INTERVIEW
Étudiante, danseuse, ambassadrice Adidas, et future porteuse de la flamme olympique… Jade Rincla est une véritable boule d’énergie. La jeune athlète pratique le hip-hop depuis ses 12 ans et ne compte pas s’arrêter de sitôt. S-quive a retrouvé l’audonienne de 20 ans à deux pas de la Place de la République, dans l'endroit qui a été un tremplin artistique pour elle : le lycée Turgot. Sur fond de rap US et de bruit de pas de danse sur le parquet du gymnase, Jade nous emmène tout sourire dans son univers.
Jade, si vous deviez nous dire l’essentiel sur vous ?
Je viens de Saint-Ouen, je suis en deuxième année de BTS Biotechnologie, j’ai fait toutes mes années lycée à Turgot et si je devais me décrire, je dirais que je suis une personne enthousiaste, passionnée, et déterminée dans tout ce que je fais. J’essaye d’être beaucoup dans l’entraide, dans tous mes projets je tente d’inclure mes proches et les personnes qui m’ont soutenues. Aux yeux de ceux qui me connaissent, j’ai toujours eu une double casquette ! D’un côté, il y a la Jade studieuse, l’élève modèle et de l’autre, la Jade passionnée de danse.
Nous sommes au lycée Turgot, où vous étiez en section hip-hop, qu’est-ce que ça vous fait de revenir dans ce lieu ?
Quand je reviens ici, c’est tous ces moments, toutes ces émotions, tous ces souvenirs qui remontent. Par exemple, quand je reprends les escaliers roses qui mènent au deuxième gymnase, je me souviens des heures que j'y ai passées à m'entraîner avec les danseurs de Turgot. Pour nous, c’est un lieu emblématique, dès que nous n’avions pas cours ou pendant les heures de permanence, nous venions ici. Ce lieu, c’est beaucoup de souvenirs, d'attachement et cette période marque aussi mes vrais débuts dans la danse. Avant Turgot, je faisais des battles mais ce n’était pas aussi sérieux que pendant le lycée. J’ai beaucoup profité pendant ces trois années, malheureusement, elles sont passées trop vite ! C’est toujours un plaisir de revenir, de pouvoir suivre les générations actuelles, de pouvoir échanger avec elles, et de voir que le travail que l’on a fourni quand on y était peut leur ouvrir des portes. J’ai gardé une réelle attache à ce lieu, j’ai toujours des projets qui continuent ici, bien que je sois ailleurs. C’est vraiment agréable car il y a un après Turgot. Quand on y est plus, on y est encore !
“J'aime à dire que la danse est devenue vitale pour moi, tout comme on mange, on dort, j’ai besoin de cette dose de danse pour pouvoir libérer mon énergie.”
Vous pratiquez la danse depuis très jeune. Qu’est-ce qu’elle signifie pour vous ? Qu’est-ce qu’elle vous a apporté ?
J’ai eu la chance d'avoir des parents qui avaient une très grande implication dans la musique et dans la danse. Ma mère adore la salsa, elle danse depuis très longtemps. Mon père, lui, écoutait beaucoup de rappeurs Old School, comme Dr.Dre ou Notorious B.I.G. J’ai baigné dans cette culture sans vraiment m’en rendre compte. De moi-même, j’ai voulu tester plusieurs styles de danse. J’ai fait de la danse classique, de la danse africaine, et vers mes 11 ans, j’ai commencé à prendre des cours de hip-hop et je me suis dit que c’était vraiment ce qu’il me fallait. J'aime à dire que la danse est devenue vitale pour moi, tout comme on mange, on dort, j’ai besoin de cette dose de danse pour pouvoir libérer mon énergie. Ce sport m’a aussi apporté beaucoup de rigueur. Je retrouve le cadre qu’elle m’a donné dans la vie, dans mon organisation quotidienne.
Quels sont vos modèles, vos influences, ou même des danseurs qui vous inspirent au quotidien ?
Les danseurs que j’admire et dont je m’inspire le plus sont Alex The Cage, Physs, Amelymels et Lindsay Badness.
Vous avez un train de vie très chargé, à la fois étudiante, danseuse, ambassadrice Adidas, et future porteuse de la flamme olympique, où trouvez-vous le temps de faire tout ce qui vous plaît ?
Mes parents me disent : “Jade, on ne te voit pas” [Rires]. Ils se demandent comment je fais, mais ils comprennent et voient que je suis épanouie. Pour pouvoir tout gérer, je suis obligée d’être très disciplinée. Comme je n’ai jamais voulu lâcher mon cursus scolaire, j’ai dû m’organiser. J’ai un agenda que je tiens quotidiennement où j'inscris tous mes rendez-vous, mes devoirs et ce que je dois faire. Si je sais que j’ai deux évènements dans la semaine, je vais faire en sorte de travailler un maximum le week-end pour pouvoir profiter pleinement les autres jours. J'ai besoin d’avoir une sécurité pour pouvoir garder la tête hors de l’eau.
“C’est vraiment un honneur de porter la flamme olympique, d’autant plus que je partage les valeurs de l’olympisme que sont l’excellence, le respect et l’amitié.”
