RIVE GAUCHE
Prix Nobel de littérature en 1962, l'écrivain érigé en délégué de la classe ouvrière américaine est de nouveau consacré en intégrant la prestigieuse collection des éditions Gallimard. Quatre de ses romans sont regroupés dans cette publication : En un combat douteux (1936), Des souris et des hommes (1937), Les Raisins de la colère (1939), ainsi qu’À l’est d’Éden (1952).
En ce mois de Mars 2023 qui brûle quasiment autant que celui de Mai 68, La Pléiade se penche sur une étiologie du travail en accueillant dans sa prestigieuse collection l'œuvre d'un pilier de la littérature américaine, reconnu pour changer le peuple en matière littéraire. Né en 1902 en Californie, John Steinbeck décrit le mieux la Grande Dépression, crise économique retentissante au début des années 1930. Doué en mécanique, il emploie une approche froide et machinale pour dénoncer l'industrialisation excessive et le progrès, à contre-courant à son époque. Puissamment dramatiques et réalistes, ses oeuvres dénoncent 'hypocrisie et la supercherie du système économique et social de l'Amérique de son époque.
Au coeur de cette “trilogie du travail”, révisée par Jakuta Alikavazovic, auteure et traductrice de littérature contemporaine américaine, le récit court Des souris et des hommes (1936) témoigne de la violence des relations, de l'extrême solitude et de la consternation des personnages. On suit deux amis au cœur de la crise aux Etats-Unis. George et Lenny vont de ferme en ferme à la recherche d’un travail. George est un brave type, courageux, il est sec et petit et toujours accompagné donc de Lenny. Lui est grand, très costaud, les épaules tombantes, un peu bête, mais gentil. Il est attardé, mais heureusement George veille sur lui et surtout lui évite des ennuis. Parce que Lenny ne maîtrise pas sa force. Il adore les souris par exemple, mais il les étouffe dans ses grosses mains. Il fait du mal, sans le vouloir. Un ranch veut bien leur donner un peu de boulot. Ils s’y rendent, mais tout ne va pas se passer comme prévu...
Entre personnages archétypes et dénouement fatal, cette claque littéraire oscille entre roman et texte de théâtre. Ici, pas de phrases alambiquées et de style flamboyant ou lyrique. Simple, direct mais aussi très oral, il retranscrit le langage de l’époque ponctué de "yo" et de "yeah", avec beaucoup de mots d’argot et même des accents. Ce n'est pas d'un hasard si le roman est si souvent adapté au cinéma et au théâtre, puisque son auteur en avait fait le souhait. Hommage à la transmission, gloire à la rue.
John Steinbeck, Romans, publié sous la direction de Marie-Christine Lemardeley-Cunci, traduit par J.-C. Bonnardot, Maurice-Edgar Coindreau, Edmond Michel-Tyl et Charles Recoursé, La Pléiade n°666, Gallimard, mars 2023, 1664 p.
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