INTERVIEW

Thibaut de Longeville : "DJ Mehdi, c’est un chapitre essentiel pour notre pays, pour son histoire sociale et artistique."

Publié le

8 octobre 2024

Le documentaire DJ Mehdi : Made in France est sorti il y a presque un mois. Et c’est un véritable phénomène. Un record d’audience pour Arte, plus de 3,5 millions de vues sur le compte YouTube de la chaîne, Drake et Kid Cudi en parlent sur leurs réseaux sociaux, des memes pleuvent sur internet, et surtout une unanimité nationale et internationale. Le film de Thibaut de Longeville est une œuvre qui restera dans l’histoire comme une référence. Mais pourquoi ? Car au-delà d’un engouement, il faut aller chercher les raisons de l’ardeur. Des rires, des larmes, des souvenirs, des espoirs, des inspirations. De la société, de la politique, de la culture, de l’art, de la musique. Des rencontres, des amitiés, de la famille. Il y a tant à voir, à entendre, à ressentir et à vivre dans le travail pharaonique du réalisateur. Après 3 visionnages vous n’en aurez pas fait le tour. Mais le plus fou, c’est sans aucun doute la justesse battante qui se manifeste de la série. Ça vous percute comme un amour naissant. Ça vous réchauffe comme un dimanche en famille. Ça vous émeut comme la perte d’un proche. Mais pourquoi ? Tout simplement, parce que ce projet est fait avec tout l’amour qu’on puisse imaginer. Ajoutez-y quelques mafieux, de l’intelligence, de l’esprit, un brin de malice et une quête incessante du vrai : on a un banger entre les mains. Pour S-quive, Thibaut de Longeville est revenu durant une heure entière, sur le phénomène DJ Mehdi : Made in France. Une interview humaine sur l’itinéraire de son meilleur ami, la Mafia K’1 Fry, 113, Ideal J, Ed Banger, la french touch, l’impact social et politique de sa musique, l’héritage national et international de Mehdi, et plus encore. Pour reprendre les mots du réalisateur, la présence de Mehdi "manque au monde" tant il embellissait le quotidien, comme les lendemains. Une absence qui semble s’effacer avec le documentaire et la renaissance du label Espionnage avec la réédition des projets du compositeur. Et, surtout, avec la parution de nouvelles œuvres originales, dont un album commun entre DJ Mehdi et Pone.

Thibaut de Longeville / Autoportrait via Instagram @thibaut360
Thibaut de Longeville / Autoportrait via Instagram @thibaut360

Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet ? Et les intentions de celui-ci ?

Je fais des films, et notamment des films documentaires. Ce que j’ai appris de ça, c’est que ça immortalise et inscrit des histoires dans la durée. J’ai commencé à écrire ce projet dans les semaines qui ont suivi le départ de Mehdi. Quelque part, c’était une démarche thérapeutique à la suite de la perte de mon meilleur ami. Dans les intentions, je ne voulais pas raconter un parcours de vie ou une discographie. Je savais, dès le début, qu’à travers son itinéraire il y avait trois niveaux d’histoire plus larges à raconter. La première, celle de l’explosion et de la transformation du hip-hop en France. Du changement profond que cette culture a apporté dans le pays, dans notre société, dans l’art. Avec notamment des artistes comme 113, Ideal J, Fonky Family et tout ce qu’on nomme "la deuxième génération". Des noms qui ont ancré ce genre aux oreilles du grand public et sans barrières.  Aujourd’hui, le hip-hop est sur toutes les chaînes radios, et plus seulement sur des ondes spécialisées. Au centre de cette évolution se trouve le son de DJ Mehdi. La deuxième partie, c’est l’histoire de la French Touch, avec l’export à l’international qui fait rayonner notre pays. Enfin, la troisième, plus en sous-titre, mais qui restait une ambition de départ, c’est de raconter une histoire culturelle, sociale et politique de la France sur les 30 dernières années. En posant des questions essentielles de métissage, l’identité franco-mixte d’une manière générale, l’immigration, de l’identité musulmane libre et de l’importance de la musique et de la culture dans le progrès de la société. La vie de Mehdi, c’est un môme qui grandit dans un contexte qui lui est hostile d’un point de vue de développement personnel, musical et sociétal. Il arrive à s’élever de sa condition par sa créativité, la croyance en ses rêves, la culture, le dépassement de soi, la recherche constante pour finir par devenir ambassadeur de France à un niveau national comme international à tous les niveaux. C’est une des histoires les plus poignantes, significatives et inspirantes selon moi qu’on peut raconter et regarder.