Vous allez porter la flamme olympique, comment vous êtes-vous sentie quand vous l’avez su ? Et qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Quand je l’ai su, je n’y croyais pas. Je l’ai appris en janvier, par message alors que j’étais avec tous mes camarades de classe aux portes ouvertes d’une école. Je leur ai dit : “Les gars, je vais porter la flamme olympique !”. Ils étaient vraiment heureux pour moi et m’ont félicitée. Aujourd’hui, j’en ai davantage conscience car j’ai pu voir les premiers porteurs et surtout car le "Jour J" approche. Je me rappelle regarder les Jeux Olympiques à la télévision, à tout juste 4 ans. C’est tellement gratifiant de pouvoir se dire que 16 ans après, j’ai la chance de pouvoir porter la flamme. Pour moi, c’est vraiment un honneur, d’autant plus que je partage les valeurs de l’olympisme que sont l’excellence, le respect et l’amitié. De savoir que j’ai été choisie parmi des milliers de candidats me rend fière.
Vous êtes ambassadrice Adidas pour le programme Playmakers qui donne vie à la danse partout. Comment s’est faite la collaboration ?
Tout s’est fait grâce au lycée Turgot qui est en partenariat avec eux. Un mois après ma rentrée en seconde, j'ai eu l’occasion de faire un évènement avec la marque, puis d’autres et de fil en aiguilles, ils se sont dit que travailler avec moi serait l’aboutissement de tout ce qu’on avait fait auparavant. Maintenant, j’aime à dire que je suis entrée dans la famille Adidas. Pour moi aussi, c’était une suite logique car l’histoire de la marque est étroitement liée à celle du hip-hop. Quand on regarde les anciens, ils dansaient tous avec des vêtements Adidas. Je trouve ça vraiment bien qu’aujourd’hui, je puisse avoir l'opportunité de travailler avec eux.
Le breakdance est aux Jeux olympiques cette année, c’est une branche spécifique du hip-hop. Aimeriez-vous que le hip-hop, “danse debout”, fasse partie des Jeux ?
Honnêtement, oui. Je pense que ça pourrait être une bonne chose, à condition que ce soit fait dans de bonnes conditions, avec les acteurs de cette communauté. Le seul problème réside dans la notation. On a tous hâte de voir comment le jury va noter le breakdance car juger un sport artistique est compliqué. Comment dire qu’une personne danse mieux qu’une autre alors qu’elles ont des univers complètement différents ? Dans la danse, il y a des choses subjectives qui dépassent l’ordre du jugement et qui relèvent du goût. Si un jour la “danse debout” arrive aux Jeux olympiques, j’aurais envie d’y participer.
“ Il faut se donner les moyens, ne pas se plaindre, montrer ce qu’on vaut et prendre ce qui nous revient de droit.”
Quand vous étiez petite, de quoi rêviez-vous ?
Petite, je rêvais d’être Usain Bolt au féminin, je faisais de l’athlétisme et j’adorais ça. J’ai beaucoup bataillé entre plusieurs sports. C’était une époque où je cumulais cinq activités sportives étalées sur la semaine. Je faisais de la natation, de la danse africaine et classique, puis du tennis et même du judo. Ma mère avait peur que je me blesse et me disait : “L'athlétisme, ce sera pour plus tard, quand tu auras choisi ce que tu voudras vraiment faire”. Quand je m’y suis inscrite, je pense que je m’étais déjà éparpillée dans trop d’activités sportives puis la danse est arrivée et c’était évident. C’est le premier sport dans lequel je me suis révélée à le faire en autodidacte. Avant même de prendre des cours je m'entraînais chez moi, seule ou avec mon cousin qui dansait aussi. À deux, on apprenait des chorégraphies issues de clips puis on montait des spectacles pour nos parents.
Vous faites des études en biotechnologie en parallèle de la danse. Dans 5 ou 10 ans, où vous voyez- vous ?
Généralement, je ne suis pas quelqu’un qui se projette car souvent rien ne se passe comme je l’avais prévu. Dans quelques années, je me verrais bien avec un poste d’ingénieure d’études chez l’Oréal, Nestlé ou Danone. Je trouve qu’il y a des similitudes entre la danse et la science, dans ces deux domaines il faut savoir être créatif et entreprenant. Pour autant, je ne veux pas lâcher la danse, je souhaite qu’il y ait toujours un équilibre entre les deux. Je rêve malgré tout de devenir une grande danseuse, de continuer à faire rêver cette petite fille qui est en moi et aussi de pouvoir aider les gens grâce à la science.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui commencent la danse ?
Je leur dirais de rêver grand et de ne jamais se limiter car on ne sait jamais de quoi sera fait demain. Il faut se donner les moyens, ne pas se plaindre, montrer ce qu’on vaut et prendre ce qui nous revient de droit.
Dans votre quotidien et même dans la danse, qu’esquivez-vous ?
En général, j’esquive les mauvaises ondes, les mauvaises “vibes”. J’esquive ce qui me fait douter, ce qui me laisse comprendre qu’il y a des barrières là où il n'y en a pas. Je trouve qu’il est important d’avoir une bonne mentalité et surtout d’être entourée des bonnes personnes.