INTERVIEW

Anousha Nazari : "J’ai décidé de venir en France pour pouvoir commencer ma carrière de soliste."

Publié le

12 juillet 2024

Sorti le 3 mai dernier, In Vino Veritas est un hommage au poète et astronome Omar Khayam. Composé pour le chant lyrique, le piano et la clarinette, l’album est le fruit de quatre compositeurs iraniens. C’est Anousha Nazari, chanteuse lyrique classique mezzo-soprano qui a prêté sa voix pour cette composition contemporaine. S-quive est allé à sa rencontre au café Le Maresquier (Paris VIIIe) pour comprendre la création de l’album et revenir sur son parcours personnel.

Anousha Nazari ©Sina Abedi

Pouvez-vous présenter ?

Je m’appelle Anousha Nazari et je suis chanteuse lyrique classique mezzo-soprano. Je viens de sortir mon deuxième album qui s’intitule In Vino Veritas.

In Vino Veritas. Hommage à Khayam est votre dernier album qui est sorti le 3 mai dernier. Comment le décririez-vous ?

Comme indiqué dans le titre, c’est un hommage à Khayam, qui est un poète, astronome et philosophe du XIe siècle. C’est un poète dont les vers parlent de vin, d’amour et de l’instant présent. Ce qui est intéressant, c’est que ses vers ont une réelle profondeur. Cet album, c’est aussi la composition de trois compositeurs et une compositrice, contemporains. Chacun a choisi un quatrain d’un des poèmes Khayam et ce sont ces paroles que j’interprète.

Vous dites que c’est un hommage à Omar Khayam, poète et savant persan. Que représente-il à vos yeux ?

C’est un poète que j’admire beaucoup. J’apprécie beaucoup ses vers. Il y a des gens qui pensent que c’est un poète insouciant parce qu’il parle de vin et d’amour, certains le comparent même à un épicurien, mais je ne pense pas que ce soit vraiment le terme exact pour lui. Il était philosophe et astronome, il a tout de même conçu le calendrier solaire, alors je ne pense pas qu’il était si insouciant. Je pense qu’il est arrivé à un stade de profondeur qui lui a fait comprendre toute la vie et c’est ça qui m’impressionne.

"C’est vers l’âge de 16/17 ans, en lisant un roman intitulé ‘Jean-Christophe’, de Romain Rolland, que je suis tombée amoureuse de la musique."

Comment s’est passée la préparation pour vous en tant que chanteuse lyrique ?

Lorsque l’on commence à travailler sur un nouvel album, cela demande beaucoup d’exigence, mais c’est aussi très enrichissant. Nous l’avions commencé avec ma collègue pianiste, Lauriane Corneille, j’ai beaucoup répété avec elle et avec les compositeurs, qui était à distance, pour enfin arriver au stade de l’enregistrement. Sur cet album, c’était uniquement de la création, des morceaux qui n’ont donc jamais été interprétés, alors ça apporte une difficulté en plus, ce n’était pas facile. Ce que je fais, c’est que je commence toujours par la compréhension de l’œuvre originale pour lui être fidèle dans mon interprétation. Je pense que chaque musicien doit réussir à mettre une part de soi-même dans son interprétation. Par exemple, moi, je ressens les choses avec ma propre sensibilité, alors je mélange un peu de moi tout en restant fidèle à l’œuvre. Mais c’était un travail très intéressant que nous avions commencé avec ma collègue pianiste, Lauriane Corneille.

Vous avez grandi dans la culture perse, est-ce important pour vous de la transmettre à travers vos musiques ?

Oui, j’ai grandi dans cette culture, donc je pense qu’on peut le ressentir à travers les œuvres que j’interprète, mais pour moi, ce n’est pas réellement un objectif de transmettre la culture persane. Ce qui est important, c’est la beauté de l’œuvre. Ça peut très bien être une œuvre baroque et issue de la culture occidentale ou encore, bien d’autres choses que j’aime, mais je préfère les mélanger plutôt que de n’en transmettre qu’une seule à la fois !

Vous auriez découvert la musique en écoutant les cassettes de votre père. Était-ce à ce moment où vous vous êtes dit que vous vouliez devenir chanteuse lyrique ?

C’est vrai que mon père avait beaucoup de cassettes de musique classiques. Il y avait toujours de la musique à la maison. Pourtant je ne pensais pas encore à devenir chanteuse à ce moment-là. C’est vers l’âge de 16/17 ans, en lisant un roman intitulé Jean-Christophe, de Romain Rolland, que je suis tombée amoureuse de la musique.

"J’ai décidé de venir en France pour pouvoir commencer ma carrière de soliste."

Vous êtes originaire d’Iran, pays dans lequel les femmes n’ont pas le droit de mener de carrière de soliste dans le milieu du chant. Comment fait-on pour devenir Mezzo-soprano lyrique dans ces conditions ?

Après la révolution islamique, il y a eu cette loi absurde qui, dans mon cas, m’interdisait de chanter en tant que soliste. Il y a quand même des académies privées pour apprendre la musique, mais on ne peut être dedans, ce qui est encore plus absurde. A mes yeux, un musicien ou un chanteur ne peut pas porter ce titre, même s’il apprend 1000 ans avec le meilleur professeur du monde tant qu’il n’a pas encore chanté devant un public, alors c’est pour ça que j’ai décidé de venir en France pour pouvoir commencer ma carrière de soliste.

Anousha Nazari ©Sina Abedi

Pour poursuivre votre passion pour le chant, vous avez été forcée de quitter votre pays natal, l’Iran. Est-ce un choix qui a été difficile à faire ?

Pour moi, ça n’a pas vraiment été un choix compliqué. C’est toujours difficile de quitter son pays, il faut tout recommencer à zéro et cela reste toujours difficile pour moi, comme pour tout le monde. Mais j’avais toujours cette curiosité d’aller voir d’autres pays depuis mon adolescence, donc c’était quelque chose que je voulais faire de toute façon. Oui, ça reste difficile, mais j’avais cet enthousiasme de découvrir une autre culture.

"Dans le milieu du chant, il faut encore se battre pour se faire sa place, donc c’est difficile !"

Le 8 mars 2023, vous aviez chanté à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes en solidarité avec les femmes iraniennes. C’est une cause qui vous tient à cœur ?

Oui, bien sûr, c’est une cause qui est très importante et peu importe que les femmes soient iraniennes ou pas ! Même dans le milieu du chant, il faut encore se battre pour se faire sa place, donc c’est difficile !

Anousha Nazari ©Sina Abedi

Dans le chant lyrique, y a-t-il des choses à esquiver ?

La chose la plus importante à esquiver est de ne pas avoir une mauvaise hygiène de vie. Notre corps est notre instrument, donc il y a certaines règles à respecter comme le fait de ne pas fumer, il ne faut pas trop boire d’alcool, il faut dormir beaucoup, il faut une certaine alimentation. Il ne faut pas oublier que le chant lyrique, c’est quelque chose de très physique, donc il faut faire une activité physique pour se maintenir en forme et faire de même mentalement pour entretenir son esprit qui travaille lui aussi beaucoup ! Ça demande beaucoup de rigueur. Il y a donc beaucoup de choses à éviter.

Comptez-vous donner des concerts à l’issu de cet album ?

Nous avons déjà donné un concert le 3 mai dernier pour la sortie de l’album et, en tout cas, j’aimerais beaucoup avoir d’autres concerts par la suite, mais pour l’instant, les dates ne sont pas encore fixées ! Au mois d’août, je vais donner d’autres concerts, mais sur un autre répertoire, cette fois-ci, plus baroque !

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