiction avec ce que ce personnage représentait et avec l’époque dont il sortait. #MeToo surgissait, et le regard des uns sur les autres était en pleine mutation. Et de ce fait, cette couverture marque surtout une crise pour Les Inrocks : c’est à dire un moment où il devient nécessaire, vital, de changer, même dans la douleur. Et il est certain que les changements qui ont abouti à ce que sont Les Inrocks aujourd’hui sont la conséquence de cette couverture, qui n’était que le reflet d’une mauvaise vision du monde, et d’un journal qui, alors, cherchait une place qui n’était pas la sienne. Depuis, le journal a changé, il s’est remis sur son vrai chemin.
Avec #MeToo, cette forme de journalisme, qui dissocie l’homme de l’artiste, est définitivement morte selon vous ?
J’entends souvent cette question, elle est centrale dans la problématique de la critique et du journalisme culturels contemporains. Il est évident qu’elle implique qu’il y a des figures pour lesquelles les distinctions ne sont plus possibles. Et dans certains cas : lorsque les faits sont avérés, on ne peut plus faire de distinction. Comment écouter un groupe dont les paroles sont inspirées par la vie de celui qui écrit lorsque cette même vie prend un tournant désastreux ? Parce que, même lorsque l’on ne s’intéresse qu’à l’esthétique, celle-ci est toujours hantée, à mon sens, par le romantisme perçu dans l’oeuvre et lié à la figure de l’auteur. Rares sont les critiques capables de s’extraire du lien à l’auteur pour analyser uniquement l’oeuvre. Rares sont les auteurs dont les oeuvres sont entièrement distinctes de leur quotidien, de leur pensée profonde, de leurs act
"Aujourd’hui, je me rends compte à quel point la musique arabe est importante et fondamentale pour moi. Sans doute par réminiscence car elle me renvoie à des choses que j’ai pu entendre en grandissant à Beyrouth, dans les rues ou dans la voiture avec mon père. Je pense que c’est aussi une musique qui a construit ma façon de voir les autres musiques et ma façon de penser."
Vous avez écrit plusieurs ouvrages dont une biographie de Nino Ferrer baptisée Du Noir au Sud et un essai sur le compositeur La Monte Young paru chez l’éditeur Le Mot et le Reste. C’est votre intérêt pour la musique qui vous a conduit au journalisme culturel ?
Oui, j’ai commencé à écrire pour un magazine qui s’appelait Magic. Je trainais beaucoup dans les concerts, chez des disquaires et j’ai rencontré des gens qui m’ont proposé d’écrire des critiques de disques. Parallèlement à ça, quand j’étais à Sciences Po, je participais à une émission de radio musicale avec une bande d’amis tout aussi férus de musique, qui s’appelait "Mondial Twist". Ensuite, j’ai fait un DEA d’Histoire sur une série télé : Les Brigades du tigre, puis un autre DEA de Sciences Sociales à Normale Sup. Mon mémoire portait sur les musiciens qui utilisaient le sampling. L’art a toujours été présent aussi bien avant qu’après avoir quitté le Liban pour venir en France avec mes parents. Pendant la guerre, les soirs de bombardements, nous regardions des films des anées 40 ou 50... Cela permettait d’être ailleurs. Mon père était cinéphile. J’ai choisi la musique. La musique a structuré mon identité, ma façon d’être et mes goûts. Quand on m’a embauché aux Inrocks, je devais écrire sur la télévision et la société mais très vite on m’a aussi tourné vers la musique, et j’ai sans doute écrit dans toutes les rubriques du magazine.
Vous êtes né au Liban. La musique et la scène libanaise ont influencé vos goûts musicaux ?
Pas de façon claire et nette mais depuis un an ou deux, j’ai commencé à faire un travail sur Instagram, entre autres, d’écriture sur des disques qui m’ont marqué. Je me rends compte à quel point cette musique est importante et fondamentale pour moi. Sans doute par réminiscence car elle me renvoie à des choses que j’ai pu entendre en grandissant à Beyrouth, dans les rues ou dans la voiture de mon père lorsqu’il m’emmenait avec lui pour de longues balades. Je pense que c’est aussi une musique qui a construit ma façon de voir les autres musiques et ma façon de penser. La musique arabe peut prendre le temps et se développer dans la longueur, être aussi dans la complainte et l’émotion. C’est une musique parfois très contrainte par la position sociale de celle ou celui qui chante. Elle agit de façon très émotionnelle. Quand j’entends une grande chanteuse des années 1940, Asmahan, dire : "Mon amour, viens et regarde ce que ton éloignement me fait", tout est là. C’est tout ce que vous avez envie d’entendre musicalement et esthétiquement. C’est aussi tout ce que vous voulez qu’il se passe entre vous et une autre personne. Quand on grandit dans ces pays-là et qu’on a vécu la guerre, sans s’en rendre compte d’ailleurs, et qu’on a abandonné cela aussi, sans s’en rendre compte non plus, il y a un moment où vous comprenez que tout cela fait partie de vous. Ça vous habite. Tout est dans ce territoire. Ce sont souvent des morceaux qui datent des années 1930-1940 mais c’est une matière extrêmement vivante. La musique arabe, c’est, pour mes oreilles, la quête d’un certain idéal.
