INTERVIEW

Lujipeka : "Cet album, c’est aussi brûler pour reconstruire."

Publié le

30 octobre 2025

Quatre ans après Montagnes Russes, Lujipeka revient sur le devant de la scène avec Brûler Paris, un deuxième album aussi intime que percutant, sorti le 3 octobre dernier sur son propre label SWA. Né d’une période trouble pleine de remises en question, ce disque marque une véritable renaissance, celle d’un artiste qui a choisi de tout brûler pour tout reconstruire. Entre rupture, solitude et quête de soi, Lujipeka se dévoile à son public sans filtre, plus sincère que jamais, à travers 13 titres profondément personnels. Après plus de 500 000 albums vendus depuis ses débuts, une tournée de 120 dates pour son premier projet en solo et deux longues années de silence, "l’enfant terrible" de Columbine revient grandi, toujours les pieds sur terre, sans jamais renier le feu qui l’habite. Le rappeur rennais prépare une nouvelle tournée de 30 dates, qui se terminera en apothéose avec un premier concert à l’Accor Arena le 7 novembre 2026. Rencontre avec un artiste qui a choisi de tout brûler, pour mieux se retrouver.

Lujipeka ©Enzo Lefort

Votre deuxième album Brûler Paris est sorti le 3 octobre dernier. Qu’est-ce que ce titre signifie pour vous ?

Souvent, je l’explique par l’idée de brûler des illusions, tout ce que peut représenter métaphoriquement Paris. Ce n’est pas vraiment brûler la capitale mais plutôt ce qu’elle représente. Venir de Rennes à Paris, rencontrer de nouvelles typologies de personnes, a un peu questionner mon rapport à mes racines, d’où je viens et ce que je fais. Comment je suis perçu dans cette ville où tout va vite, où tout est très différent de ce que je connais. Il signifie également mon rapport aux relations que j’ai eu dans cette ville. C’est un album qui parle de rupture, d’en finir avec plein d’étapes de ma vie. C’est aussi brûler pour reconstruire.

Dans cet album, vous parlez de sujets intimes comme la rupture, l’amour dysfonctionnel, le rejet ou encore la solitude. La musique est-elle pour vous une forme de thérapie ?

Oui et particulièrement sur ce projet. Elle a toujours eu un peu ce rôle, mais cet album est arrivé dans une période où je me questionnais, où j’avais perdu un peu le sens de pourquoi je fais de la musique. Ça m’amusait moins de faire des morceaux juste pour le kiff, je voulais raconter quelque chose. C’est une période où je n’étais pas bien, où j’avais perdu confiance, où je me questionnais sur qui j’étais. Dans cet album, toutes les chansons racontent quelque chose de personnel, il y a un fil conducteur. Une fois que je l’ai fini et qu’il est sorti, je me suis senti débarrassé de quelque chose.

Est-ce que ça a été difficile pour vous de vous mettre à nu dans ce projet ?

Je n’ai jamais fait de la musique hyper pudique, mais là je me donne beaucoup. Quand l’album est sorti, il est possible de m’être senti gêné de certaines choses qui ont été dites, mais je me rappelle toujours qu’au moment où je les ai dites, j’en avais besoin. C’était pour m’aider et je n’oublie pas ça. Ce serait trop facile si, une fois que ça va mieux, je remettais en question le chemin parcouru pour y arriver. Je ne fais pas de musique pour la laisser dans un disque dur. J’écoute tout ça en me disant que j’ai évolué. Je suis vraiment fier de ce projet.

"Quand tu veux faire ton trou dans un milieu créatif à Paris, tu vas faire face à beaucoup d’injustices et de jugements. Il faut réussir à en faire une force, et toujours revendiquer d’où tu viens."

Après dix ans de succès, vous avez décidé de faire une pause. Qu’est-ce qui a été le plus marquant pendant cette période ?

Le fait de sortir du personnage. Même si mon alter-égo artistique est très proche de ce que je suis, je n’avais jamais trop connu le fait de ne plus être en tournée ou en promo. Ça a été un retour brutal à la réalité. Je n’avais jamais vraiment eu ces petits moments de déprime post-tournée, et là je me suis tout pris en pleine face. Pendant cette période, j’ai appris à passer plus de temps seul pour savoir ce que je voulais vraiment faire. Je me suis retrouvé sur pleins de choses. Je ne veux pas être trop cliché, mais j’ai appris à vivre simplement tout seul, sans le prisme de la célébrité.