DJ Mehdi © Paolo Bevilacqua/ Courtesy of Arte
DJ Mehdi © Paolo Bevilacqua/ Courtesy of Arte

Le film documentaire se nomme DJ Mehdi : Made in France. Raconter l’histoire de Mehdi, c’est raconter l’histoire de la culture française ou celle du hip-hop ? Ou les deux au regard de vos propos ?

C’est clairement les deux, oui ! Si on regarde la culture française sur les 30-40 dernières années, le plus significatif pour savoir ce qu’elle est, c’est à travers le hip-hop. Le rap est la musique la plus appréciée et la plus écoutée. La France conservatrice et décisionnaire a du mal à l’admettre et à l’accepter. Mais cette vérité est factuelle et vérifiable dans les statistiques (fréquences de concert, écoutes et ventes d’albums, par exemple). Sans regarder de haut ou de loin tout autre genre, le rap a amené une révolution majeure, profonde et durable dans notre société. Évidemment, la French Touch a un rayon mondial. Ces deux cultures sont les deux poumons de notre culture passée, présente et à venir.

"La Mafia K’1 Fry est la seule organisation non politique qui a incarné une fraternité réelle."

Kerry James disait que : "Ce qui rassemblait la Mafia K’1 Fry, c’était Mehdi", parce que c’est quelqu’un qui a toujours su être et rester lui-même. Aujourd’hui, cela peut sembler difficile, voire impossible, d’avoir ce "caractère" dont Kerry parle ?

J’aimerais préciser avant tout qu’il n’y a bien entendu pas que ça qui réunissait la Mafia K’1 Fry. J’ai bien compris ta question, et pour y répondre : je pense que cet héritage de DJ Mehdi est encore bien vivant. Cette démarche et manière d’être perdurent chez certains qui ont vécu aux côtés de Mehdi. Par exemple, Kavinsky ou Justice sont très inspirés par son attitude et sa vision de la musique. Dans le rap, c’est plus complexe, dans le sens où cela reste encore un genre dans lequel on ne met pas en avant une certaine forme de sensibilité ou de douceur. Mais quelqu’un comme Disiz, qui a exploré énormément de formes différentes d’expression, arrive à être enfin lui-même dans cette culture. Il m’a dit que Mehdi l’inspire depuis toujours avec ça : être soi-même. Et de cette manière-là, amener quelque chose d’original et unique dans ce que tu fais.

Pour les amateurs, comme les spécialistes, on a le sentiment que Mafia K’1 Fry, c’est la "vraie" rue qui est mise à l’honneur avec ce qu’elle est de plus pure. Ce collectif, c’est le hip-hop. Pourquoi cette unanimité, d’après vous ?

Parce qu’il y a la dimension du collectif, de la variété de talents et d’identités. Mais le dénominateur commun, c’est que ce sont des gens qui, en premier lieu, ont revendiqué l’identité de la manière la plus prolifique artistiquement, spectaculaire et convaincante. Et en même temps, ils incarnaient cette identité avec justesse et authenticité manifeste. C’est une chose de dire : "Je suis de la banlieue", mais eux, dans l’écriture, les propos ou les sons étaient ce qu’ils disaient être. Ce que je veux dire, c’est qu’en France, une grande majorité du rap se calquait sur ce qu’on pouvait voir aux États-Unis. Avec la Mafia, on voyait une identité qui était résolument la nôtre ! En France, c’est le premier groupe avec lequel on se disait : "Ils sont comme moi". Rien que dans le look qu’ils avaient, qui n’était pas en miroir des rappeurs américains. C’était une esthétique qui frappait en plein cœur la jeunesse de tout le pays (pas simplement des quartiers) parce qu’elle était à leur image. Un autre élément, c’est la diversité de ce collectif. On avait des artistes qui revendiquaient la réalité avec des plumes de folies. Il y avait un niveau de poésie très élevé, hyper accessible. Ils ont mis en musique l’art de nos vies à tous, donc avec ses moments drôles, tristes, éprouvants, simples, et tout ce qui fait la réalité belle de notre quotidien. Une dernière chose spécifique à la Mafia K’1 Fry, maintenant que j’y pense. D’un point de vue sociologique, c’est la seule organisation non politique qui a incarné une fraternité réelle ; qui a unifié des gens qui sont véritablement divisés par la société. Par exemple, même des Noirs et des Arabes qui vivaient le même racisme ne se soutenaient pas. La solidarité n’est pas une valeur promue par notre système. Ça donne un comportement dans lequel chacun reste dans son coin, qu’on se ressemble ou non. Dans ce système, et malgré la forte connotation de leur nom, la Mafia africaine a rassemblé, en brandissant un drapeau de fraternité universelle avec sincérité, de l’esprit et dans un élan social authentique à travers la musique. Cette radicalité différente était beaucoup plus inclusive et inspirante. Ça appelle à l’élévation, à ne pas attendre l’assistanat de l’état français (qui n’arrivera peut-être jamais), la justice de notre fonctionnement qu’on ne connaîtra pas de notre vivant sans doute ; tendre à la solidarité pour se battre ensemble pour des causes justes : logement, opportunité de travail, justice et tous ces fondamentaux. Personne d’autre n’a aussi bien représenté tout ça mieux que la Mafia K’1 Fry.

