INTERVIEW
Publié le
21 janvier 2025
Vaporeuse et enivrante, la musique de Paul Prier semble traverser les époques. Inspiré de sonorités pop, classiques ou jazz, le musicien vient de dévoiler son nouvel EP baptisé Panic Peaks symbolisant avec légèreté les névroses ou les pics de panique inhérents à la vie d’artiste : intransigeante et parfois torturée ! Une proposition singulière présentée en première partie du groupe Justice à l’Accor Arena en décembre dernier. C’est quelques jours après l’évènement qu’il s’est confié à S-quive sur la genèse de cet opus, les coulisses créatives du clip "Dust" et son prochain concert à La Maroquinerie en juin prochain.
Paul, si vous deviez vous présenter en quelques mots…
Je suis un musicien français qui vit à Paris et qui fait de la musique, depuis 20 ans maintenant, sous différentes formes. Aujourd’hui, je présente mon projet solo. C’est un nouveau chapitre assez excitant qui s’ouvre.
Mardi soir dernier, vous avez fait la première partie de Justice à l’Accor Arena, à Paris. Racontez-nous la genèse de cette prestation…
On a reçu une proposition de faire cette première partie de la part du booker de Justice, il y a un mois et demi. J’étais honoré, flatté et aussi super stressé ! [Rires] J’ai bien préparé le show en amont avec des arrangements qui répondraient à cette première partie, sans changer l’ADN des morceaux, et j’ai fait appel à un batteur qui s’appelle Lucien Chatin pour m’accompagner sur scène.
Quelles premières émotions et souvenirs en gardez-vous ?
Je suis encore en train de redescendre ! Quand on se présente avec son projet dans une salle aussi grande, c’est assez exceptionnel. Il y a un peu ce phénomène qui se passe quand on vit une telle expérience à laquelle on s’est beaucoup préparé en amont, c’est qu’on perd presque la mémoire de ce qui s’est passé sur scène juste après ! On est sur un petit nuage mais là ça commence à revenir ! J’ai pris du plaisir tout en étant très concentré. Ce n’est pas aisé car la première partie, c’est aussi jouer devant des gens qui ne connaissent pas forcément le projet et ils ont été très bienveillants. Pedro Winter était aussi maître de cérémonie, il présentait tout le monde. Il y avait cette ambiance très bon enfant. Je me suis senti beaucoup moins stressé que ce que je pensais et c’était très agréable.
"Ce vent de ‘panic peaks’ est souvent injustifié et plutôt drôle avec un peu de recul."
En story sur Instagram, vous avez dit : "One Night, two vibes" en montrant le rythme vaporeux de votre musique et le son électrisant de Justice. Quel lien artistique faites-vous entre ces deux univers ?
Pour moi, il y en a un qui est assez clair mais qu’on ne voit pas directement quand on écoute la musique de Justice, très radicale et rythmée, c’est l’amour des sonorités et des textures de synthés, par exemple. Il y a aussi des similitudes dans les grilles d’accords qu’on peut utiliser ou lorsqu’on compose des morceaux. Comme je les connais aussi personnellement, on a beaucoup de goûts musicaux en commun. Des ponts se font mais l’idée de cette story, c’était aussi la pointe d’humour entre les deux extraits : l’un énervé et l’autre beaucoup plus calme ! [Rires]
Vous allez sortir votre prochain EP le 17 janvier 2025, baptisé Panic Peaks. Pourquoi ce vent de panique ?!
C’est un petit clin d’œil à ces petits pics de panique et ces initiales "PP" qui font écho à mon prénom et mon nom. C’est un fil rouge puisque mon premier album s’appelait Punctual Problems ! Ça accompagne ce personnage qui a ses petites angoisses et ses petites névroses en abordant le sujet avec légèreté, sans aucune gravité.
Peut-on dire que les titres sont comme des suggestions thérapeutiques face à une société parfois très grave et hostile ?
