ARTS
Publié le
14 novembre 2023
Jusqu’au 17 mars prochain, l’Institut du monde arabe se transforme en palais des mille et une senteurs. Sa toute nouvelle exposition événement, "Parfums d’Orient", propose au visiteur une expérience immersive tout en raffinement et en délicatesse. Vue, ouïe et odorat sont convoqués tout au long du parcours : un voyage sensoriel à travers l’histoire de la culture orientale du parfum. Reportage.
"On en prend plein la vue, et aussi … l’odorat !", s’exclame une visiteuse d’origine berbère. Accompagnée par sa petite sœur, l’aide-soignante passionnée de parfumerie peine à sortir de l’exposition. Il faut dire qu’un charme opère très vite sur les sens. Sur plus de 1000 m2, chaque spectateur vit une expérience unique, au gré des odeurs d’épices et de fleurs, des photographies bigarrées, et des dispositifs sonores qui jalonnent le parcours. Un voyage exclusif, qui réserve bien des surprises.
On pénètre dans l’exposition comme dans une alcôve… Des grands panneaux diffusent une vidéo de la cueillette des fleurs de safran au Maroc, une musique techno-orientale minimaliste invite à la contemplation, et déjà, quelques senteurs discrètes nous parviennent. Les visiteurs — surtout des femmes — déambulent en silence à travers les salles plongées dans une semi-obscurité. Les dispositifs mis en place donnent l’impression de pénétrer dans un laboratoire de parfumerie, et pourtant, il n’y a aucune odeur entêtante ni aucun bruit parasite. Tout est fait sur mesure pour et par chaque visiteur : s’il appuie sur un bouton, l’odeur choisie sera diffusée quelques secondes sous son nez. Odeurs animales avec le musc et l’ambre gris, florales avec le jasmin et la rose de Damas, ou encore boisées avec le bois de oud et le camphre… Il y en a pour tous les goûts ! A chaque fois, un cartel explique la provenance de la senteur. Dans une ambiance "cabinet de curiosité", on apprend notamment que l’ambre gris provenait des intestins des cachalots, avant qu’on ne parvienne à le synthétiser chimiquement. Retour aux odeurs plus agréables : à la fin de l’exposition, on peut recueillir une ou deux gouttes de la fragrance "Secret d’Alcôve", créée spécialement pour l’exposition par Christopher Sheldrake, nez de la maison Chanel ! Divin…
Aux côtés de manuscrits et de fioles venant de la Syrie ou de l’Iran du Xe siècle, grands classiques des expositions sur l’Orient, le visiteur découvre aussi des œuvres d’artistes contemporains. Pour la plupart, il s’agit d’œuvres commandées par l’Institut du monde arabe pour l’événement. Modernes et colorées, elles diffusent soudain un parfum d’engagement politique. La série de photographies d’Eman Ali immortalise avec poésie la cueillette des roses dans les montagnes à Oman : ce travail délicat est, en effet, effectué par un grand nombre de femmes du pays, qu’elle met ici à l’honneur. Les artistes exposées dénoncent aussi la façon dont l’art occidental a construit la femme orientale comme icône de beauté. Les photographies de l’artiste franco-marocaine Majda Khattari choisissent de pervertir ce regard. Sa série "Orientalisme" met en scène une femme orientale lascive, allongée sur une banquette couverte de brocards, la tête couverte par un voile. Avec Bavardages, l’artiste s’inspire des tableaux d’odalisques, qui avaient un grand succès en Europe à la fin du XVIIe siècle, et que Boucher ou Ingres représentèrent à maintes reprises. Sur la photographie, les deux femmes fixent la caméra, dans une ambiance mi-harem mi-boudoir. Une fin d’exposition aux notes épicées de féminisme !
"Parfums d’Orient" à l’Institut du monde arabe (Paris Ve) jusqu’au 17 mars prochain.