INTERVIEW

Solann : "J’appréhende la scène avec de plus en plus d’impatience."

Publié le

18 juin 2024

Solann a su conquérir son public avec ses mélodies ensorcelantes et les sonorités de son ukulélé. Sorti le 19 janvier dernier, son EP Monstrueuse réunit références à la mythologie et dimension théâtrale avec ses 6 titres, dont le single à succès "Rome". Le 19 juin prochain, cette "sorcière réconfortante", comme aime à se définir l'artiste de 24 ans, sera sur la scène de La Cigale.

Solann ©Léa Costa

Après un rendez-vous téléphonique, nous rencontrons Solann à l’hôtel Sofitel Paris Le Faubourg (Paris VIIIe) pour quelques portraits romantico-ésotériques, à l’image de son univers. L’artiste d'origine arménienne revient sur sa passion pour les histoires et les contes, son rapport à la célébrité et sa définition de la sororité.

Dans votre bio Instagram, vous vous définissez comme une "sorcière réconfortante", pourquoi ?

Ce sont deux termes assez larges et je sais que ça parle assez rapidement. "Sorcière" parce que j’ai été un peu élevée dans un côté ésotérique et aussi pour mon amour les histoires. "Réconfortante" parce que je sais qu’il y a certaines chansons qui sont assez douces.

Quelques noms d’artistes qui vous inspirent ?

Je suis assez inspirée par Barbara, Björk, Hozier et Aznavour.

Vous êtes d’origine arménienne, c’est une origine dont vous êtes fière et qui est très importante pour vous. A-t-elle un impact dans votre musique et la personne que vous êtes ?

Je pense que ça se ressent parfois dans ma musique et dans mes mélodies, comme j’ai grandi avec les sonorités arméniennes et beaucoup de berceuses, ce sont des harmonies différentes. Et forcément, c’est une origine qui m’affecte un peu tous les jours aussi parce que j’en parle avec ma famille, et parce qu’il y a une culture qui reste.

Votre EP s’appelle Monstrueuse. Sur Instagram vous avez confié : "J’ai toujours préféré les monstres dans les contes, ils sont beaucoup plus intéressants que les héros", pourquoi ?

Dans les contes, les monstres ont plus de profondeur. Souvent, ils représentent tous les maux d’une époque, c’est toujours beaucoup dans la symbolique. Une gorgone est beaucoup plus intéressante que Percée, toujours plus que le héros, parce qu’il y a plus de choses à dire, il y a plus de souffrances, il y a plus d’histoire, plus de mystère, et je trouve ça plus intéressant.

"J’ai la chance d’être très bien entourée, mais dans le milieu de la musique, je ne suis pas du tout sociable, j’esquive un petit peu le côté mondain."

Vous évoquez des thématiques importantes dans votre EP : les rapports de pouvoir, la violence dans le couple, le patriarcat ou encore votre rapport complexe au corps. J’imagine que vos textes sont inspirés de votre histoire personnelle, comment abordez-vous l’écriture de vos chansons, est-ce que vous arrivez à mettre une distance avec vos textes et votre histoire ou c’est justement la proximité que vous recherchez en tant qu’artiste ?

C’est la proximité je pense, même quand j’écris mes chansons. J’ai besoin de les écrire, besoin qu’elles sortent comme quand on a besoin d’aller chez la psy pour faire sortir quelque chose ou d’appeler sa meilleure amie pour ne pas le garder en soi. Souvent justement, c’est quand je m’en rapproche trop et que c’est douloureux, que je m’en sers dans mes chansons. Ça se remarque très vite mais je parle quasiment qu’à la première personne dans mes textes. Je n’arrive pas à écrire pour les autres ou à chanter les maux des autres.

Solann ©Léa Costa

Dans la chanson "Narcisse", vous parlez de votre rapport à la célébrité et aussi aux rapports de pouvoir. Est-ce que, selon vous, il faut faire des sacrifices et se perdre soi-même pour pouvoir briller aux yeux du public ?

Idéalement, non. Je pense que ça arrive que des personnes soient suffisamment chanceuses et à la fois déterminées pour être acceptées vraiment comme elles sont tout de suite, mais on va souvent nulle part sans compromis. Je ne parle pas de ce dont je parle dans la chanson, qui est le fait de coucher avec plein de monde, mais il y a souvent des petits chemins à emprunter quand on veut aller où on veut. Dans "Narcisse", c’est un peu un personnage à la Sarah Bernhardt, ce n’est pas moi, ça parle de ma peur de vieillir, de ne plus être désirable. C’est quand même un métier où on a besoin des yeux des gens, des oreilles des gens, de l’attention des gens, et je sais très bien qu’en tant que femme, ça passe énormément par le physique, ou la prestance, ou encore la jeunesse. L’idée de perdre tout ça me fait très peur mais je passe quand même à travers un personnage plus âgé qui a beaucoup plus vécu, je ne parle pas exactement de ma vie à moi.