Il y a un parallèle qui peut se faire. Il y a aussi cette idée de parler de tous ces petits clichés de l’artiste torturé dans une démarche artistique. Cela se traduit par une sorte de narcissisme assez grotesque mélangé à l’intransigeance et les jugements sur soi-même. C’est comme une dualité à laquelle je pense parfois, tout en me disant qu’il n’y a rien de grave et que pour faire de la musique, il faut aussi rester léger. Ce vent de "panic peaks" est souvent injustifié et plutôt drôle avec un peu de recul.
Vous êtes représenté par le label "Recherche et Développement". Il y a encore dans cette formule une dimension scientifique, voire émotionnelle. C’est votre approche de la musique ?
J’essaie de toujours commencer avec une approche intuitive et spontanée pour composer un morceau, et ensuite arrive tout un process plus expérimental, à tester pour voir ce qui fonctionne. Le nom du label raconte bien une recherche artistique qui peut durer toute une vie. On a matière à être dans un laboratoire géant jusqu’à la fin de nos jours car c’est assez inépuisable en termes de possibilités.
"Avec ‘Dust’, on souhaitait représenter un artiste dans sa bulle."
Il renferme le titre "Dust" dont vous avez sorti le clip léché et rétro-futuriste, en novembre dernier. Comment l’avez-vous pensé ?
On a travaillé avec le réalisateur Marc Thomas. Je lui ai proposé de mélanger l’univers médical et musical et de trouver un concept. L’idée que j’avais partait d’une photo du début du siècle où on voit une femme allongée dans un "piano-lit". Elle est alitée et tout un système lui permet de rester allongée dans le piano. J’adore cette image et je voulais avancer sur cette piste. On avait commencé à ébaucher des lits hybrides avec des choses incrustées. Avec Marc, on a commencé à penser à cette idée de capsule qui rajoute la notion de coupure entre son monde à soi et l’extérieur. C’est à la fois dérangeant et cinégénique. Avec "Dust", on souhaitait représenter un artiste dans sa bulle avec l’idée de l’hypocondrie. C’est un peu l’histoire de Mickael Jackson qui dormait dans un caisson pour se régénérer comme référence !
Votre musique est aussi accessible qu’ultra peaufinée et sophistiquée. On oscille entre vintage et ultra modernité. Vous considérez-vous comme un artiste hors du temps ?
Quand je crée de la musique, je ne cherche pas à résonner avec une époque. C’est intéressant cette idée d’hors du temps, comme ça la musique ne vieillit pas trop vite et c’est une bonne chose aussi !
Il y a cette douceur latente mais profonde qui peut nous ramener à l’œuvre de Ryuichi Sakamoto mais aussi l’âme des 80s et de Quincy Jones. Quelles sont vos inspirations musicales ?
Mes inspirations musicales sont immenses ! J’ai écouté beaucoup de musique pop avec mes parents, comme les Beatles, Mickael Jackson, Stevie Wonder ou Prince. Ça a façonné les bases de ma culture musicale. Ensuite, J’ai écouté beaucoup de musique classique à l’adolescence, puis du jazz et je suis revenu à la pop et à la musique électronique. Maintenant, je fais une synthèse de tout pour avoir des références de chaque influence dans ma musique.
Vous avez travaillé aux côtés de Christine & The Queens, Vanessa Paradis ou Charlotte Gainsbourg. Que vous ont apporté ces expériences avant de vous lancer en solo ?
Elles m’ont apportées une expérience de performance live. J’ai fait des tournées partout dans le monde avec ces artistes sur des grosses scènes. Je faisais de la musique avant et je me suis retrouvé dans ces aventures de manière très naturelle. Ça m’a enrichi mais aussi détourné de ce que j’ai toujours voulu faire : de la musique originale. Je suis heureux d’être passé par cette étape mais je souhaitais initialement faire ma musique.
Que faut-il esquiver dans la musique ?
Il faut esquiver la tentative de faire une musique qui ne te ressemble pas ou parce qu’elle est tendance. Il ne faut pas avoir peur d’être sincère.
Vous serez à La Maroquinerie le 17 juin 2025… Que nous réservez-vous ?
Je ne sais pas exactement en détail mais il y aura plus de musiciens sur scène pour partager quelque chose de très collégial.
"Panic Peaks" de Paul Prier disponible partout.
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