Sur Instagram, vous publiez de nombreuses pochettes de vinyles assez hétéroclites : du groupe de hip-hop américain Public Enemy à la chanteuse britannique Kim Wilde, en passant par l’artiste Frank Ocean. Peut-on parler d’un journal intime musical ?
Oui. C’était une nécessité. C’est arrivé à un moment charnière de ma vie privée et professionnelle et c’était comme l’aboutissement d’une réflexion et d’une frustration par rapport à ce réseau-là. J’en avais marre de poster des choses qui ne faisaient pas sens. Je suis journaliste, je voulais une ligne. Je faisais souvent des photos de disques et un jour, j’ai pris la photo d’un vinyle du groupe My Bloody Valentine, qui était très important pour moi. J’ai écrit et j’ai enchaîné sur d’autres œuvres et les gens ont commencé à réagir d’une façon incroyable. Aujourd’hui, je ne pourrais pas faire autre chose que cela sur ce réseau. C’est comme un journal un peu abstrait pour partager et comprendre comment des musiques, qui datent, vivent encore dans le présent. Un disque ancien peut avoir une vraie pertinence contemporaine. C’était aussi une façon de faire aboutir presque 25 ans d’écriture sur la musique et de trouver une forme nouvelle pour parler de ce que j’aime. J’y mets de l’intime mais aussi du travail critique.
"Il y a plusieurs façons d’écouter de la musique. Vous pouvez le faire seul mais c’est tellement beau d’arriver à partager. C’est rare."
Que faut-il esquiver dans la musique ?
Il faut avoir son goût et être alerte, surtout avec le métier que je fais. La musique peut être très enfermante dans le sens où on peut se contenter des dix morceaux qui vous font danser, pleurer ou rire avec vos amis. C’est comme dans tout, il faut esquiver la sclérose et garder sa curiosité pour ne pas se laisser enfermer dans les musiques de vos 15 ans, de vos 20 ans... Tout en gardant son radar interne : ce qui vous plait, vous le reconnaissez. Ce qui ne vous plait, vous le sentez aussi. Il faut juste comprendre si vous n’aimez pas quelque chose parce que c’est vraiment mauvais ou si c’est parce que vous ne le comprenez pas. Dans ce dernier cas, vous risquez d’y revenir, et cela peut souvent devenir quelque chose que vous adorerez plus tard, parce que ça a fait bouger vos perceptions. Il faut garder le mouvement de l’esprit, du goût.
Si vous deviez écouter une seule musique jusqu’à la fin de vos jours...
Je passe ma vie à me demander quel serait le dernier disque idéal. C’est très compliqué pour moi, j’en ai tellement écouté. Là comme ça, je dirais peut-être un disque de Brian Eno, un disque de Durutti Column ou "Loveless" de My Bloody Valentine. Ça pourrait aussi être un disque de musique indienne avec un morceau par face et dont la tonalité change selon les heures du jour, le volume avec lequel vous le mettez et la personne avec laquelle vous l’écoutez. Il y a plusieurs façons d’écouter de la musique. Vous pouvez le faire seul mais c’est tellement beau d’arriver à partager. C’est rare. Il y a un autre disque peut-être aussi, c’est le deuxième album de Burial, que j’ai beaucoup écouté avec la mère de mes enfants au début de notre relation. Je l’ai beaucoup écouté seul aussi. Le disque affirme sa propre importance mais aussi celle de l’histoire que vous vivez. Si je ne devais prendre qu’un seul disque, j’en choisirais un qui prendrait le temps. Ou qui lui survivrait : Darklands de Jesus & Mary Chain. Pygmalion de Slowdive. Ou le morceau "Please Please Please Let Me Get What I Want" des Smiths. Ou "Selected Ambient Works Vol2" d’Aphex Twin. Peut-être The Sacrificial Code de Kali Malone qui m’a accompagné dans les journées les plus sombres des années récentes, notamment en 2021. Cela dit, si je devais ne choisir qu’une seule musique, là tout de suite, ce serait celle du concert que je viens de voir de la musicienne américaine Liz Harris, alias Grouper : c’était à la Bourse de commerce à Paris, et si je pouvais faire durer ce moment durant une éternité, je le ferais sans sourciller une seconde. Au final, peut-être que le disque pour l’île déserte serait peut- être Pygmalion de Slowdive, parce que j’adore l’histoire qui l’entoure et ce qu’il dégage toujours...
Que souhaitez-vous à S-quive ?
Ce qu’André Breton avait si bien formulé : je vous souhaite d’être follement aimée.
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