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Elodie Euston : "Les femmes qui ont les cheveux texturés ont besoin de voix."

Publié le

31 juillet 2024

Entrepreneure accomplie, coloriste renommée et formatrice chez L’Oréal, Elodie Euston est la fondatrice de salons de coiffure éponymes, situés à Paris et en Guadeloupe. Spécialisée dans la coloration et le soin des cheveux texturés, son futur combat est de former chaque coiffeur à leur maîtrise. Avec plus de 45 000 abonnés sur ses comptes Instagram (personnel et professionnel), elle partage son expertise. Présente sur YouTube, dans sa série "LES CURLERIES", l’entrepreneure coiffe des personnalités telles que Paola Locatelli, Hatik ou encore Gambi. La spécialiste du cheveu texturé ancre sa vision dans le monde de la coiffure avec ses créations innovantes et son approche personnalisée. S-quive est allé à sa rencontre dans son salon parisien.

Elodie Euston

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a poussé à devenir coiffeuse et coloriste ?

Contrairement à ce que l’on peut penser, pour moi, ce n’était pas une voie choisie par dépit mais par une envie personnelle. J'ai toujours eu envie de travailler dans le monde de la beauté. J’étais dans un cursus littéraire, donc rien à voir. Et du jour au lendemain, je me suis dit que ça n’avait aucun sens pour moi. Je pense que j'ai une vraie valeur ajoutée à apporter aux femmes. J'ai donc décidé à 19-20 ans de tout arrêter et de partir en coiffure, au grand désarroi de mon père. Ce n'est pas facile de choisir une voie professionnelle, surtout quand on a un père comme le mien qui est psychanalyste. C’est une pression, c'est pour ça que j'étais en littéraire d’ailleurs. J'ai commencé un cursus professionnel et j'ai eu la chance de tomber dans un salon où on m'a vraiment bien formée. À la base, je suis coloriste. J’ai fait essentiellement de la couleur et ensuite, à 25 ans, j'ai décidé d'ouvrir ce salon dédié à toutes les femmes. J'ai ensuite commencé à travailler avec L’Oréal. Ils sont venus me chercher pour développer une gamme de produits capillaires, la première gamme pour cheveux texturés, la gamme "Curl Expression". J'ai travaillé avec les laboratoires et trois autres coiffeurs spécialisés aussi dans les cheveux texturés : un New-yorkais, un Sud-africain et une Brésilienne. Une expérience folle ! Et maintenant, je suis formatrice pour L’Oréal. Je forme beaucoup dans les pays anglophones. Je voyage beaucoup, et ça, c’est génial !

Quelles sont les principales sources d'inspiration pour vos créations capillaires ?

C’est une très bonne question. Mon inspiration, je ne la trouve pas dans les magazines ou dans la mode, mais avec mes clientes, c’est elles qui m'inspirent. Bien sûr, j’ai une idée quand je vois une cliente. En tant qu'artiste, j'ai tout de suite une inspiration. Mais avant de lui proposer, j’ai besoin de l’écouter, de savoir quelle est sa routine, comment elle va entretenir ses cheveux, si elle en a les moyens. Je me base sur ce qu’elle aime, ce qu’elle veut et ce qu’elle est. Mais le mot d’ordre, c’est : "Naturel". J’ai toujours besoin que le résultat soit naturel même si je passe une brune en rousse ou une brune en blonde, le résultat ne doit pas faire "faux".

"De plus en plus de marques ont compris que les cheveux naturels sont en plein essor et qu’il faut savoir s’en occuper."

Comment définiriez-vous le visagisme et comment l'intégrez-vous dans vos services ?

Pareil, très bonne question ! D’ailleurs, je trouve que toutes les questions sont hyper pointues ! Je n’utilise pas le visagisme parce que je trouve que le visagisme, c’est dire à une cliente ce qui lui va ou pas… Et je pense que je n’ai pas à dire à une cliente ce qui va lui aller ou non. Tout est une question de chemin de vie. Par exemple, j’ai les cheveux courts depuis que j’ai 35 ans. Mais il y a 10 ans, jamais je n'aurais dit que je me couperai les cheveux ! Et j’ai plein de gens qui me disaient plus jeune : "Mais non, tu ne peux pas te couper les cheveux parce que tu as la mâchoire trop carrée, ça ne va pas te mettre en valeur, ça ne va pas être féminin." Si j’avais écouté les visagistes qui disaient que si on a le visage trop carré, on ne peut pas se couper les cheveux, ça aurait accentué des complexes. Et moi, ce que je préfère, c’est voir où elle en est dans son processus, si elle a envie de changer, quelles sont ses idées. Souvent, elle va me dire qu'elle veut être blonde et elle me montre une photo, et en fait ce n’est pas du blond, c’est un caramel ou elle aura juste des touches un peu plus claires. J’ai besoin qu'elle me montre ce qu’elle veut, ce qu’elle aime, et à la suite de ça, je vais analyser ses cheveux, la façon dont elle les entretient et lui faire des propositions. Mais je ne peux pas lui impose, je vais plutôt la conseiller.

