INTERVIEW
Publié le
21 mai 2024
Le 20 avril dernier, Isaak Dessaux lançait son spectacle “Emperlousé” au théâtre Bo Saint-Martin (Paris IIIe). Le premier d’une série puisque le touche-à-tout de 22 ans réitèrera l’expérience le 24 juin prochain. Humoriste, mannequin, acteur, créateur de contenus, et chanteur à ses heures perdues, l’orateur audacieux à la verve singulière est insatiable. S-quive est allé à sa rencontre dans le XVIe arrondissement, quartier parisien qui a vu naître ses premières inspirations. Un moment "plus que jamais" savoureux avant son départ pour le festival de Cannes, entre improvisation de vidéos, imaginaire fantasque, expressions éloquentes, et style savamment incarné.
Si vous deviez vous présenter en quelques mots…
Je m’appelle Isaak Dessaux. J’ai 22 ans et le contrat se finit bientôt donc je tire vers les 23. Je dirais que je suis un saltimbanque ! J’aime à dire que je suis un 4X4 mais il faut toujours que je m’assure d’avoir un peu d’essence. J’adore l’idée de pouvoir faire le maximum tout en, je vous en conjure, rester fidèle à moi-même.
Nous sommes dans un quartier où vous faites souvent des vidéos. On vous voit souvent vous filmer à vélo, comment se déroule votre processus créatif ?
Il n’y a pas vraiment de script, si ce n’est très rarement, ou alors quand on me demande d’en faire. C’est un super exercice puisque j’ai plutôt tendance à, instinctivement, aller à l’improvisation, c’est ce que j’aime. Pour vous donner un schéma de ce qui arrive plus ou moins souvent : on marche dans la rue avec un copain et je lui dis : "Attends, tu me fais une petite vidéo", et alors là, téléphone en pattes, il me répond : "Vas-y". L’idée vient souvent de quelque chose qui m’a fait rire dans une conversation ou alors le nom d’une rue où on passe. Si jamais ça me chante, je parle.
Le 22 avril dernier, vous êtes entré dans le monde de la scène avec votre spectacle "Emperlousé". Racontez-nous votre première représentation…
C’est totalement barge. C’est tellement ce que je veux depuis petit, monter sur scène, que j’ai comme sacralisé ça au possible. Je ne suis jamais allé voir un spectacle de comédie ou été dans un comédie club tellement je redoute l’idée de voir quelqu’un sur scène. Je m’imaginerai alors y être et ça me renverrait à la peur de se frotter à ce que je veux vraiment. Je pense que les envies les plus fortes sont certainement les plus intimes. Alors évidemment les plonger dans le réel c’est au risque de les écorcher, et pourtant, c’est ce qui les fait exister. L’idée d’ "Emperlousé", ce n’est non pas d’écrire quelque chose pour le présenter à un public, mais de convoquer le public devant lequel je vais faire de l’improvisation. Lors de la première représentation j’étais liquide. C’était la première fois de ma vie que je me suis dit qu’on pouvait mourir de stress. Je redoute déjà la prochaine représentation parce que j’ai plein de peurs. J’ai envie que ce soit pareil si ce n’est meilleur que la première. Je me demande aussi si on va remplir la salle… C’était peut-être de la curiosité la première fois… Les gens vont-ils revenir ? En tout cas, je l’annonce plus que jamais, ce n’est dit à personne, on a une deuxième date le 24 juin au même endroit.
"Ce que je préfère par-dessus tout, c’est jouer."
Cette envie de faire rire les autres, d’où vient-elle ?
Ce genre de truc, c’est tellement proche de moi que souvent j’ai peur d’en parler. J’ai une obsession pour l’instinct, le naturel, ce qui est de soi, qu’on ne contrôle pas. J’ai des souvenirs de moi petit qui répète des sketchs d’Elie Semoun ou de Muriel Robin à table. J’étais le jukebox de ma famille. J’adore faire rire. Je me souviens aussi qu’à l’école je faisais des blagues avant que les cours commencent. Le rire, c’est bateau mais ça ne coule pas !
Vous êtes très jeune et avez déjà touché à tout, pourquoi cette envie d’aller partout ? Y a-t-il un domaine que vous chérissez plus que les autres ?