"Aujourd’hui, dans la majorité de ce qu’on écoute, de Tiakola à Aya Nakamura, on entend un contenu afro, mélodie congolaise, rumba, et toutes ces musiques traditionnelles. Il faut rendre à DJ Mehdi cet héritage national, et même international, je dirais !"

Il y a une chose essentielle évoquée dans votre travail, et qu’on entend avec "Tonton du bled", c’est la notion de racine. Pourquoi c’est fondamental en tant qu’artiste et en tant qu’homme, selon vous ?

D’un point de vue musical, la dimension et la richesse de l’intégration d’œuvre "traditionnelle" est à la fois révolutionnaire et un geste très puissant ! Typiquement, dans les canons du rap, on est loin des chants, des rythmiques et des sonorités de musiques arabes ou traditionnelles africaines, par exemple. C’est une manière de réconcilier la multiple identité qu’ont les jeunesses issues de l’immigration ; c’est en ça que cet acte est ultra fort. Aujourd’hui, dans la majorité de ce qu’on écoute, de Tiakola à Aya Nakamura, on entend un contenu afro, mélodie congolaise, rumba, et toutes ces musiques traditionnelles. Il faut rendre à DJ Mehdi cet héritage national, et même international, je dirais ! Je ne connais pas de compositeurs qui ont fait ça à la même époque. C’est un choc culturel profond, fondamental et libérateur, à mon avis. Parce qu’on vit dans une société qui fonctionne par assimilation, qui efface les racines et deviennent les mêmes que toutes les autres. Le fait de célébrer et d’apporter cette richesse à la France, c’est énorme. C’est un chapitre essentiel pour notre pays, pour son histoire sociale et artistique. Au même niveau que l’équipe de France quand elle gagne la Coupe du monde par deux fois ! Ou l’équipe de France de judo aux derniers Jeux olympiques composée uniquement de noirs qui fait briller le pays. C’est le visage de ce pays : riche et multiple. On discutait très souvent avec Mehdi de ces questions-là ; ce qu’on se disait, c’est qu’on ne se considérait pas moitié-moitié. Non, on était 100 % Français et 100 % Sénégalais pour moi, et Tunisien pour lui. Ce qui faisait de nous des individus de 200 %. Cette génération qui aime son pays d’origine et d’accueil avec égal sentiment, malgré sa violence parfois, est importante. C’est l’héritage d’une vision qui doit perdurer de la meilleure des manières. Parce que, si le communautarisme est absolument nécessaire pour ne pas mourir dans ton identité, le repli communautaire est dangereux, car il isole. Des discours comme Mehdi pouvait tenir, avec d’autres, en revendiquant et incarnant une pluralité, ça me semble primordial. Je suis moi-même très engagé dans ces questions, et je pense que ça se ressent dans la série.

Là où le hip-hop se concentre sur les paroles, le punch et l’attitude dans les mots, Mehdi a amené à cet art la notion de mélodie. On pense vite à son travail avec 113, par exemple. En quoi apporter de la mélodie était une révolution dans le rap ?

Je suis complètement d’accord avec ce que tu dis. C’est une recherche ultime et constante dans son travail et toutes les formes que son travail a pu prendre. Et tu as raison, Les Princes De La Ville de 113 est un exemple extraordinairement probant. Mais il faut rendre à MC Solaar ce qui lui appartient. Dans le rap en France, l’art de la mélodie vient en grande partie de son travail avec Cassius et Jimmy Jay (qu’il ne faut pas oublier) sur ses premiers albums. Mais il est vrai que chez Mehdi, il y avait un autre genre d’intention : c’est une création qui va chercher à un autre niveau de beauté dans l’art du sampling ; il avait une vision libre de toute la musique singulière de ce point de vue.

