MUSIQUE
Publié le
14 juillet 2022
Depuis plus d’un mois et jusqu’au 30 juillet prochain, le festival des Nuits de Fourvière résonne dans le théâtre antique de Lyon. L’édifice emblématique adossé à la colline de Fourvière vibre chaque été au rythme de la musique et du spectacle vivant depuis 1946. Patti Smith, Juliette Armanet, Sofiane Pamart, Gaël Faye… Retour sur les concerts qui ont marqué cette édition 2022.
Au-delà de sa pluridisciplinarité, le festival des Nuits de Fourvière doit sa notoriété à son éclectisme affirmé, avec pour seule boussole la qualité artistique. Depuis plus d’un mois et jusqu’au 30 juillet, Moderat,-M-, Chilly Gonzales, Ibeyi, le duo de guitare Rodrigo y Gabriela et bien d’autres se confondent dans un fabuleux décor de pierre historique. Niché sur les hauteurs de la ville de Lyon, le Théâtre antique est l’un de ces endroits qui traversent le temps. L’ère de Lugdunum n’est pas si lointaine, et dans ce décor intemporel, trois concerts, dépeignent trois perspectives différentes.
De longs cheveux blancs ondulés tombant en cascade sur une parure noire… Patti Smith, l’iconoclaste, ne laisse personne indifférent. Devant la scène, les fans de la première heure —veste en cuir sur le dos — tiennent leur rang. “People have the power”, “Gloria”… La poétesse et musicienne enchaîne ses morceaux cultes, épaulée par son fils, Jackson Smith, à la guitare et sa fille, Jesse Smith, au piano. Un éclair de grâce foudroie l’arène lorsque cette dernière entame les premières notes du mythique “Because the Night”. A 75 ans, la déesse du punk continue d’insuffler une énergie dévorante à tout un public qui entonne ses chansons avec ferveur. Une prestation d’anthologie dans un lieu légendaire, à l’image de cette artiste.
Place à l’incandescente Juliette Armanet. Vêtue d’une combinaison scintillante, la nouvelle reine du disco français éblouit littéralement l’arène. Soufflant le chaud et le froid, Juliette Armanet alterne entre mélancolie assumée et joie de vivre contagieuse. Tout à la fois, elle se déchire au piano puis s’enflamme, cheveux au vent, sur “Qu’importe”. Rappelant la scénographie de “Get Lucky” des Daft Punk, l’atmosphère de la scène est chaleureuse mais surtout bouillonnante. Le public doit redoubler d’énergie pour suivre celle de la chanteuse, inarrêtable, embrasant la scène comme lors de “Brûler Le Feu”. Puis l’espace d’un instant, tout s’arrête, Juliette Armanet se met au piano, joue “Le Dernier Jour du Disco” reprend son souffle et nous avec. La fille cachée de Sanson et Berger prouve à nouveau qu'elle est la digne héritière d’une époque pas si révolue. Un moment suspendu.
Suite logique de ce moment en suspens, Sofiane Pamart fait courir ses doigts sur son piano aussi vite qu'il a dépoussiéré le classique. Celui qui rassemble autant les amateurs du genre que les rappeurs bouscule les codes autant qu’il émeut. Chapeau de velours vissé sur le crâne et chemise bariolée, le virtuose embarque le public avec ses accords doux et nostalgiques. Dans ce décor qui le sublime, l'autoproclamé « Piano King » n’a plus besoin de jouer les équilibristes tant il envoute son public par la justesse de son jeu. Puis, l'artiste s’évapore aussi rapidement, quittant la scène avec sobriété, laissant derrière lui une étrange magie flotter dans l’air.
Pas de paillettes ni de veste en cuir, ce jeudi-là, Gaël Faye entame le Lundi Méchant. A Bujumbura, ville natale de l’artiste et capitale du Burundi, une petite boîte de nuit propose de faire la fête les lundis pour ne pas céder à la morosité de la routine. A l’instar de ce concept, Gaël Faye nous sort de notre torpeur et offre un rap endiablé, teinté d’un sens de la dramaturgie assumée comme lorsqu’il fait l’éloge modeste de sa femme, une “Cléopâtre réincarnée”. Avec une énergie prenante, il nous entraine dans ses couplets poétiques et cinglants, entrecoupé par un petit bain de foule. On en ressort galvanisés, avec le courage nécessaire pour affronter tous les méchants lundis à venir.