RIVE GAUCHE
Aujourd’hui, nous cherchons avant tout des œuvres qui sortent de l’ordinaire, par leur authenticité, leur poésie et leur capacité à traiter de sujets choquants pour en faire des œuvres "coup de poing". Déconfiture des Escobars, de Bernard Anton, est une pièce de théâtre qui a été publiée aux éditions Les Impliqués éditeur de l’Harmattan, en octobre 2023. C’est une pièce en trois actes, qui débarque au moment le plus opportun. Pour comprendre la portée de cette œuvre, il convient d'examiner non seulement le texte lui-même, mais également le contexte dans lequel il a été créé et édité. L'auteur, Bernard Anton, est un écrivain québécois profondément engagé dans des questions humanitaires et sociales. On lui doit également le prix Mur de l’espoir, qui célèbre les haïkus et la beauté de cet art japonais
Il ne laisse aucun doute sur son soutien indéfectible à des causes qui lui tiennent à cœur : une prise de position ferme, du côté de l’Ukraine. L'engagement de Bernard Anton dans la défense des droits de l'homme le pousse à œuvrer pour la paix, une démarche qui transparaît clairement dans sa nouvelle publication. L’Harmattan est reconnu pour son engagement à publier des livres qui sortent des normes, qui peinent à trouver leur lectorat. Ces textes osent bousculer les schémas traditionnels et proposent quelque chose de neuf, même si parfois ce contenu décontenance. Parmi les autres ouvrages de Bernard Anton publiés au sein de cette ancienne structure très réputée, on peut citer Anathema sur l'usurpateur, une collection de haïkus préfacée par Eugène Czolij, qui n’est nulle autre que le consul honoraire d'Ukraine à Montréal. Cette sélection de préface révèle encore une fois l'attachement de l'auteur à la cause ukrainienne et à son peuple, qu’il considère comme opprimé.
Le choix délibéré de Bernard Anton de ne pas attribuer de noms aux personnages de sa pièce mérite également une attention particulière. Au lieu de leur donner des noms individuels, il les désigne par des rôles génériques tels que les citoyens, les soldats, les combattants ou les membres d'une famille. En réalité, cette anonymisation des personnages renforce l'idée que le conflit abordé dans la pièce pourrait se dérouler n'importe où dans le monde, soulignant ainsi l'universalité du drame de la guerre et de ses conséquences. L'intrigue de Déconfiture des Escobars se déroule dans un monde où les couleurs comme le rouge et le bleu symbolisent les deux camps en conflit. Cette polarisation visuelle met en exergue la division et la confrontation qui règnent dans cet univers fictif, mais qui rappellent sans équivoque les réalités des conflits mondiaux.
"On doit obéir aux ordres ou mourir. Tuer, massacrer est devenue aussi naturel que respirer ou manger. Nous avons besoin de ce salaire pour nourrir notre famille. Qui peut nous blâmer ?" Bernard Anton parvient, d’une manière criante de vérité à cerner la brutalité et la désolation auxquelles sont confrontés les individus pris dans l'engrenage de la guerre. La structure de la pièce se divise en tableaux, offrant au lecteur une expérience de lecture fractionnée. Cette manière permet de mieux appréhender les moments forts et émotionnellement intenses de l'histoire. Les dessins et illustrations des soldats, qui ponctuent le texte, ajoutent une dimension visuelle à l'ensemble très puissant et chargé. On a du mal à se représenter ce que donnerait la pièce sur la scène d’un véritable théâtre, nul doute qu’il s’agirait d’une expérience particulièrement forte en émotions.
Bernard Anton dépasse la simple représentation souvent éloignée de la guerre en y insufflant sa poésie et musicalité. Les présidents des deux camps, figures centrales de la pièce, se font face, leurs décisions affectant profondément la vie de la population. Même les didascalies, généralement purement fonctionnelles, sont imprégnées de lyrisme, créant ainsi une atmosphère poétique remarquable.
L'auteur donne vie aux fantômes de la guerre, leur permettant de converser entre eux : en résultent des dialogues savoureux, qui sont à la fois tristes et parfois drôles, provoquant un rire nerveux. Cette perspective unique met en lumière les souffrances et les espoirs perdus dans le tumulte de la guerre. Les médias, en tant qu'instrument de manipulation de l'opinion publique, sont également pris pour cible, reflétant le souci constant de Bernard Anton pour les thèmes liés à la désinformation et à la vérité… En bref, cette tragi-comédie est un rappel réussi de la nécessité de lutter pour la paix, la justice et la réalité. Elle incite le lecteur à réfléchir, à ressentir et à agir pour un monde meilleur, où les horreurs de la guerre pourraient être évitées grâce au pouvoir de l’amour.
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