ARTS
La célèbre Tosca de Puccini revient à l’Opéra-Comique, sous la forme d’une sculpture monumentale en verre martelé. Imaginée par l’artiste contemporain Simon Berger, elle est exposée à la place Boieldieu (Paris IIe), jusqu’au 28 octobre prochain. Une installation qui frappe les esprits.
Des visages, gravés au marteau sur de grands panneaux de verre par l’artiste suisse, apparaissent dans un jeu de transparence et de reflets : ils ne sont pas burinés, mais plutôt diffractés. "Tosca", la toute nouvelle installation de Simon Berger, est faite de cette même ambivalence. Entre fragilité et solidité, le verre exploré par l'artiste, fait exploser nos repères.
Ce qui frappe lorsqu’on découvre la sculpture de la Tosca, c’est qu’on ne la voit pas tout de suite. Peu à peu, grâce aux jeux de lumière et aux reflets, on distingue pourtant un visage, martelé sur les grands cubes de verre qui composent l’installation. Comme à travers un vitrail, l’héroïne lyrique de l’opéra de Puccini revient en force devant l’Opéra-Comique, l’endroit même où elle fit ses débuts à Paris. La symbolique est forte : il y a exactement 120 ans, le 13 octobre 1903, l’opéra de Puccini était représenté pour la première fois à Paris, et essuyait les critiques de la presse. Accusé de "vérisme", c’est à-dire de naturalisme, la Tosca revient sur le théâtre de ses débuts houleux, sous forme de statue de verre. L’œuvre de Simon Berger rend hommage à cet opéra qui fut martelé par la critique, mais aussi au personnage lyrique de Floria Tosca. Cantatrice follement amoureuse d’un peintre, dévorée par la jalousie, elle est aussi la femme capable de repousser les avances de Scarpia, le chef de police qui la convoite et qu’elle poignarde, avant d’être abattue elle-même. Le travail du verre que propose Simon Berger est la quintessence de ce mélange de force et de fragilité. : le verre, comme les sujets qu’il représente, est à la fois violenté et ultra résistant aux chocs.
L’œuvre de Simon Berger est presque entièrement consacrée à des portraits féminins, qui ont une très grande puissance d’évocation. "Les femmes que je sculpte ne sont pas seulement lumineuses, elles sont la lumière elle-même. Immatériels, leurs traits sont gravés au plus profond du verre (…)", explique-t-il. A travers une technique complètement novatrice, qui consiste à donner des coups de marteau sur des panneaux de verre, Simon Berger propose une esthétique de la faille, de la fêlure qui se transforme en réseau. Sur les vitrines ou les panneaux de verre qu’il grave, on distingue, bien entendu : des yeux, une bouche et un nez. Mais la façon dont le visage est traité suggère bien plus. Le verre explosé imprime des lignes de fuite, qui élargissent le portrait : on peut y voir des réseaux de neurones, ou encore des constellations d’étoiles. Le verre martelé au niveau des joues peut évoquer les veines, sous la peau, qui quelquefois éclatent et apparaissent. La portée politique de cette esthétique singulière transparaît tout particulièrement dans l’installation que l’artiste avait faite place de la République, en février 2022. Avec "Vies brisées", le public avait l’impression d’être en face des visages imprimés à même le verre de leur pare-brise de voiture. Un message percutant, frontal, contre l’usage du téléphone au volant. Devant une œuvre de Simon Berger, il est impossible de rester de glace.
"Tosca" devant l'Opéra-Comique jusqu'au 28 octobre prochain.
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