ARTS

"Rivelazioni", un précieux miracle signé Juliette Minchin & Marta Roberti

Publié le

1er juillet 2024

Un feu sacré brûle dans le couvent Sant’Orsola de Florence ! L’ancien lieu de culte, en plein chantier de réhabilitation, accueille une seconde exposition d’art contemporain pleine de douceur. "Rivelazioni" présente le travail des artistes française et italienne Juliette Minchin et Marta Roberti, jusqu'au 27 octobre prochain. Entre les murs du futur Museo Sant’Orsola, la flamme de la création brûle, et éclaire les vestiges du couvent.

Juliette Minchin ©Cinestudio Italy

"Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. Ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence". Le souffle grandiloquent des phrases de Châteaubriand entre en parfaite résonance avec "Rivelazioni", la seconde exposition du futur Museo Sant’Orsola. Tout en délicatesse, la dessinatrice Marta Roberti et la sculptrice Juliette Minchin, enchantent les vestiges de cet ancien lieu de culte en plein cœur de Florence.

Détail l Oeuvre de Juliette Minchin ©Cinestudio Italy

Juliette Minchin : une exposition comme un rituel de guérison

Un couvent en ruines. Doucement déposés sur les pierres de l’ancienne église, de longs drapés de cire viennent non pas voiler, mais bel et bien dévoiler leur beauté abîmée par le temps. Aussi élégants que les plissés de marbre des statues antiques, ou que les voiles des bateaux lorsqu’elles se gonflent, ils habillent les pierres comme une seconde peau, toute neuve. L’on médite soudain sur les bandages, les linceuls, et toutes les civilisations qui considèrent la mort comme un passage suivi d’une renaissance. L’installation de l’artiste française Juliette Minchin, aussi éphémère et fragile, enveloppe le lieu d’une atmosphère de rêverie sacrée. Cette œuvre, faite de linceuls de cire beige déposés sur les ruines, nous signifie que restaurer un monument, c’est avant tout en prendre soin. Le temps se suspend.

Détail l Oeuvre de Juliette Minchin ©Cinestudio Italy

Avec son installation monumentale "La Croix, veillée aux épines de cœur" de 2023, Juliette Minchin avait déjà enchanté l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue de son art de la cire. La sculpture, une immense croix de 28 mètres de long, était composée de 33 panneaux en acier, couverts d’une dentelle de cire aux motifs de roses. Les mèches allumées venaient peu à peu ronger les parois fleuries, et égrener l’œuvre, goutte après goutte, larme après larme. Pour l’exposition "Rivelazioni", Juliette Minchin installe une nouvelle fois une œuvre-veillée, dans l’ancienne pharmacie (la spezieria) du couvent Sant’Orsola. Un lieu chargé de symboles. Comme les pierres cassées du couvent, cette installation de Juliette Minchin est vouée à disparaître. Elle fond, petit à petit, pendant qu’elle est exposée, puis sa cire sera réutilisée pour d’autres oeuvres. Une pratique artistique comme un rituel de purification par le feu. Tels les mandalas dessinés pendant des heures sur le sable par les moines tibétains, et effacés par la marée, les sculptures de cire de Juliette Minchin invitent à une profonde réflexion sur le matériel et l’immatériel.

Juliette Minchin ©Cinestudio Italy

Marta Roberti : un envol vers la lumière

Dans les souterrains du couvent, des fresques de papier éclairent l’obscurité. Les dessins de Marta Roberti, rétroéclairés, illuminent l’espace telles des lanternes magiques japonisantes. D’autres sont suspendues sur les murs de pierre de l’église, en écho aux anciennes fresques médiévales de l’édifice. Des grands hérons prennent leur envol, et une Ève des premiers temps du monde s’enroule autour d’un serpent. La technique propre à Marta Roberti, qui consiste à faire apparaître ses dessins à partir de papier carbone gratté, leur apporte une matérialité très particulière. Comme si ses œuvres étaient déjà usées, effacées, et retrouvées après des siècles, à l’état de fragment.

Détail l Oeuvre de Marta Roberti ©Cinestudio Italy

Marta Roberti s’inspire des mythes de l’Antiquité, et des civilisations dites "préhistoriques" ou "archaïques", selon l’approche de l’archéologue Marija Gimbutas. La chercheuse américaine mit, en effet, en avant dans ses travaux, une société primitive de type matriarcal, articulée autour du culte de la déesse mère. L’art de Marta Roberti représente des oiseaux et des félins dans une jungle luxuriante, mais aussi tout un chapelet de figures féminines, puissantes et mystérieuses. Remarquée par Maria Grazi Chiuri, la directrice artistique de Dior, la dessinatrice a collaboré avec la maison de haute couture en 2023. Pour le défilé de la collection automne/hiver dans les jardins du musée Rodin, ses œuvres sont devenues de grandes fresques en tapisserie. Un voyage vers le Néolithique, en forme d’ode aux déesses des premiers temps.

Détail l Oeuvre de Marta Roberti ©Cinestudio Italy

D’un lieu de culte à un centre culturel

L’exposition "Rivelazioni" fait partie d’un plus vaste projet, tout à fait inédit pour la ville de Florence : la réhabilitation de l’ancien couvent du XIVe siècle, et sa transformation en un immense centre culturel. Le complexe Sant’Orsola comprendra une école d’art et de design, un musée, des ateliers d’artistes et d’artisans, mais aussi un jardin, un café-librairie, un espace de bien-être et de fitness… L’ancien couvent de bénédictines se destine à devenir un immense centre culturel dédié à l’art et à la création contemporaine, conçu comme un véritable lieu de vie pour les florentins. En attendant l’ouverture du complexe en 2026, des expositions d’art contemporain sont organisées par Morgane Lucquet Laforgue, curatrice et directrice du musée. Un souffle nouveau passe sous les voûtes de Sant’Orsola, et une bouffée d’art contemporain s’invite au cœur de Florence…

"Rivelazioni" de Juliette Minchin et Marta Roberti, du 28 juin au 27 octobre prochain entre les murs du futur Museo Sant’Orsola, à Florence.

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