"J’ai toujours été fascinée par la mythologie et par les contes."

Dans votre EP, il y a une réelle dimension théâtrale et poétique avec de nombreuses références à la mythologie grecque et à la tragédie. Pourquoi cette passion pour cette époque de la Rome antique ?

J’ai toujours été fascinée par la mythologie et par les contes. La mythologie greco-romaine, c’est celle qui m’a attirée le plus rapidement parce que je trouve qu’elle est particulièrement sanglante. Elle est assez rude mais du coup elle nous parle très vite, surtout quand on découvre cela en étant adolescente. C’est comme tout, les contes utilisent une histoire pour faire passer un message. Passer par la mythologie, par des symboles et des choses assez connues, c’était une façon assez naturelle pour moi de raconter ce que je voulais raconter pour que ça parle aux gens.

Solann ©Léa Costa

Vous jouez d’un instrument, le ukulélé, qui a une place centrale dans votre EP. Pourquoi cet instrument et pas un autre ?

Je l’ai découvert quand j’avais 16 ans. Comme je voyageais beaucoup à ce moment-là, j’étais rarement au même endroit, j’avais besoin de quelque chose de facile à transporter. Un clavier, ce n’est pas ça, une guitare, ça va quand même mais bon, le ukulélé, c’est plus pratique. En plus, c’est très facile, j’ai appris à en jouer en 3 semaines parce qu’il y a quatre accords très simples. Donc au départ, c’était de la facilité et après c’était parce que je me retrouvais dans la sonorité qui est un peu douce, parfois un peu à côté, et j’aime beaucoup.

Qu’est-ce que vous aimeriez que les gens ressentent en écoutant votre musique ?

Qu’ils se retrouvent peut-être dans ce que je dis, que ça les apaise et que ça les soutienne dans le fait qu’ils ne sont pas seuls. C’est un peu bateau à dire mais quand la musique est réconfortante – pas réconfortante dans le sens où tu te complais dans un confort – mais réconfortant dans le sens où tu n’es pas tout seul, je pense que c’est ce qu’il y a de plus doux et de plus fédérateur.

Solann ©Léa Costa

Dans votre titre "Rome", vous jouez avec la dualité de la signification du mot "chienne". Dans un sens, vous vous réappropriez ce terme, vous reprenez le pouvoir, et vous mettez en scène une puissance féminine. Quelle est la définition de la sororité pour vous ?

J’ai toujours vu la sororité comme ce lien qui va, de toute façon, unir toutes les femmes. On peut avoir des différends, on peut avoir certains aspects qui divergent mais à partir du moment où il y a des personnes qui souffrent d’être des personnes – c’est-à-dire d’être des femmes – et qu’on est toutes dans le même panier, j’aimerais ressentir un peu ce lien de : "On se soutient, on verra le reste après".

"J’appréhende la scène avec de plus en plus d’impatience."

Votre prochain concert est le 19 juin à La Cigale, comment abordez-vous la scène ?

Ça me terrifie encore beaucoup parce que je n’en ai pas fait tant que ça en tant que chanteuse. J’apprends encore et je m’excuse toujours beaucoup d’être sur scène, même physiquement je sais que je ne suis pas encore à l’aise. Mais maintenant, je l’appréhende avec de plus en plus d’impatience et je m’amuse un peu plus au fur et à mesure des représentations. Je suis effrayée mais j’ai quand même hâte à chaque fois !

Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu ?

C’était en anglais mais je vais faire la traduction. J’avais demandé à un artiste que j’aimais beaucoup : "Si tu avais un conseil ou une devise dans la vie ?". Il m’avait répondu : "Travaille plus que les autres et ne sois pas un connard". [Rires] J’essaie un maximum de l’appliquer, parfois on ne fait pas trop la limite entre être un connard et juste se défendre soi, essayer de s’assumer et de s’imposer dans une industrie qui ne veut pas forcément de nous, donc il y a une limite assez fine je trouve.

Qu’est-ce que vous esquivez dans la musique ?

J’ai la chance d’être très bien entourée, mais dans le milieu de la musique, je ne suis pas du tout sociable, j’esquive un petit peu le côté mondain.

Votre dernier coup de cœur musical ?

Alors je réfléchis… J’ai redécouvert Balavoine ! Je ne l’avais pas beaucoup écouté quand j’étais petite et là je viens de redécouvrir toute sa discographie. Je suis vraiment très fan ! C’est un peu étrange comme réponse, je pense, mais je viens de le redécouvrir.

Solann ©Léa Costa

Solann sera demain soir à La Cigale.

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