"Lorsque Mehdi est arrivé, ça a complètement modifié les choses, ça rigolait beaucoup plus, on était dans cette mouvance avec son cœur battant, sa chaleur humaine et son hédonisme. C’est ce qu’en tout cas les personnes ont pu témoigner lors de nos échanges pour le film."

Ce qui est touchant dans la série, c’est l’aspect humain permanent. Ça prend au cœur, presque comme si Mehdi était de la famille de tout à chacun. Comment vous expliquez cet impact ?

Vis-à-vis de la série, les deux raisons, c’est que Mehdi avait ce fonctionnement. Par son parcours, c’est évident, il aimait avancer en équipe et en famille. S’ajoute sa façon de mettre en avant l’autre et de se réjouir de sa différence. C’est quelqu’un qui a insufflé cette dynamique, qu’on retrouve dans la Mafia K’1 Fry, Ed Banger ou Kourtrajmé. Il avait aussi une capacité à t’emporter. Lorsque Mehdi est arrivé, ça a complètement modifié les choses, ça rigolait beaucoup plus, on était dans cette mouvance avec son cœur battant, sa chaleur humaine et son hédonisme. C’est ce qu’en tout cas les personnes ont pu témoigner lors de nos échanges pour le film. L’autre raison vient de moi. C’est-à-dire que tous les gens qui sont présents dans le film, je les connais depuis 20 ans minimum. J’ai travaillé avec quasiment tous ces artistes. Donc, je ne filme pas ces personnes et ne capte pas leurs mots comme un observateur. Quand on se pose avec les caméras, les lumières et le set de tournage, c’est un échange humain entre des amis. J’ai pris énormément de temps avec chacun des interlocuteurs. Dans les captations, souvent, tu vois les interviewés habillés de plusieurs manières différentes, parce qu’elles ne sont pas faites au même moment. Dans mon film, tu remarques que c’est tout fait d’un trait. C’est un voyage que tu fais avec ces gens, durant des journées entières dans ce cas. On parle entre amis, en famille de notre amour pour ce frère parti trop tôt. Voilà pourquoi tu te retrouves dans ce que tu vois. Par exemple, Thomas VDB a dit qu’après avoir vu la série, "il voulait prendre les gars du 113 et toute la mafia dans les bras pour lui faire un câlin". C’est génial ce genre de commentaire parce que c’est ce que moi je fais ! [Rires] Je ne me suis pas rendu compte qu’à la fin de chaque échange, on s’est pris dans les bras d’amour. C’est comme tu dis, c’est vraiment un dimanche en famille ! Une famille incroyablement variée, sincère et riche en histoire. Ça porte la série de la manière la plus humaine et belle possible, qui se traduit par une générosité dans les témoignages des personnes qui y ont participé, dans les retours qu’on me fait. C’est un niveau de candeur que je n’ai jamais vu. C’est magnifique !

On dit de Mehdi qu’il était un "visionnaire", qui aurait pu anticiper ou voir dans la musique ce que les autres n’ont jamais vu ?

C’est clair musicalement et artistiquement, je pense. C’est quelqu’un qui envisageait son travail, sa création et son mode de vie sur la longue durée et le plus loin possible. Il était passionné par les histoires artistiques fortes, comme celle de Jimmy Hendrix, des Beatles ou de Scorsese. Même après des milliers d’heures où on a parlé ensemble, je ne l’ai jamais entendu dire : "Nous, notre patrimoine, ça sera ça". En revanche, je l’ai toujours entendu et vu pratiquer dans des lectures de création de patrimoine. J’entends par là, mettre du sens, comprendre et s’interroger sur ce que l’histoire. Par exemple, on jouait toujours à un quizz quand on prenait le train. Un jeu sur la musique noire américaine. Nos compagnes respectives allaient dans un autre wagon tellement elles n'en pouvaient plus. C’est te dire le niveau d’implication dans lequel on était en jouant ! [Rires] Mais ce n’était pas un quizz pour dire : "Je connais ce fun fact". On cherchait à décortiquer une anecdote, un mouvement, un son, un artiste et à aller chercher le pourquoi véritable de ce qui a fait la Motown, un album culte ou une trajectoire. Un des trucs qu’on aimait regarder et échanger, c’était une série qui s’appelle Americain Music Masters de PBS dans laquelle des ingénieurs sons, créateurs, paroliers, compositeurs vont se rassembler pour expliquer en détail le processus créatif d’un projet musical historique. Par exemple, des Pink Floyd ou de Michael Jackson. Dans cette lignée, DJ Mehdi avait vraiment une vision unique, aussi bien entrepreneuriale qu’artistique.

