INTERVIEW
Publié le
11 juillet 2022
Libérer son imaginaire et explorer la matière et les couleurs sont les clés de voûte du processus créatif de l’artiste peintre Léa Arnezeder. Son univers artistique, ses influences, mais aussi sa façon de travailler invitent au voyage, à la découverte d’un monde harmonieux, d’une nature onirique et de tonalités subtilement choisies. Happée par une connexion à l’invisible, elle fera dialoguer ses créations avec les visiteurs du Dock Village à Marseille du 26 août au 4 septembre prochain sur le thème de la guérison à travers l’art.
D'où vient votre âme d’artiste ?
Je ne me rappelle pas d’un moment précis où est née mon "âme" d’artiste. J’ai la sensation d’avoir toujours porté en moi la nécessité de m’exprimer à travers un art. Mais des étapes de vie m’ont permis de me défaire des attentes conformistes. J’ai d’abord commencé par faire des études de lettres, je suis ensuite partie à New York faire une école de théâtre pour finir par développer la peinture de façon autodidacte. J’ai commencé par faire des portraits au couteau, de la sérigraphie, du collage et cela fait maintenant 2 ans que je me consacre à l‘art abstrait. J’ai la sensation d’avoir enfin trouvé un médium qui me permet d’accéder à une totale liberté d’expression artistique.
Quelles sont vos principales inspirations artistiques ?
Le cinéma et la photographie sont une source d’inspiration. Les photos de Todd Hido me bouleversent. Mais ma principale source d’inspiration reste la nature, ce qui m’entoure, les différentes saisons, les couleurs, l’environnement dans lequel j’évolue...
Quel est l’équilibre entre l’harmonie des formes et couleurs dans vos compositions ?
L’harmonie et les couleurs sont la base de mon travail. Je travaille de façon intuitive. Je produis, j’explore différentes techniques. Je me défais de beaucoup de mes peintures. Je pars souvent d’une image précise que je déconstruis petit à petit. C’est en faisant que je découvre ma toile.
"Il faut être capable d’être dans le renouvellement permanent."
Il y a une importance prononcée pour le traitement de la couleur dans vos œuvres, notamment : un bleu nuit, klein et cobalt ou même des couleurs sable et poudre... Comment les travaillez-vous ?
Je créais toujours mes couleurs en mélangeant plusieurs tons, en explorant, en testant. J’ai un rapport particulier aux couleurs : il est essentiel pour moi de trouver la bonne tonalité. Je suis attirée par les couleurs apaisantes. Je peins toujours au sol, plusieurs toiles à la fois. Je mélange ma peinture avec de l’eau, pour nuancer, adoucir puis je laisse l’eau s’évaporer au soleil, parfois le vent donne un mouvement inattendu à la toile. Je peins sur plusieurs couches successives. Petit à petit je déconstruis mon idée première. J’ai la sensation de ne plus être maître de ma peinture et de faire corps avec les éléments extérieurs. La matière est l’essence de ma peinture. Je fabrique mes propres toiles en agrafant un tissu de lin ou de coton brute que je choisi au touché. Je dois m’adapter à la toile, à sa souplesse, à ses aspérités ... Chaque tissu absorbe la peinture différemment et devient le maître de l’œuvre.
Certains artistes expriment l’idée qu’une peinture abstraite a pour objectif principal de représenter ce que l’homme ne voit pas ou ne veut pas voir. Une certaine manière de refléter les choses en offrant un charmant visuel, un réconfort pour les yeux. Êtes-vous du même avis ?
En quelque sorte, j’ai la sensation que depuis que je peins je regarde le monde d’une façon différente, je suis plus attentive. Il y a une phrase de Matisse qui m’inspire au quotidien : "Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir". C’est ainsi que je conçois l’art.
L’art abstrait permet de libérer notre imaginaire, de réveiller notre enfant intérieur. Je pense que dans tout art, mais plus particulièrement dans l’art abstrait, le regard du spectateur fait partie de l’œuvre. Chacun s’approprie ce qu’il regarde. Alors l’œuvre voyage dans un nouvel imaginaire.
Comment envisagez-vous les thématiques de vos tableaux : l’atmosphère, la nature, l’inconnu... ?
J’envisage mes toiles comme une exploration de la matière et des couleurs.
J’ai un rapport direct. J’intellectualise peu mes thématiques. Elles s’imposent à moi. Je déconstruis mon image première. Je fais dialoguer les éléments entre eux.
"Mes peintures sont une invitation au voyage."
À travers un mariage de couleurs, qui offre vie à vos toiles, quels sentiments ou émotions essayez-vous de transcrire dans vos créations ?
Il me semble que l’art est un travail sur la perception. Je ne cherche pas à imposer ma vision. Je n’ai pas un rapport nerveux à mes créations mais plutôt un rapport intuitif et bienveillant. Même si ça reste une lutte intérieure ... Il faut être capable d’être dans le renouvellement permanent. Lorsque je peins, j’ai la sensation de basculer dans une autre dimension, une connexion à l’invisible. Je baisse la garde et je mets mon ego de côté. Mes peintures sont une invitation au voyage.
La peinture est un médium avec lequel vous pouvez autant faire parler votre imaginaire qu’avec la photographie ?
J’ai choisi la peinture car j’ai le sentiment qu’il n’y a pas de limites. Les possibilités sont infinies. La notion de temps n’est pas la même que pour la photographie qui, elle, doit saisir l’instant. Dans mes toiles, la notion de temps est la plus importante. Je peux mettre un mois pour réaliser une toile.
Quelles sont vos projets artistiques à venir ?
J’expose au Dock Village à Marseille du 26 août au 4 septembre prochain sur le thème de la guérison à travers l’art. Je prépare une exposition à Paris pour fin 2022 et je suis en train de terminer le scénario d’un long métrage que j’ai écrit avec ma sœur Nora, dans lequel le visuel a évidemment une place très importante.