Votre spécialité est les cheveux texturés et afro. Comment prenez-vous soin de vos clientes avec ce type de cheveux, souvent en quête de produits adaptés ?

Notre chance en 2024, c’est qu’il y a de plus en plus de produits. Et ce qui est génial, c’est que les femmes aux cheveux afro ou texturés essaient d’apprendre à les entretenir. On a plein de tutos sur YouTube, souvent de femmes américaines. En 2010, il y a eu le mouvement Nappy Hair qui s’est développé et c’est justement à la suite de cela que les femmes ont appris à s’occuper de leurs cheveux. Nous avons une panoplie de gammes au salon, nous les connaissons toutes très bien. Pour choisir les produits utilisés, on s'adapte au diagnostic et à l’écoute de notre cliente. De plus en plus de marques ont compris que les cheveux naturels sont en plein essor et qu’il faut savoir s’en occuper.

Elodie Euston, Paola Locatelli et Tchaga

Vous avez fondé deux salons, l'un à Paris et l'autre en Guadeloupe. Quelles sont les valeurs que vous défendez à travers eux ?

Je dirais que le mot clé, c’est confiance. Mes collaborateurs et moi avons tous les mêmes valeurs qui sont de mettre nos clientes en confiance. Ne jamais avoir des propos ou des mots blessants. Par exemple, on ne dit jamais "Touffe" ou "Oh, vous avez trop de cheveux !". On fait attention à l’impact que les mots peuvent avoir sur les femmes. C’est la compassion, la compréhension, l’écoute, le respect. Le but, c’est que quand elles sortent, elles se disent : "Wouah, là on m’a vraiment respectée en tant que femme", et pas juste en tant que femme noire, métisse ou maghrébine. Peu importe, moi quand elles rentrent, ce que je vois, c’est juste une femme.

Vous avez eu l'occasion de coiffer des personnalités comme Paola Locatelli, Hatik… Comment se déroulent les propositions et collaborations avec ces artistes ? Et le choix de leurs looks ?

Je suis très reconnaissante et fière de me dire que les plus grands artistes que j’ai, comme Paola, Hatik, Vitaa, Flora Coquerel, je ne suis pas allée les chercher, ce sont eux qui sont venus à moi par recommandation. Je les accueille comme j’accueille mes propres clientes. Effectivement, je fais en sorte de les prendre au moment où elles en ont besoin. Et pour le choix des prestations, je fais comme avec mes propres clientes, je les écoute, je leur fais ce dont elles ont envie et besoin. Mais je suis obligée de faire attention parce qu'ils sont souvent dans des projets comme des clips, des films, ou ont des agents, donc je ne peux pas faire comme je veux. On est obligés de respecter une ligne directrice.

"Les femmes qui ont les cheveux texturés ont besoin de voix."

Vous êtes également très active sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram et YouTube avec votre série "LES CURLERIES". Quelle importance accordez-vous à ces plateformes dans votre carrière ? D’où vous est venue l’idée de faire une série ?