"Nous préparons la sortie de nouveaux maxis et des disques. Notamment un album commun entre DJ Mehdi et Pone."

Est-ce qu’il a des instrus ou des morceaux encore de côté, le cas échéant, est-ce qu’un jour on pourrait les entendre ?

Tu es la première personne à me poser cette question ! Mehdi est parti depuis 13 ans, on n’a rien vu de sa musique depuis, et les quelques hommages qu’il y a pu avoir. C’était assez discret. Il y a eu une sorte de pudeur mystérieuse concernant son catalogue. Mais il s’avère qu’il y a un assez grand nombre de morceaux qu’il a composés qui ne sont pas des démos, mais bien des sons terminés. Des choses pour OGB, pour mes premiers films, des demandes pour des rappeurs américains. En faisant cette série, j’ai énormément fouillé, il y a eu un travail de recherche important. Ce qui fait qu’aujourd’hui, j’ai de Mehdi beaucoup de titres, bien identifiés selon ses périodes. Pedro Winter de Ed Banger également a pas mal de choses ! À plusieurs reprises, nous avons échangé à propos de ça. Et j’irai même plus loin, car je te dirais que j’ai fait renaître le label Espionnage, à travers lequel je réédite d’anciens albums et projets. Mais, surtout, nous préparons la sortie de nouveaux maxis et des disques. Notamment un album commun entre DJ Mehdi et Pone. Ainsi qu’un projet dont je ne peux pas encore te parler, qui va sans aucun doute étonner et poser une question principale qui sera : d’où viennent ces musiques ? C’est magnifique d’avoir cet héritage qui ne s’arrête pas à des projets déjà existants. C’est une chance incroyable !

Quels retours vous avez eu de ce film documentaire ? Quelques-uns qui vous ont marqués ?

Déjà, je ne m’attendais pas à un tel retour ! Plus encore, à ce que ça soit aussi unanime, rapide et si large. J’ai mis tout ce que j’avais dans cette série. J’ai mis démesurément tout ce que j’étais capable de faire. Rien que la musique, j’ai fait composer une bande son originale par Thomas Roussel avec un orchestre, comme pour un film prévu pour le cinéma. Malgré tout, je suis complétement emporté par le phénomène d’audience. La chaîne Arte me dit que c’est un record de visionnage, Drake qui reposte mon travail, Kid Cudi qui fait 6 ou 7 posts sur la série en disant que c’est le meilleur documentaire musical qu’il ait jamais vu. Je vois, dans la variété des accueils, qu’ils sont dithyrambiques et unanimes… C’est juste fou ! Je n’aurais même pas rêvé d’un tel phénomène ! Parce que ça semble traverser toute la société (dans toutes ses strates) et toutes les générations de la même manière. Ça semble réunir tout le monde dans un mouvement commun et global positif. C’est complètement dingue !

Qu’aimeriez-vous dire à Mehdi aujourd’hui ?

Pas facile ce que tu me demandes. Qui plus est, tu me prends au dépourvu. Ce qui me vient de manière très égoïste, c’est : "Tu me manques". Mais au-delà, j’aimerais lui dire : "Regarde comme tu manques au monde". C’était quelqu’un d’humble, il me disait souvent qu’il n’avait pas de talent particulier, que n’importe qui pouvait faire ce qu’il faisait, que son travail était dispensable. Il n’avait pas conscience à quel point il touchait et unifiait les gens pour ce qu’il était et par son travail. Et à mon humble échelle, je suis très fier que, par mon film, je puisse lui rendre l’importance qu’il a encore aujourd’hui dans l’art, et réanimer les liens et les ponts entre ceux qui l’entouraient d’un point de vue humain.

C’est quoi la musique pour vous ?

C’est une des expressions les plus profondes, puissantes et naturelles de la créativité de l’être humain. Ça le distingue de beaucoup d’êtres vivants, car il a une spécificité primale de produire de la musique avec conscience. C’est une des langues les plus universelles. Le 7e art est ma forme d’expression préférée ; néanmoins, hors de mon métier, la musique est centrale. Je ne connais pas meilleur vecteur d’émotion que ce support. Et l’émotion, c’est ce qui nous fait vivre.

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