INTERVIEW
Publié le
30 octobre 2022
Premier artiste électro nommé dans la catégorie "Révélation Masculine" lors de la 37e édition des Victoires de la musique, le DJ et producteur lillois, Myd, traverse l’époque avec un univers créatif aussi lumineux qu’anticonformiste. Figure affirmée du label Ed Banger Records, celui qui a remixé et produit des artistes comme Kanye West, Theophilus London ou SCH au sein de son collectif Club Cheval, sera en tournée aux États-Unis en décembre prochain avec le Myd Live Band. Un décollage imminent qui parfait les contours d’une année musicale couronnée de succès entre l’Olympia et sa collaboration décalée avec Squeezie sur le titre "Time Time". Rencontre avec un anti-héros montmartrois d'adoption qui joue dans la cour des grands.
Vous partez pour la toute première tournée du Myd Live Band aux États-Unis en Décembre prochain. C’est un décollage vers l’apothéose après votre franc succès en Europe ?
C’est une étape de plus mais il y en a encore beaucoup. Les États-Unis, c’est un très grand territoire et c’est long de s’installer là-bas. Il faut y retourner souvent et y jouer de nombreuses fois. J’y étais allé solo autour d’une ambiance DJ plutôt club en mars et là c’est la première fois qu’on y va avec le Live Band, je chante en live avec le groupe autour de moi.
Vous êtes déjà dans les préparatifs ?
Pas vraiment. Je profite des moments de creux de la tournée pour faire du studio, de la musique… On a tellement tourné cet été que le show est déjà bien rodé.
"On peut avoir un projet différent et aller jouer dans la cour des grands."
Votre album Born A Loser, sorti en avril 2021, a reçu de superbes critiques des médias. La même année, vous collaborez avec Squeezie sur le titre "Time Time" qui compte aujourd’hui près de 53 millions de vues sur Youtube, puis vous êtes le premier artiste électro nommé aux Victoires de la Musique et enfin l’OIympia, en septembre dernier. C’est la revanche d’un loser ?
Je ne sais pas si on peut parler de revanche, ce serait plutôt montrer que les anti-héros peuvent y arriver aussi. On peut avoir un projet différent et aller jouer dans la cour des grands.
La fin de la loose, c’est la renaissance de Quentin Lepoutre ?
Il n’était jamais mort ! Mais, oui, en effet c’est assez cool de voir où le projet a commencé, c’est-à-dire à 14 ans en train de mixer dans ma chambre et aujourd’hui de faire autant de trucs... C’est mortel, la vie est belle !
Le clip de votre nouveau titre "I Made It", produit par les Picard Brothers, revient sur les moments scéniques forts de cette année, en Europe et en Australie. C’était important de les immortaliser ?
Oui carrément. Ce sont des moments très beaux, des moments de communion. Les concerts s’enchaînent très vite. Dans une tournée, on a vraiment la tête dans le guidon, on passe d’une ville et d’un pays à l’autre. On voyage beaucoup et on rencontre beaucoup de monde. Faire une sorte d’album photo de l’année passée en live, c’était très important.
Unité, solidarité, soleil et anticonformisme sont des thèmes qui traversent votre musique indie-electro. Quelles sont vos inspirations artistiques ?
Je les puise dans ce que j’aime dans la vraie vie. J’essaie de faire en sorte qu’il y ai le moins possible de décalage entre ma carrière artistique et la personne que je suis. Je ne veux pas créer de personnage ou raconter une histoire fausse. Ce qui m’excite et me rend très heureux, c’est le soleil, les voyages, les rencontres et de beaucoup me marrer… A travers ma musique, j’aime qu’on puisse ressentir cela.
On vous définit comme un précurseur dans votre domaine. On a l’impression que vous vous projetez dans le futur du son comme dans le clip "Time Time" …
[Rires] Il n’y a pas de formule magique et je ne me dis pas particulièrement : "Il faut que je sois en avance ou même à la mode". Je sens quelque chose parce que c’est ce qui me plaît et j’essaie d’être ultra connecté à ce que j’ai envie de raconter sur l'instant. J’ai la chance qu’en ce moment, mon inspiration et ce que j’ai envie de faire collent avec ce que les gens ont envie d’écouter. Je vois cela plus comme une chance que quelque chose de calculé.
Dans votre clip "All Inclusive", votre "inner peace" est un super yacht où vous aimez noyer des gens dans des piscines ou faire des doigts d’honneur aux croisiéristes. Dans vos stories Instagram, on a plutôt l’impression que c’est dans la campagne verdoyante que vous vous ressourcez pour composer… !
[Rires] Ce n’est pas faux. Je suis plutôt citadin, j’habite à Paris, dans la ville, et j’aime cette ambiance, même si j’ai choisi le quartier de Montmartre qui a un côté petit village. Mais en effet, j’ai besoin de ce côté ressourçant et d’avoir la possibilité d’être au calme pour composer et ne pas être trop diverti par ce qui peut se passer autour. Se retrouver en studio et composer de la nouvelle musique peut être assez stressant avec ce côté page blanche, ce besoin de trouver de nouvelles idées, d'essayer de voir ce que j’ai envie de raconter, de la façon de se renouveler et d'écrire des chansons… Il faut être ultra connecté à soi-même et, assez vite, on peut être tenté d’aller faire la fête, de rencontrer d’autres personnes, d'aller boire des coups… [Rires] Il faut réussir à se déconnecter de tout cela même s’il faut forcer un peu la déconnexion pour se mettre au travail.
