INTERVIEW

James Righton, l’ex-leader des Klaxons : "J’aime l'idée que Jim soit fou, cela me renvoie à un moment de ma vie où j'étais délirant et égoïste.”

Publié le

12 juillet 2022

L’ex-leader des Klaxons, groupe new rave phare des années 2000, signe un retour triomphant avec Jim I’m still here, troisième album solo où le Britannique de 38 ans raconte la construction de son alter ego, invitant même un membre fondateur d’ABBA. Entouré du talentueux duo électro-rock belge Soulwax, James Righton livre un fascinant récit à la troisième personne sur fond de synthpop. Rencontre avec un narrateur élégant, à la personnalité troublante.

James Righton ©Léon Prost

David Bowie et Ziggy Stardust, Eminem et Slim Shady ou encore Christine & The Queens et Redcar…. Dans l'industrie de la musique, la voie du dédoublement est empruntée depuis longtemps. Nul doute que Jim, l’alter ego de James Righton au centre dans son dernier album Jim I’m still here, explore les contours artistiques et intimes de son créateur. L'artiste multi-instrumentiste de 38 ans met en scène ses troubles, évoquant à la troisième personne et avec un charme désabusé, l'absurdité des concerts en livestream diffusés depuis la pandémie sur un fond de nappes électroniques délurées. Tout juste extirpé du défilé Chanel haute couture automne-hiver 2022-2023, l’élégant musicien au regard bleu ciel se livre avec spontanéité et enthousiasme dans les locaux classieux de son label de musique parisien. Rencontre avec un homme heureux.

James, votre album vient de sortir, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Je n’ai aucune pression, officiellement [Rires] ! Cet album est né pendant les premières semaines de confinement. Mon album précédent, The Performer, venait de sortir et j’étais en pleine promo lorsque le monde s’est arrêté. Pendant le confinement, j’étais juste un père, en Angleterre, à la maison avec sa famille [Il est marié avec l’actrice Keira Knightley et père de deux petites filles, ndlr] en sécurité. Je m’accordais une heure par jour, pour descendre dans mon studio et composer. En même temps, on me demandait de faire plus de concerts et d’interviews en direct via les réseaux sociaux tout en m’occupant de ma jeune famille. La juxtaposition de ces deux types de vies, cette étrangeté, m’a inspirée.

James Righton ©Léon Prost

C’est donc confiné dans votre sous-sol que Jim, votre alter-ego, est né. Qui est-il ?

Jim est une version de moi poussée à l’extrême. Quand tu crées un personnage, il peut être toi, mais dans la meilleure comme la pire version de toi-même. Jim et James font partie d’un seul personnage, à travers lequel je peux explorer différentes facettes de ma personnalité. Je peux jouer avec lui, faire ce que je veux. Etre dans l’excès, me lâcher. Et je n’aurais pas à me justifier ni ressentir la moindre gêne puisque ce n’est pas moi. C’est une manière de créer de la distance.

"J’aime l'idée que Jim soit fou, cela me renvoie à un moment de ma vie où j'étais délirant et égoïste."

C’est à travers cet alter ego que vous cherchiez à retrouver des sensations dont vous avez été privé en tant que musicien pendant le confinement ?

Absolument ! C’était une période bizarre, floue et effrayante pour tout le monde. Je ne savais plus si j’allais continuer à faire la promotion de mon album, des interviews... C'était le cadet de mes soucis. C'était insensé. Et beaucoup de souvenirs on refait surface, du fait de cet enfermement contraint. Je n'avais jamais connu cela auparavant et maintenant, l’avenir paraît plus incertain. Mais je reste optimiste.

James Righton ©Léon Prost

C'était comme une thérapie ?

Totalement, Jim a une conversation tout au long de cet album. En thérapie, le docteur est présent même s'il ne dit pas grand-chose mais la conversation interne a quand même lieue, car il te tend un miroir. C'était incroyable. J’aime l'idée que Jim soit fou, cela me renvoie à un moment de ma vie où j'étais délirant et égoïste. Maintenant que j’ai une famille, j’aime penser que je ne le suis plus. Mais honnêtement, il reste toujours un peu d’égoïsme en moi, un besoin de reconnaissance. Je me faisais la réflexion avec un ami comédien : en tant qu'artiste, vous voulez être aimé et même si cela arrive, vous réalisez que ce but ne vous rend pas heureux. Les problèmes vont au-delà et j'aime explorer ces choses plus profondes.

"C'est un album étrange réalisé à un moment précis sur un avenir et une possibilité d'analyse humaine."

