INTERVIEW
Publié le
8 avril 2025
Chanteuse, rappeuse, pop star, auteure-compositeure… Nombreux sont les adjectifs qui pourraient qualifier Lexie Liu. Depuis l’âge de 17 ans, l’artiste chinoise s’est fait un nom en Asie notamment grâce à sa participation aux télécrochets "K-pop Star 5" et "The Rap of China". À l’inverse des K-pop idols telles que Jennie ou Taeyeon, Lexie Liu se distingue par son désir de rester indépendante. Un choix qui lui a permis de garantir sa liberté artistique qu’elle distille à travers différents styles. Hyperpop, électro, rock alternatif, rap… L’artiste n’a cessé de prouver son éclectisme dans ces quatre projets : les EP 2030 (2019) et Gone Gold (2021), et les albums Meta Ego (2019) et The Happy Star (2022). Une approche avant-gardiste et une redéfinition des frontières des genres, que l’on retrouve aussi à travers son apparence. Si Lexie Liu a su séduire les auditeurs avec sa musique, elle a également conquis le monde de la mode grâce à une esthétique visuelle forte, la hissant au rang des rares it girls. Rencontre avec une artiste authentique qui n’hésite pas à s’affranchir des codes qu’on lui impose.
Vous avez dévoilé votre nouveau single, "Pop Girl", le 19 mars dernier. Pouvez-vous nous parler de ce titre et de la direction que vous avez souhaité prendre ?
Je souhaitais faire un morceau sur lequel les gens peuvent danser, un morceau qui leur donne confiance en eux. Il y a également une partie du titre qui est plus introspective. Je parle de l’anxiété que m’ont causé les réseaux sociaux. Quand tu es une artiste, on attend de toi que tu te montres constamment sur les réseaux sociaux, en étant toujours bien apprêtée, dans le but de te promouvoir toi-même et ta musique. Mais les réseaux sociaux ne montrent que les facettes les plus reluisantes de la vie de quelqu’un. Quand les gens scrollent sur leurs écrans, ils peuvent parfois se sentir anxieux et perdre confiance en eux face à ça. Je voulais parler de cette problématique pour ne pas qu’ils se sentent seuls. C’est en quelque sorte un titre d’affirmation de soi déguisé.
Votre travail a été mis en lumière lorsque vous étiez assez jeune. Quel est votre rapport à la célébrité ?
C’est une grande question ! Je ne pense pas que je me sois déjà perçue comme une personne célèbre. Je ne suis pas encore au stade de me sentir épiée à chaque fois que je sors dehors. Je n’ai pas encore vécu le fait d’être photographiée par des paparazzis quand je vais au supermarché. Je ne suis pas une idole, je suis plutôt une artiste indépendante qui est extrêmement chanceuse de recevoir autant d’attention. J’ai une relation d’amour-haine avec la célébrité mais je ne pense pas encore être réellement concernée.
Pourquoi avoir choisi de rester indépendante ?
Je pense que le fait de rester indépendante m’apporte un meilleur contrôle au niveau de ma créativité. Au début de ma carrière, je souhaitais signer chez un gros label. Mais lorsque je suis allée au rendez-vous, je me suis rendue compte que le label avait déjà préparé un plan pour que je devienne une grande pop star. Il souhaitait que je chante et que je m’habille d’une certaine manière, mais ce n’était pas ce que je voulais faire. Alors j’ai choisi de rester indépendante pour garder ma liberté. C’est certainement une route plus lente vers le succès, mais je préfère y accéder en restant authentique.
"Dans ma musique, j’essaie d’incorporer les meilleurs aspects de la culture chinoise, comme la spiritualité et l’émancipation des femmes."
Vous mélangez rap, hyperpop, électro ou même rock dans vos chansons. Quelles sont vos inspirations ?
J’écoute énormément de styles différents. J’ai grandi en écoutant surtout de la pop, et ensuite j’ai été influencée par le hip-hop et le R’n’B au moment de l’adolescence. Le rock a également une place importante dans mon inspiration. J’essaye de mixer tout ça dans ma musique. Il y a beaucoup d’artistes qui m’influencent, comme Mickael Jackson, Lady Gaga, Britney Spears ou encore Charli XCX.
Pouvez-vous me décrire votre univers musical en quelques mots ?
Je vais demander à ChatGPT ! [Rires] Il n’a pas produit une très bonne réponse. Il m’a répondu des mots comme : futuriste, émotionnelle, cyber et audacieuse. Je pense qu’il ne me connaît pas assez, ce sont des mots assez génériques. Les deux mots les plus importants qui me viennent sont plutôt l’authenticité et la versatilité.
Vous êtes chinoise et vous rappez en anglais et en mandarin. Quelle place a la Chine dans votre travail ?