"Le style vestimentaire Myd, c’est entre un papa américain et un papa français. [Rires] C’est un papa du monde : Universal Dad !"
C’est ce qu’on s’imagine des DJs : faire la fête tout le temps…
Oui, c’est vrai et le fait de voyager et de rencontrer du monde fait aussi partie de l’inspiration. Il faut un peu des deux.
L’imagerie de vos clips est très léchée, en termes de colorimétrie et de scénographie. Comment les pensez-vous ?
J’ai une équipe assez réduite. Il n’y a pas de gens que j’appelle pour dire : "Trouvez-moi une nouvelle idée !". A la base, c’est faire ce que j’aime et travailler aussi avec des gens que j’aime et avec qui on se comprend. Je pense à Alice Moitié, par exemple, avec qui on a fait la plupart de mes clips et la plupart de mes photos. On a beaucoup de discussions sur la façon dont le projet avance et ce qu’il faut mettre en avant. Une bonne DA, ce n’est pas inventer des choses. C’est plutôt : il existe ça et cette musique … On part souvent de la musique et on met un coup de stabilo sur telle ou telle chose pour que ça ressorte davantage. Elle est très forte pour ça. Il faut aussi toujours être à l’affût de nouvelles personnes avec qui collaborer, donc chercher et rester ouvert. Forcément, comme je rencontre et vois des gens avec qui je discute beaucoup, et comme je suis très impliqué dans ma DA, les points s’alignent.
Je pense au clip de "Domino" qui est hyper bien scénarisé…
Oui, "Domino", par exemple c’est cette idée de : qu’est-ce qui me fait marrer ? Évidemment, au début, on se dit qu’il nous faudrait un mec qui fasse des circuits géants de dominos qui tombent les uns à côté des autres. On n’en trouve pas, on se met à rencontrer des passionnés de ce genre de truc. Les Domino Masters, les mecs qui vont à la télé faire des concours de dominos. On rencontre Robert qui vit à Los Angeles et qui met des Go Pro sur des voitures, on trouve ça génial. Los Angeles est une ville qui, en termes de colorimétrie, est déjà très lumineuse. On se dit que le mieux, ce n’est pas qu’il vienne avec tous ses trucs, mais que c’est à nous d’aller là-bas pour tourner le clip. Tout se rejoint, on a aussi tourné le clip de "Together We Stand" à Los Angeles. Il faut suivre ses goûts et tout s’aligne.
Et on vous y voit parfois même nu…
Oui et alors ? [Rires]
Bien du coup… !
Y a un truc marrant dans la nudité. Y a un truc qui raconte tant de choses sur moi d’une manière bien plus simple qu’il y aurait à le raconter d’une autre, sur la décomplexion. C’est toujours marrant de voir quelqu’un à poil et en même temps une mise à nu, sans mauvais jeu de mots, et un côté : "Vous me prenez comme ça ou pas".
"J’aimerais, pourquoi pas, un jour, rencontrer et collaborer avec Céline Dion. Elle est devenue hyper fashion maintenant et je suis sûr qu’il y a un truc à faire."
Vous avez un vrai style vestimentaire ou une nonchalance de la sape bien pensée, non ?
Peut-être ! Je ne regarde pas de carnet de tendances particulièrement.
Mais c’est un style : Myd…
Très bien, c’est une bonne chose alors ! C’est entre un papa américain et un papa français. [Rires] C’est un papa du monde : Universal Dad ! Ça pourrait être le nom de ma marque de fringues !
Avec votre collectif Club Cheval, vous avez aidé à produire et à remixer des artistes comme Kanye West, Theophilus London, SCH ou Dua Lipa. D’autres collaborations vous font rêver ?
Oui, il y a des artistes dont j’aimerais bien croiser la route. Je pense à un mec comme Tyler, The Creator qui est un artiste ultra complet. Il fait ses propres clips, sa musique. Au-delà de sa musique que j’adore, je trouve sa DA vraiment excellente. Je pense à Pharrell avec qui j’aimerais croiser la route en studio. Je sais qu’il est très proche de la scène française puisqu’il a déjà bossé avec Cassius, Daft Punk et Gesaffelstein. Aller plutôt taper dans des références américaines. Et j’aimerais, pourquoi pas, un jour, rencontrer et collaborer avec Céline Dion. Elle est devenue hyper fashion maintenant et je suis sûr qu’il y a un truc à faire.
Après cette interview, quelle est la suite du programme ?
Je vais rentrer chez moi prendre mes affaires de sport et donc faire un peu de sport !
Est-ce que vous êtes dans la préparation d’un second album ?
Dans ma tête, oui, sur le papier, non parce que pour l’instant, je travaille beaucoup pour les autres. En ce moment, je bosse avec Lilly Wood and the Prick qui m’ont demandé de produire leur prochain album. La collaboration marche très bien car ils ont tout ce côté rock et ils souhaitaient que je vienne injecter un peu de ma musique dedans. On co-écrit beaucoup de chansons. Je leur donne ma vision sur leur projet et ça fonctionne car Nili chante super bien et Ben est excellent. Moi qui adore sampler, c’est comme si j’avais une matière première géniale pour le faire. Leur album sera top ! Concernant le mien, il est dans ma tête pour l’instant, ça travaille… Je pars en tournée au mois de décembre et le lendemain du nouvel an, le 1er janvier 2023, je commence à m’y mettre. C’est comme cela que c’est acté dans ma tête. J’aime bien avoir un planning très organisé, c’est ce qui me permet de ne faire que de la musique. Ma vie s’organise de façon à ce que je puisse faire le plus de musique possible.
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