CINÉMA
Dans “The Who : Pile et Faces”, Christophe Conte nous plonge au cœur de la frénésie électrique du groupe anglais, dont la trajectoire demeure une insoluble interrogation. Sur la voix de Mélanie Doutey, les archives rares et spectaculaires ponctuées d’interviews dressent le portrait inédit de ce quator qui a bousculé tous les genres. Un documentaire à regarder dès le 27 août sur Arte.tv.
Avant de magnifier les frustrations des baby-boomers dans les déluges électriques de titres comme The Kids Are Alright ou My Generation, le quator emmené par le guitariste Pete Townshend, auteur-compositeur de l'essentiel du répertoire des Who, n’était qu’une bande de petits caïds du quartier londonien de Shepherd's Bush. Pour forger leur aura de groupe incendiaire, Pete Townshend, Roger Daltrey (chant), John Entwistle (basse) et Keith Moon (batterie) ont multiplié pistes musicales et virages identitaires. Comment sont-ils parvenus à conjuguer les costards étriqués des mods et l'opéra rock, le pop art et le hard rock, décollant ainsi une à une les étiquettes qu’on leur a accolé tout au long d’une carrière somptueuse, entre 1964 et 1978 ? Devenu porte-voix d’une jeunesse déclassée et revancharde, corsetée par le puritanisme, le groupe sent le vent des tendances tourner. Ils savent par la suite dépasser les querelles de chapelles et rallier tous les suffrages, leurs hymnes tonitruants menant le rock vers des hauteurs rarement atteintes, si ce n’est par les Beatles ou les Rolling Stones. Tour à tour défricheur et sauvage, cinglant et outrancier, raffiné et pompier, leur style continue aujourd’hui à faire des adeptes, et l’onde de choc Who à se propager sur de nombreuses scènes.
C’est à ce groupe, avec ses triomphes et ses échecs, ses frasques et ses flamboyances qui l’auront mené à ce statut de légende exubérante et bruyante qu’est consacré The Who : Pile et Faces - La double vie d'un groupe anglais de légende, de Christophe Conte, journaliste et chroniqueur. En parallèle, de cette histoire tumultueuse, le documentaire raconté par l'actrice Mélanie Doutey se penche sur la personnalité complexe de Pete Townshend et son obsession permanente de faire pénétrer les avant-gardes dans le son atomique des Who. Ancien étudiant en art qui se rêve écrivain ou sculpteur, Townshend revendique rapidement son envie de dépasser le format pop, pour faire des Who le laboratoire d’idées nouvelles. Envolées électroniques, musique répétitive à la Terry Riley, grandiloquence maîtrisée des opéras rock (Tommy et Quadrophonia), albums concept (The Who Sell Out, ses fausses pubs et jingles radio) : il multiplie les audaces sonores, emporté par des intuitions inédites à l’époque. Eclairant son génie comme ses névroses, les interviews du guitariste explosif et musicien explorateur alternant avec des archives rares et spectaculaires. Chronique panoramique d’une génération incendiaire.
The Who : Pile et Faces - La double vie d'un groupe anglais de légende, de Christophe Conte (Fr., 2022, 52 min).