INTERVIEW
Publié le
6 novembre 2023
Direction le cœur du célèbre plateau de Gizeh pour découvrir une installation artistique surprenante…À l’occasion de la troisième édition d’Art d’Égypte, à laquelle 14 artistes contemporains de tous horizons ont répondu présents (JR, Pilar Zeta, Costas Varotsos…), nous avons rencontré Stephan Breuer. Cet artiste français a dévoilé, pile dans l’axe des pyramides, une œuvre révolutionnaire qui propose un dialogue Atemporel entre l'art, la technologie et l'âme humaine, ainsi que 15 œuvres virtuelles. Pour S-quive, l’artiste a accepté de se confier sur la genèse du projet, et son message.
Bonjour Stephan, quel est votre parcours et comment avez-vous atterri au pied des pyramides dans le cadre de la foire Art d’Égypte ?
Mon parcours m'a conduit à explorer les intersections entre l'art, la technologie et l'histoire. J’aime créer un dialogue avec des lieux historiques puissants et des œuvres immatérielles. Lorsque j'ai été invité à participer à l’exposition "Forever is Now III", j'ai pu réaliser un double rêve. Celui d’installer une œuvre dans le désert et d’entrer en résonance avec le monument ultime, les pyramides. Nadine Abdel Ghaffar m’a sélectionné, c’est elle qui a créé ce projet hors norme, et si l’on parle de woman power, je dois dire qu’elle en est un des plus admirables symboles.
Votre œuvre "Temple •I•" semble défier le concept d'atemporalité en intégrant des technologies modernes telles que la blockchain et l'intelligence artificielle émotionnelle. Que pouvez-vous nous dire sur votre désir de confronter l’Histoire et la technologie ?
L’atemporalité pour simplifier signifie que : bien que tout change, rien ne change. Ainsi j’ai envisagé d’explorer les mêmes idées que les égyptiens antiques mais avec les technologies actuelles. Et la Blockchain, qui est une base de données, permet de mémoriser chaque interaction de l’œuvre. J’ai inversé le triangle car je ne souhaitais pas que ce monument d’un nouveau type célèbre un roi unique mais chaque personne qui entre en contact avec l’œuvre. Poap (Proof of Attendance Protocol) est une technologie qui permet d’émettre un token enregistré sur la blockchain et, avec une puce NFC (Near Field Communication), le public scanne l’œuvre avec son téléphone de façon super intuitive, et reçoit en retour un Poap et une œuvre digitale offerte. Ainsi, ils repartent avec une mémoire digitale de cette rencontre, le Poap est nommé "You Are in the Axis" et "TEMPLE •I•" développe également une mémoire de chaque rencontre. "TEMPLE •I•" est une nouvelle forme de sculpture qui intègre une intelligence digitale. Grâce à ce Poap le public peut accéder aux différentes dimensions digitales de TEMPLE •I• et y découvrir notamment une collection d’œuvres digitales, réalisées en collaboration avec la plateforme d’art digital DANAE.IO, nommée "Higher Consciousness".
“Ce qui m’importe avant tout c’est l’aspect poétique des technologies, nous sommes entrés dans cette nouvelle ère, et je cherche des éléments poétiques et émotionnelles au sein de ce magma.”
Comment "Temple •I•" parvient à allier Atemporalité avec les avancées technologiques actuelles, et quel impact pensez-vous que cela a sur l'art contemporain ?
Les artistes dit “traditionnels” ne comprennent rien aux nouvelles technologies tout comme la majorité du monde de l’art qui fonctionne tel un dinosaure avec ses foires et autres vieux systèmes qui n'existent que pour les marchands. Tout est devenu extrêmement normé et les artistes de la nouvelle génération ne sont pas intéressés par ce fonctionnement ultra capitaliste et totalement pipé. Le vrai travail aujourd’hui ne consiste pas simplement à créer une œuvre, l’exposer dans une galerie et la vendre. Il faut inventer de nouveaux systèmes plus sophistiqués, c’est ce que permettent ces nouvelles technologies, chaque artiste a aujourd’hui la possibilité d’inventer son propre système et de passer outre les barrières du système archaïque et extrêmement prétentieux du monde de l’art actuel.
En parallèle de cette œuvre physique positionnée dans l’axe des pyramides, vous avez également dévoilé 15 œuvres digitales, à collectionner sous format NFT. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La surface or de l’œuvre fait référence aux icônes dans l’histoire de l’art mais aussi au mot "icône" dans le monde digital. Donc l’œuvre doit exister dans les deux mondes, autant dans le monde physique que dans le monde digital. "Higher Consciousness" est une méditation visuelle, vous pouvez acquérir les œuvres mais aussi les admirer gratuitement sur le site de DANAE.IO, la plateforme d’art digital avec qui j’ai travaillé sur ce projet. C’est un travail extrêmement minutieux et je vous invite tous à aller les voir si vous voulez penser à autre chose et voyager dans un monde infini de nuages.
"Les monuments de demain ne seront pas construits par des blocs de pierres mais par des blocs de datas. "
Comment pensez-vous que cette expérience hybride redéfinit les frontières de l'art, et qu'est-ce que cela signifie pour l'avenir des œuvres immersives et interactives ?
Nous sommes à un tournant, pour parler comme les "intellos" de l’art, un nouveau paradigme. Aujourd’hui les artistes ont la possibilité d’une part de créer de nouveaux systèmes mais aussi de nouveaux mondes… C’est surpuissant.
Votre œuvre "Temple •I•" explore le concept du "Sublime" à travers l'imposante toile de fond des pyramides de Gizeh. Comment pensez-vous que cette rencontre entre l'art contemporain et la technologie contribue à élargir notre compréhension de la spiritualité dans un monde de plus en plus numérique ?
Ce travail sur les icônes cherche à se connecter au divin bien sûr, je ne vais pas m’en cacher. Il y a une quête spirituelle très forte dans mon travail, je pense que les artistes, contrairement aux scientifiques, percent les secrets de l’univers sans avoir besoin de le prouver rationnellement par des équations mathématiques. Les monuments de demain ne seront pas construits par des blocs de pierres mais par des blocs de datas (de données).
Avez-vous un message à faire passer ?
Le message est toujours le même et 2000 ans plus tard il n’a toujours pas été compris, il est pourtant clair comme de l’eau de roche : "Aime ton prochain comme toi-même".
Pour admirer les œuvres de Stephan Breuer : https://danae.io/ ou à Art d’Égypte jusqu’au 17 novembre prochain.