RIVE GAUCHE
Publié le
19 novembre 2025
Dans La fin d’un monde, Xavier de Moulins explore les ruines intimes d’une vie en transition, entre héritage fantasmé et réalité brute. Ce roman, à la fois pudique et incisif, interroge ce que l’on transmet, ce que l’on tait, et ce que l’on perd en chemin. À travers une écriture élégante et mélancolique, l’auteur nous invite à contempler les fissures du quotidien, là où l’amour s’effrite, où les souvenirs pèsent, et où le silence devient une forme de violence.

"Ce n’est pas facile de fuir sans se retourner, douloureux souvent et impossible parfois." Cette phrase, qui ouvre le roman comme une blessure, résume l’impossibilité de se détacher d’un passé trop lourd. Le poids des souvenirs, des non-dits, des silences familiaux, façonne les trajectoires des personnages. L’héritage, loin d’être un socle, devient une entrave : une manière erronée de se dédouaner, un miroir déformant de ce que l’on croit devoir être. Xavier de Moulins démonte la romantisation de l’héritage, ce mythe selon lequel le passé serait un refuge. Il montre au contraire que "c’est à cause de leur enfance que les adultes déraillent", que les silences transmis sont autant de blessures invisibles. Le monde change, les gens évoluent, et parfois, ces mutations sont douloureuses. Mais elles sont nécessaires.
Le roman aborde avec finesse la question du divorce, ce moment où il faut savoir s’arrêter quand l’amour n’y est plus. "L’amour n’est pas éternel, et tous les efforts du monde n’y changent rien." Cette lucidité traverse le récit, comme une invitation à ne pas s’enfermer dans des habitudes mortes au nom du temps passé. Ce temps est déjà perdu. Il faut avancer. "Avoir peur du changement ne l’empêche pas", écrit de Moulins. Et cette peur, si elle n’est pas affrontée, peut tout emporter : "À avoir peur de tout perdre, on finit par tout perdre." Le roman rappelle que le bonheur est un sentiment fragile, aussi délicat que du verre, et que la confiance, même incertaine, est le seul chemin pour ne pas passer à côté de sa vie.

"La vie, c’est souvent la fiction mais en mieux." Cette phrase, à la fois ironique et tendre, résume l’ambivalence du roman. La vie adulte, avec ses désillusions, ses compromis, ses secrets, n’a rien d’un conte. Elle est faite de silences, de non-dits, de décisions difficiles. Mais elle est aussi le lieu de la vérité, de la reconstruction, de la possibilité d’un nouveau départ. "Abyssus abyssum invocat" : l’abîme appelle l’abîme. Mais dans La fin d’un monde, Xavier de Moulins nous rappelle qu’il est possible de briser le cycle, de sortir du silence, de choisir la lumière. Un roman poignant, qui parle à chacun de nous, là où ça fait mal, là où ça fait vrai.
"La fin d’un monde", Xavier de Moulins, Edition J'ai Lu.