PHOTOGRAPHIE
Publié le
11 mai 2022
Comme chaque année, à Arles, Les Rencontres de la Photographie invitent le spectateur à explorer, expérimenter mais aussi à se recentrer en silence ou non pour trouver sa propre place et son ressenti. Du 4 juillet au 25 Septembre prochain, la 53e édition présentera une quarantaine d’expositions variées qui s’emparent, revendiquent, s’insurgent ou chahutent notre regard. S-quive met en abîme cinq d’entre elles, oscillant entre travail autobiographique, immersion au sein de communautés inclusives ou regard intense sur des vies passées.
De l’Inde au Brésil, de New York à Los Angeles, Les Rencontres de la Photographie d’Arles présentent une nouvelle fois les travaux photographiques et performatifs d’une quarantaine d’artistes du 4 juillet au 25 septembre prochain. Des univers qui s’entremêlent avec soin pour raconter leurs expériences, leurs époques et surtout celle d’aujourd’hui, ponctuée d’incertitudes mais aussi d’émancipation. Si l’iconique artiste Susan Meiselas pose un regard sur les femmes âgées, Daniel Jack Lyons esquisse les portraits d’une communauté LGBT brésilienne alors que Rahim Fortune opère une production résiliante et intimiste.
Avec l’exposition Cartographies du corps, les artistes Susan Meiselas & Marta Gentilucci tracent une carte de la peau et des gestes de femmes âgées, qui évoquent des vies engagées, encore pleines d'énergie et de beauté, qui provient de la superposition de leurs expériences. La New-yorkaise Susan Meiselas et l’Italienne Marta Gentilucci se sont associées pour capturer en images et en sons la force vitale qui habite ces corps, l'intensité de leurs vies passées, et l'espoir tenace de la vie restant à vivre, à l’encontre d’une représentation de la vieillesse comme l’absence d'opportunité, voire comme la maladie, la solitude et les privations. Dans l'église Saint-Blaise, l’installation crée un sentiment de proximité et d'intimité.
Issu du champ de l’anthropologie sociale, connaissant les enjeux sociopolitiques des représentations de l’autre, Daniel Jack Lyons est un photographe américain soucieux de se réinventer. Comme une rivière est le résultat d’une invitation à rejoindre une Maison de la Jeunesse au Brésil, au cœur de la forêt amazonienne. Sur place, il rencontre des jeunes queer et trans partagés entre espoirs et désillusions, corsetés par les traditions et les héritages, qui peinent à affirmer leurs différences au sein de leurs communautés. Daniel Jack Lyons propose de réaliser leurs portraits, en laissant ses modèles choisir le lieu de la séance, les tenues, et les poses, de sorte qu’ils construisent ensemble les images. Lui-même membre de la communauté LGBT, crée un espace sécurisant, ouvrant le champ des possibles quant à la représentation de soi. Comme une rivière — hommage au poète Thiago de Mello, lui aussi né dans la région amazonienne — devient un espace de respiration pour une jeunesse en mal d’exister.
Je ne supporte pas de te voir pleurer débute avec le retour de l’artiste américain Rahim Fortune au chevet de son père malade, et se poursuit malgré le poids du deuil, en même temps que le monde fait l’expérience de la pandémie, et les États-Unis celle du meurtre de George Floyd. Il s’agit d’un travail autobiographique nourri d’histoire, où se jouent la cicatrisation des blessures de l’auteur, et la réduction des fractures du pays. S’il s’inscrit dans la tradition documentaire, c’est dans le souci d’une redéfinition et d’une actualisation de l’image. Le jeune photographe puise dans le courage de la vulnérabilité pour écrire une œuvre intimiste, dans un dialogue permanent avec son entourage. Pour la première fois, aux côtés de ses clichés, il intègre des objets — éléments du patrimoine vernaculaire texan — et des images en mouvement — hommage aux VHS de son enfance.
Entre 1978 et 2001, le photographe d’origine irlandaise Tom Wood, dont la famille s’est installée en Angleterre, arpente Liverpool, en compagnie d’un Leica 35 mm. Il prend le parti de dresser un portrait de la ville et de ses habitants, le petit peuple, une cohorte de gens simples, sans autre ambition que de les saisir à vif. Mais il est aussi l’un d’entre eux – un acteur conscient du rôle émancipateur de la photographie. Rien ne disposait Tom Wood à ce médium. Fasciné d’abord par le cinéma expérimental, il découvre seul la photographie. Un autodidacte, donc, qui restera fidèle à la chimie, au papier et à la chambre noire, mettant en place un registre personnel unique, entre analyse distanciée et empathie, entre document et art, une photographie à l’instinct, qui mêle la rudesse des scènes à la tendresse pour ses personnages.
Entre 1978 et 1989, Mitch Epstein a effectué huit voyages en Inde et pris des milliers de photographies. Il en résulte un vaste corpus où s’exprime de manière personnelle le double point de vue de l’auteur sur une culture particulièrement complexe : pour son travail, il l’appréhende de l’extérieur, et pourtant ses liens familiaux lui permettent de la vivre de l’intérieur. Les images, dont beaucoup sont exposées ici pour la première fois, montrent un vaste ensemble de "sous-cultures" qu’Epstein a pu pénétrer, marquant son expérience approfondie et prolongée de l’Inde, où des mondes distincts convergent. L’installation de l’Abbaye de Montmajour présente des tirages récents de ce travail, ainsi que deux des films sur lesquels Epstein a collaboré, avec la réalisatrice indienne Mira Nair, à l’époque son épouse : India Cabaret (1985) et Salaam Bombay! (1988). Ces travaux rappellent une période qui semble à la fois lointaine et présente, complexe avec ses codes de castes, classes et religions, sources de tensions politiques, mais plus simple sans l’intrusion de la technologie numérique.
Le festival d’Arles se déroulera du 4 juillet au 25 septembre prochain.
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