Les réseaux sociaux font partie intégrante de notre vie en 2024, encore plus quand on est dans le monde de la beauté et de l’esthétisme. On y passe tous, on y est tous ! "Les Curleries", c’est venu parce que je pense que les femmes qui ont les cheveux texturés ont besoin de voix, besoin d’entendre qu'elles ne sont pas seules dans ce qu’elles ont pu vivre avec leurs cheveux. Ça fait 10 ans maintenant que je suis spécialisée et je n’ai pas une cliente, qui a grandi en France ou dans un pays occidental, qui n’a pas eu de problèmes par rapport à son type de cheveux. Ce que je trouve intéressant, c’est de prendre des profils de types différents mais qui ont une voix sur les réseaux sociaux. Déjà, les gens auront plus envie de regarder forcément. Le lancement est encore récent, donc le fait d’avoir des personnalités qui parlent de leur histoire, les gens ont envie de regarder et surtout vont se dire : "Je ne suis pas seule". Et du coup, les langues se délient. Que ces artistes disent qu’aujourd’hui ils sont fiers de leurs cheveux et trouvent que c’est une valeur ajoutée, ça aide les jeunes et les moins jeunes à se dire : "Peut-être que moi aussi je dois être fière de mon type de cheveux". Parce qu’on a toute la même histoire et si eux réussissent à accepter leurs cheveux et à en faire une force, moi aussi je peux faire de même. Donc "Les Curleries", c’est la suite dans le processus car je sens que c’est quand même une vocation pour moi de changer l’état d’esprit de ceux qui ne comprennent pas que c’est important de se former, surtout les coiffeurs. Nous sommes dans une ère où il y a du métissage partout. Et on ne peut pas ne pas savoir prendre en charge une femme qui a les cheveux texturés.

Elodie Euston

Étant entrepreneure et maman, comment parvenez-vous à concilier votre vie professionnelle et personnelle ?

Je ne me suis jamais vraiment posée la question. J’essaie juste de faire au mieux et de ne pas délaisser l’un ou l’autre. D’être la plus présente possible sur le plan professionnel. Mais j’ai aussi mes enfants, mon conjoint, ma vie de famille. L’un ne va pas sans l’autre. Et surtout, le plus important, c’est ma santé mentale. Donc j’essaie, de temps en temps, de prendre un peu de temps pour moi. Me prendre parfois 1 ou 2 jours pour être en off et me retrouver seule avec moi-même.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un souhaitant se lancer dans ce type de projet ambitieux ?

Déjà, il faut être très déterminé et motivé, ne pas avoir peur de travailler, surtout quand on entreprend. Mais surtout avoir un but à atteindre et se dire que même si on rencontre des obstacles, il faut les transformer en forces. Cela va permettre d’avancer et d’en apprendre plus sur soi-même. Réussir à faire une introspection, se dire : "J’ai rencontré ça mais ce n’est pas pour rien car tout est juste". Et je vais travailler là-dessus pour savoir comment ne pas reproduire ça et surtout se dire : "Si j’ai vécu ça, pourquoi c’est arrivé dans mon chemin ?".

Dans les métiers de la beauté, il faut toujours essayer de rester humble parce que nul n’est irremplaçable.

Que faut-il esquiver dans la coiffure ?

Je dirais que le mot d’ordre, c’est l’ego. Il faut faire attention parce que quand on est dans un métier d’image, quand on est bon, quand on est créatif et un bon artiste, les femmes que l’on coiffe nous mettent sur un piédestal. Toute la journée, mes clientes me disent : "Mais vous m’avez fait exactement ce que je veux alors que j’avais l’impression de ne pas vous avoir bien expliqué. C’est la première fois, vous êtes géniale". Entendre ça peut gonfler l’ego et nous faire manquer d’humilité. Et dans les métiers de la beauté, il faut toujours essayer de rester humble parce que nul n’est irremplaçable.

Si vous aviez l'opportunité de coiffer une grande personnalité, quelle serait-elle ?

Il y en a une, c’est Rihanna. Mais au-delà de la coiffer, j’ai plus envie de la rencontrer parce que pour moi, c’est un business model de dingue. Elle est hyper inspirante. Tous les business qu’elle monte me parlent, la façon dont elle communique me parle. De même pour Kim Kardashian. Les deux gèrent et enchaînent leurs business, ce sont ces femmes-là qui me font rêver.

Elodie Euston

Quels sont vos projets futurs pour vos salons et pour votre carrière de formatrice chez L’Oréal ?

Je vais surtout parler de la formation car j’ai plein de projets à venir mais je n’ai pas encore envie d’en parler maintenant ! Ça viendra petit à petit donc il faut rester connecté. Mais le vrai projet que j’ai, c’est de réussir à former des coiffeurs dans le monde entier et de faire partie des piliers des coiffeurs qui ont banalisé et normalisé le fait d’accueillir toutes les femmes dans leurs salons sans spécialement se spécialiser. Parce que la spécialisation, ça reste une vocation, mais juste de savoir accueillir n’importe quelle femme, c’est-à-dire peu importe leur texture de cheveux, sans être en panique quand une femme arrive avec une belle chevelure bien frisée… !

Elodie Euston

46 rue de Turenne

Paris IIIe

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