CINÉMA
La nuit du 5 au 6 décembre 1986, une bavure policière, puis une seconde, entraînent le décès de deux étudiants d’origine maghrébine, Malik Oussekine et Abdel Benyahia. Issus d’une funeste réalité, ces deux drames ont inspiré le nouveau film de Rachid Bouchareb, composé d'un casting cinq étoiles, "Nos Frangins", en salles aujourd’hui.
Révélation de cette fin d’année 2022 avec sa présence au casting de Novembre, de Cédric Jimenez, Lyna Khoudri partage l’affiche de Nos frangins avec deux émérites, Samir Guesmi et Reda Kateb. Aux côtés de la brillante actrice, Reda Kateb, que l’on ne présente plus, excelle dans son rôle de grand frère meurtri et insurgé. Choisi pour incarner les proches de Malik Oussekine, le duo se replonge dans la vie de l’étudiant, passé à tabac par trois policiers voltigeurs dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986. Mais dans cette France sous cohabitation politique et secouée par de fortes révoltes estudiantines, un meurtre de plus, commis par un représentant de l’autorité française, qui plus est n'était pas en service mais dans un bar avec 1,84 g d'alcool dans le sang. renforcerait la défiance générale. Le climat social est déjà trop hostile. Alors, il faut le couvrir.
La détresse d'un père esseulé, victime de l’hypocrisie d’un corps policier complice, est merveilleusement interprétée par Samir Guesmi, dans le rôle de celui qui vient de perdre sa progéniture, Abdel Benyahia. Dans le sillage de son rôle pour Ibrahim, dont il est le réalisateur, l’acteur marque une nouvelle fois par sa sensibilité et son interprétation poignante, bien que contestée par la famille Benyahia, lui reprochant dans un communiqué de véhiculer "l'image d'un père dépassé par les événements, qui subit et ne conteste pas". Accompagné par le jeune Lais Salameh, qui signe lui aussi une performance concluante dans le rôle d’un frère belliqueux, il est en quête de vérité sur les conditions du décès de son fils dont on a dissimulé la mort pendant quarante-huit heures.
Adapté au grand écran, le traitement médiatique et politique de l’affaire, reconstitué à partir d’images d’archives, inscrit Nos Frangins dans un genre de docu-fiction. Malgré une réalisation ultraréaliste, l'intrigue est parfois romancée, comme pour mieux corréler les deux histoires, à l’instar du personnage fictif de l’inspecteur Mattei, homme de l’ombre incarné tout en nuances par Raphaël Personnaz. Inspiré en outre Petite, morceau interprété par Renaud, Nos frangins retrace le destin tragique de Malik Oussekine et d’Abdel Benyahia, prouvant que “c’est le même sujet [et que] les deux vont ensemble”, selon Rachid Bouchareb. “Toute la génération des étudiants de cette époque a été très touchée par ce qui s’est passé cette nuit-là. C’est très émotionnel et ça marque à jamais”, conclut le réalisateur.