Un sujet profond que vous abordez avec le titre "Touch" est celui du lien parental... Pourquoi ?

Oui, c'est important pour moi. Je viens d'avoir une fille, mon deuxième bébé. Lorsque j’étais loin d'elle, on s’appelait régulièrement sur FaceTime mais ce n’était pas suffisant. Certaines choses me manquaient, comme ressentir son petit doigt enroulé autour du mien, son contact. Et si elle était à côté de moi pendant le confinement je ne pouvais pas m'empêcher de songer aux émotions que j'éprouvais lorsqu'elle était loin de moi, que je ne pouvais pas la toucher. Le contact visuel c'est bien, physique, c'est mieux.

Que souhaitiez-vous transmettre avec ce nouvel opus ?

Je veux que certaines personnes s’identifient. C'est un album étrange réalisé à un moment précis sur un avenir et une possibilité d'analyse humaine.

"J'aime mettre en musique ces moments dans la vie des gens."

Sur scène, vous chantez des titres phares des Klaxons, dont vous étiez le leader, comme "Golden Skans". Vous prenez toujours le même plaisir à le chanter avec le public ?

Lorsque les Klaxons se sont arrêtés il y a quatre ou cinq ans, je ne voulais plus rien avoir affaire avec le groupe, les chansons ou l'émotion procurée pendant cette période qui a constitué dix ans de ma vie. Je pense avoir eu un trouble de stress post traumatique : c’était fantastique, nous avons connu des moments incroyables mais nous étions sous pression. Maintenant, je suis quelqu'un d'autre, heureux. Je suis fier de ce que nous avons créé, y compris notre amitié. Sur scène, je joue donc d'anciens morceaux. D’ailleurs, lors du premier concert de la tournée, j’appréhendais. Finalement c’était incroyable. Dès les premières notes, les gens chantaient les paroles de “Golden Skans”. C'était tellement touchant de voir les gens heureux. Je continuerai à jouer et faire des tournées, c’est un bonheur pour moi comme pour les autres d'ailleurs, certains on peut-être connu leur premier baiser sur ces chansons ! J'aime mettre en musique ces moments dans la vie des gens.

James Righton ©Léon Prost

L’imagerie de vos clips est très soignée. Je pense à "Release Party", par exemple. Comment travaillez-vous vos visuels ?

J'ai toujours été attentif aux images. J'aime le processus de création d'un personnage sur un album. Je pense que la manière dont vous vous présentez au monde doit parfaitement s'intégrer au personnage créé. Il faut penser à ce qu'il porterait, ce qu'il mangerait, comment il se comporterait... Ces questions flottent en permanence dans mon esprit. Ce design incroyable est le fruit d'une collaboration avec le studio Soulwax. Ils sont très conceptuels, j'adore travailler avec eux.

"J’ai finalement terminé mon album mais il manquait un petit quelque chose donc j'ai demandé à Benny : 'Tu jouerais sur l'une de mes chansons ? Elle aurait besoin d'un solo de clavier...' 'Ouais ça a l’air cool', m'a-t-il dit."

Parlez-moi de votre collaboration avec Benny Andersson, membre du groupe ABBA…

C’est juste fou ! Je me pince encore [Rires]. Un ami m'a contacté pour me dire que je ferai partie du projet ABBA, je n’y croyais pas. Alors nous avons commencé à travailler ensemble, j’ai monté le groupe pour cet incroyable spectacle qui se déroule à Londres, d’ailleurs ça vaut le détour, ce n'est pas comme un simple concert. J’ai finalement terminé mon album mais il manquait un petit quelque chose donc j'ai demandé à Benny : “Tu jouerais sur l'une de mes chansons ? Elle aurait besoin d'un solo de clavier...” “Ouais ça a l’air cool”, m'a-t-il dit. Il m’a ensuite demandé de lui envoyer ma partie, et deux jours plus tard, je reçois le résultat, c'était parfait. J’étais honoré car c'est la première fois qu'il travaille sur un autre album que ceux d'ABBA. Ça m’étonne toujours autant, c’est une personne discrète et humble.

James Righton ©Léon Prost

Vous êtes en tournée en Europe en août et septembre prochain. Que réservez-vous à votre public ?

Je suis excité à l’idée de jouer sur scène ! Ce n’est pas comme n'importe quel autre concert avec mon groupe, je me sens simplement comme Jim sur scène.

James Righton part en tournée en Europe à partir du 26 août prochain. Il sera, entre autres, en Angleterre mi-septembre, au Hasard Ludique à Paris le 21 septembre, puis à Bruxelles, Cologne, Berlin et Amsterdam jusqu’à fin septembre.

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