CINÉMA
Présenté à Cannes 2024 en compétition officielle, L’Amour ouf, tout juste sorti en salles, se hisse déjà en tête des meilleurs films francophones de l’année. Réalisée par Gilles Lellouche, cette épopée touchante de 2h40 nous fait revivre toutes les sensations que procure un premier amour : euphorie, innocence, frissons et émerveillement, portée par un quatuor à l’alchimie effrénée.
Les années 1980, dans le nord de la France. Dès les premières minutes du film, le spectateur est plongé dans une atmosphère nostalgique et précaire, avec comme décors les docks du port, la banlieue, des lotissements et les bancs du lycée. Pourtant, l’ambiance évolue très vite vers l’espièglerie et la joie lorsque les regards de Jackie et Clotaire se croisent pour la première fois. Aussi différents qu’ils se ressemblent, les deux jeunes protagonistes, campés par Mallory Wanecque et Malik Frikah, sont frappés par un coup de foudre. Mais parfois l’amour ne suffit pas, et les démons de l’un peuvent désunir deux âme-sœurs…
Après le succès de la comédie Le Grand Bain en 2018 (4,2 millions d’entrées et un César du Meilleur Acteur dans un second rôle), Gilles Lellouche revient derrière la caméra avec un film d’un tout nouveau genre. Adapté du livre éponyme de Neville Thompson (écrit en 2000), L’Amour ouf est à la fois un film d’amour, un film de gangsters, un film tragique et même un film comique. Un fin mélange des genres peut-être dû aux différentes personnes derrière l’écriture du film : Audrey Diwan (L’Événement), Ahmed Hamidi (Le Grand Bain) et Julien Lambroschini (Les Infidèles). En tout cas, ce film, fait aussi bien de coups de cœur que de coups de poing, est une véritable ode à la jeunesse et à l’amour.
Divisé en deux parties, le long-métrage nous fait aussi bien croire en l’amour qu’il nous incite à le détester. La première partie dissèque le premier amour, avec tout ce qu’il comprend, à travers la relation passionnée de Jackie et Clotaire. Tous deux issus d’histoires familiales difficiles, ils se comprennent et se lient comme deux aimants dès leur première rencontre. Cependant, ils tentent de se tirer chacun dans leur monde. Elle va au lycée et aimerait qu’il pense à l’avenir, et lui aimerait qu’elle sèche les cours et le suive dans ses travers. Une divergence qui va d’ailleurs peu à peu les mener vers leur perte.
Les deux acteurs principaux, Mallory Wanecque et Malik Frikah, crèvent l’écran. Rythmée par une bande originale iconique des années 1980 (mention spéciale au groupe The Doors), leur alchimie est palpable pendant toute la durée de la première partie du film. Notamment dans une scène de danse épatante menée par le jeune homme, également champion du monde de breakdance à ses heures perdues. Très riche en termes d’idées et de mises en scène, peut-être exagérées pour certains, le film nous fait revivre notre premier amour, celui qu’on idéalise, celui qu’on imagine.
À mi-chemin du film, les personnages font un bond dans le temps et atterrissent dans une autre réalité, dix ans plus tard. Sans trop révéler le restant de l’histoire, Jackie, incarnée par Adèle Exarchopoulos, et Clotaire, joué par François Civil, ont été séparés pendant de nombreuses années, mais finissent par se retrouver. Moins intense que la première partie, le reste du film ressemble plus à un film français tout ce qu’il y a de plus classique. Cependant, certaines scènes marquent l’esprit, à l’instar du moment où le mari de Jackie (interprété par Vincent Lacoste) tente de l’agresser sexuellement dans une cabine téléphonique.
L’Amour ouf démontre un certain déterminisme amoureux (et social), et passe de l’amour insouciant à l’amour salvateur. Après une fausse fin annoncée dès le début du film, Gilles Lellouche nous prend au dépourvu en donnant à son protagoniste le pouvoir de changer le cours de son destin grâce à un seul appel. Au final, c’est l’amour qui sauve. À la manière d’une fable de La Fontaine (pas mal discrédité par Jackie dans le film d’ailleurs), L’Amour ouf nous donne une bonne leçon : l’amour triomphe toujours.
"L'Amour Ouf" de Gilles Lellouche en salles.