Que diriez-vous à quelqu’un qui habite en province et qui souhaite s’installer à Paris pour vivre ses rêves ?

Que c’est important car c’est là où tout se passe. Maintenant, on dit qu’on peut péter en venant de n’importe où mais le chemin sera plus long. Il faut s’accrocher et y aller. Dans l’album, je parle de la jeunesse dorée et du népotisme que j’ai constaté dans les soirées parisiennes. Quand tu veux faire ton trou dans un milieu créatif à Paris, tu vas faire face à beaucoup d’injustices et de jugements. Il faut réussir à en faire une force, et toujours revendiquer d’où tu viens.

Lujipeka ©Enzo Lefort

Avec ce nouvel album, vous n’avez pas peur de retrouver ce qui vous avait justement dégouté ?

Le fait d’avoir fait cet album m’a fait prendre beaucoup de recul et m’a fait faire un travail d’analyse. J’ai évolué donc certaines choses ne m’impressionnent plus. J’ai les pieds sur terre. Ça ne me fait pas peur, au contraire, j’ai envie d’aller titiller tout ça en mode provoc aujourd’hui.

Vous avez créé un compte Instagram privé au nom de l’album pour raconter sa création et vous avez aussi dévoilé 20 éditions limitées, chacune dédiée à une ville en particulier. Pourquoi c’était important pour vous d’aller au-delà de la "simple sortie du disque ?

Comme le projet est important pour moi, je voulais marquer le coup. Je souhaitais construire et expliquer le concept aux gens pour faire en sorte qu’ils comprennent. Après ma pause de deux ans, j’ai voulu faire honneur à ce projet et prendre le temps de me rebrancher avec les gens.

"Mon début en solo a marqué le début de l’âge adulte, mais 'l’enfant terrible', je l’ai toujours un peu en moi."

Est-ce une manière de valoriser le lien que vous entretenez avec votre public ?

Je trouve que ça va avec ma musique. Je me suis demandé à un moment si je n’avais pas envie d’une direction artistique plus mystérieuse, en étant moins sur les réseaux. Mais naturellement, j’y reviens toujours car j’aime discuter avec les gens qui écoutent ma musique. J’aime donner. C’est comme ça que j’aime faire les choses. Je n’ai pas envie de me trahir juste pour paraître esthétique. Surtout avec cet album où je donne énormément, ce serait paradoxal d’être archi fermé envers mon public.

Vous allez débuter une tournée de 30 dates dans toute la France à partir de février 2026, avec une dernière date à l’Accor Arena. Est-ce que vous l’appréhendez différemment ?

Oui, un peu. Ça a toujours été quelque chose d’assez central pour moi. Avec l’album Montagnes Russes, j’ai fait 120 dates, là j’ai souhaité baisser un peu le rythme et surtout ajouter une date de fin. Je sens que j’ai pris en expérience, je sais ce que je veux en termes de direction musicale. Je vais aussi retourner à mes bases. Même si l’album est triste, j’ai envie de transformer l’énergie pendant les concerts, je ne veux pas que ce soit morose. C’est une phase que j’ai cristallisé dans l’album, mais je veux que tout ce qu’il y a autour soit positif.

Vous étiez souvent surnommé "l’enfant terrible" à l’époque de Columbine. Pensez-vous que ce surnom soit toujours en phase avec ce que vous êtes aujourd’hui ?

Oui et non. J’ai cassé cette image d’enfant ou d’ado qui représentait Columbine. Mon début en solo a marqué le début de l’âge adulte, mais "l’enfant terrible", je l’ai toujours un peu en moi. Dans l’album, je parle aussi de mon rapport à l’enfance et l’adolescence, avec le personnage d’Antonio, par exemple. C’est quelque chose qui colle encore à la peau aujourd’hui.

Qu’est-ce qu’il faudrait esquiver dans la musique selon vous ?

Être trop stratégique. Il faut remettre l’art au premier plan, et ne pas penser au marketing trop vite. On pense toujours à comment faire marcher son projet mais au moment de la création, il faut s’affranchir et esquiver toutes les idées qui sont extra-musicales.

"Brûler Paris", Lujipeka, disponible partout.

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