Je suis née et j’ai grandi en Chine, alors je suis ce qu’on pourrait appeler une “vraie chinoise” ! [Rires] La culture chinoise a une grande place dans mon travail. Certaines valeurs fondamentales font partie de ma personnalité, comme l’introspection et la discrétion. Dans ma musique, j’essaie d’incorporer les meilleurs aspects de la culture chinoise, comme la spiritualité et l’émancipation des femmes.
Vous vous êtes affranchie des frontières dans tous les sens du terme. Pourquoi est-ce important pour vous de mêler des influences issues du monde entier ?
Justement, c’est en lien avec l’authenticité dont je vous parlais. Même si je suis née et que j’ai grandi en Chine, j’ai été très influencée par les autres cultures. Je suis née à l’ère du numérique et d’Internet, alors j’ai pu observer ce qui se faisait dans le monde entier en termes de musique et de cinéma notamment. J’essaye de m’exprimer comme je le sens, sans vraiment penser à mêler d’autres cultures pour attirer l’attention des auditeurs étrangers. Toutes ces influences font partie de moi.
Pensez-vous la musique comme un vecteur de message ?
Oui bien-sûr, je pense que la musique est un langage universel. Même si on ne parle pas le langage de la chanson, on peut tout de même ressentir le message que l’artiste a essayé de transmettre. C’est un canal très puissant.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique ?
Je n’y ai jamais vraiment pensé, ça a été très instinctif. J’ai toujours aimé écouter de la musique, alors j’ai commencé à faire des reprises de chansons quand j’étais au collège. J’ai ensuite réalisé que je pouvais écrire mes propres paroles et créer mes propres mélodies. J’ai adoré pouvoir m’exprimer à travers cette forme artistique alors je n’ai jamais arrêté de le faire depuis.
Vous êtes souvent décrite en tant que rappeuse. Comment pourriez-vous décrire la scène rap chinoise ?
Je pense qu’on me qualifiait de rappeuse à mes débuts car j’ai participé à l’émission "The Rap of China", qui est très importante pour la communauté hip-hop en Chine. Le rap a commencé à être de plus en plus connu dans le pays grâce à cette émission. Il y a de plus en plus d’artistes rap géniaux, notamment plusieurs rappeuses très fortes.
"Il faut esquiver les artistes qui prétendent être quelqu’un qu’ils ne sont pas."
Quel a été l’impact de cette émission sur vous et votre travail ?
Cette émission m’a fait connaître du grand public en Chine. Je suis très reconnaissante pour cette expérience. Néanmoins, l’émission souhaitait mettre en avant une certaine définition de ce à quoi une rappeuse devrait ressembler, avec un mental compétitif, voire agressif, et des punchlines fortes et rapides. Je ne me sentais pas très confiante car mon rap est plus mélodieux que les autres. J’étais souvent critiquée à cause de mon style jugé comme différent, mais ça m’a donné du courage et j’ai sorti mon premier EP quelques mois après l’émission.
Comment aimeriez-vous que l’on vous décrive en tant qu’artiste aujourd’hui ?
Tant que ce n’est pas une micro définition qui me place dans un seul genre, ça me convient. Chanteuse, compositrice, artiste pop… Je préfère quelque chose de plus générique. Par exemple, je trouve ça bizarre que l’on me décrive en tant qu’artiste rap féminine et non pas juste artiste rap. C’est presque sexiste selon moi.
Vous avez un lien assez étroit avec la mode. Vous êtes ambassadrice Miu Miu, vous avez collaboré avec Saint Laurent ou encore Chanel, vous avez également participé à la fashion week de Paris il y a quelques semaines… A quel point la mode est-elle importante pour vous en tant qu’artiste ?
Je pense que la mode, tout comme la musique, est une forme d’expression de soi. Quand j’étais petite, j’ai toujours voulu être une cover girl. Certains défilés me donnaient envie de pleurer. Pouvoir assister à la fashion week de Paris est un rêve qui devient réalité. J’ai également découvert certaines faces cachées du monde de la mode, qui est un secteur très exigeant. Les designers mettent en avant de plus en plus de standards de beauté différents et rassemblent davantage de communautés. Je trouve que c’est une belle industrie.
Quels sont vos futurs projets ? Des collaborations à venir ?
Je travaille sur plusieurs morceaux en ce moment et j’ai en effet quelques collaborations à venir. Je ne peux encore rien dévoiler, mais je travaille sur mon prochain projet, qui je l’espère sortira cette année ou en début d’année prochaine.
Que faudrait esquiver dans le monde de la musique selon vous ?
Je dirais qu’il faut esquiver les artistes qui prétendent être quelqu’un qu’ils ne sont pas. Les auditeurs le ressentent, ils se rendent compte que la musique ne vient pas du plus profond du cœur.
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