DECRYPTAGE
Nouveauté de l’édition 2020 des Jeux olympiques, le skateboard troque momentanément la confidentialité de ses terrains de jeu urbains contre les fards du plus grand événement sportif mondial.
Place de la République, à Paris, un vendredi midi en plein mois d’août. Ils sont quelques uns à pratiquer leurs skills sur le skatepark malgré le temps maussade qui pointe à l’horizon. Autour de l’esplanade, les gens ne sont que de passage, et c’est à peine si l’on remarque ces jeunes impétueux prêts à jouer avec la gravité pour une figure réussie.
Difficile d’imaginer qu’à 10.000 kilomètres de là, le skateboard fasse parler de lui comme rarement dans sa jeune histoire. Celle-ci retiendra que c’est à Tokyo que se sont déroulées les premières épreuves olympiques de cette pratique, apparue en Californie à la fin des années 1950. Sur les quatre épreuves que comptait la discipline, trois ont récompensé des Japonais, dont la jeune Momiji Nishiya, 13 ans. Vincent Milou, le Français le mieux classé, finit 4e de la finale street.
Cette introduction sur la scène olympique fait-elle craindre une dénaturation du skateboard à ses adeptes ? Assis sur sa planche, Flo, 19 ans, relativise : « Si les JO peuvent contribuer à faire vivre le skate, alors ça ne me pose pas de problème. En plus, ça permet à des skaters de se montrer aux yeux de tous ». Il prend justement l’exemple de Vincent Milou, 6 fois champion de France de skate en street et qui vient tout juste de passer professionnel.
Même son de cloche du côté de Mustapha, 16 ans, qui enchaîne les tricks sur le module central : « Les Jeux olympiques peuvent faire connaître le skateboard auprès d’un plus grand nombre de gens Je suis pas fan de l’esprit de compétition de ces épreuves Ce qui compte dans le skateboard, c’est avant tout le partage». Avant toutefois de nuancer : « Je suis pas fan de l’esprit de compétition de ces épreuves ». Flo attire également l'attention sur ce point : « Ce qui compte dans le skateboard, c’est avant tout le partage ».
De fait, le skateboard n’est pas une pratique sportive habituelle. Il est aussi - et surtout - une philosophie de vie, qui se traduit d’ordinaire par un style vestimentaire propre à chacun. D’ordinaire car, pour ces Jeux olympiques de Tokyo, les concurrents étaient habillés par l’équipementier américain Nike et l’illustrateur néerlandais Piet Parra. Celui-ci souhaitait à cette occasion « rendre hommage à la culture sportive de chaque nation ».
La tenue de l’équipe de France se présentait ainsi sous la forme d’un polo de tennis arborant un coq, celle du Brésil, un maillot de foot qui montrait un toucan ou encore, pour le Japon, un maillot de baseball exhibant une grue. Si les athlètes étaient libres de choisir les vêtements qu’ils souhaitaient, les motifs restaient identiques pour les membres d’une même équipe nationale.
Un code stylistique qui ne semble pas déranger les skaters de la place de la République. « Ce sont les JO après tout ! » explique Flo, « Si j’ai l’occasion de participer à une telle compétition, je serais fier que le nom de mon pays soit affiché sur ma tenue ». Pour Yura, 24 ans, « La tenue n’est ni plus ni moins importante au skate que dans un autre sport. Dans tous les cas, il est normal qu’une tenue olympique soit réglementée ».
Seul Mustapha nuance l’avis qui prédomine ce jour-là. S’il reconnaît que les tenues lui apparaissent « propres et carrées », il aurait toutefois « préféré que les skaters viennent avec leur tenue, comme à la SLS (Street League Skateboarding, le principal circuit de compétitions internationales de skateboard professionnel, ndlr). Un changement de politique vestimentaire se fera peut-être pour la prochaine édition des Jeux olympiques, prévue dans trois ans à Paris. En attendant, rien, pas même les premières gouttes de pluie, ne viennent perturber nos artistes de la planche.