Tout reste à faire. Je m’obstine à penser que ce n’est que le début. C’est important de faire mon job à ma manière, c’est-à-dire de me laisser la liberté de m’exprimer là-dedans. C’est fondamental, peu importe où l’on va, de ramener toujours quelque chose de soi. C’est aussi une manière de mieux le faire. Aujourd’hui, c’est encore plus agréable puisque je vis mon rêve. Aller là où j’ai envie et essayer de le faire en étant moi-même, c’est le plus important. Ce que je préfère par-dessus tout, c’est jouer. Cette préférence s’est confirmée avec “Emperlousé”. Je crois vraiment que tout arrive à point nommé. On m’avait déjà proposé de faire une scène, étrangement je ne le sentais pas, je n’y suis pas allé. Moins j’en sais mieux je me porte, peut-être pour que l’instinct prenne les rênes.
Vous avez une grosse visibilité sur les réseaux sociaux en particulier sur TikTok, qu’est-ce que les réseaux sociaux véhiculent pour les jeunes aujourd’hui ? Qu’aimez-vous dans les réseaux sociaux ?
Je pense que trop de bon, c’est mauvais et trop de mauvais, ce n’est pas bon. J’ai commencé à poster des vidéos sur les réseaux sociaux parce que je voulais faire une école de théâtre. C’était une manière de laisser une trace qui colle à ce que je veux vraiment faire, à savoir, jouer. Je me suis rendu compte que je faisais rire les gens, c’était génial. Les réseaux sociaux réunissent plein de choses que j’aime. C’est génial de se dire qu’il y a tous les aliments qu’on adore dans un seul plat. Je vois les réseaux sociaux comme un bassin d’informations immense sans fond. Mais, quand on ne sait pas nager, on se noie. Il faut y aller à tâtons et essayer de garder de la distance.
Votre expression fétiche “Ok yo les keumés”, d’où vient-elle ?
“Ok yo les keumés, plus que jamais”, cette expression remonte au collège. C’était au moment où je faisais des stories sur le réseau social Snapchat pour mes copains. C’était un peu ma manière de dire bonjour, comme une petite introduction.
"Quand j’étais petit, je regardais beaucoup les sketchs de Catherine et Liliane avec ma famille, c’était du génie pour moi."
Le public vous connaît surtout pour vos imitations semblables à celles de Catherine et Liliane sur Canal+ ! Où trouvez-vous vos inspirations pour créer ces personnages ?
Quand j’étais petit, je regardais beaucoup les sketchs de Catherine et Liliane avec ma famille, c’était du génie pour moi. Un jour, j’ai arrêté car j’avais trop peur du mimétisme et du copier-coller. Mais c’est vrai qu’elles ont été une grande source d’inspiration. Sinon, je m’inspire de tout, j’adore imiter les accents, j’adore regarder des interviews de stars pour m’en imprégner. Pour créer mes personnages, je m’inspire de la vie de tous les jours, d’une professeure de théâtre au lycée, d’une personne que je croise dans la rue, ou encore de Nicole, une femme avec qui je buvais le café tous les matins, il y a un an. Ce que j’adore, ce sont les choses qui échappent du naturel de quelqu’un.
Dans la vie de tous les jours, votre originalité vous a-t-elle valu des critiques ? C’est dur de se forger un bouclier anti-critique ?
Oui, bien sûr. Je crois que plus tu affirmes une différence que tu le veuilles ou non, plus tu appuies les retours qu’ils soient positifs ou négatifs. Évidemment, si l’on considère que j’ai un look particulier ou différent, on peut imaginer qu’il en découle des retours différents. Je pars du principe que tout ce que je fais, je le fais pour moi, parce que ça me plaît et parce que je m’écoute. Cela me permet de pouvoir avoir de la distance avec des choses moins cool. Encore hier, quelqu’un m’a filmé dans la rue, mais la personne a été aussi gênée que moi quand elle a vu que je l’avais remarquée. Sur les réseaux, ma communauté est vraiment bienveillante et j’en suis très reconnaissant. La plupart des commentaires moins positifs sont postés par des personnes qui tombent sur mes vidéos sans avoir l’habitude de voir des personnes comme moi dans leur fil d’actualité.
La pièce maîtresse pour chacun de vos looks est les perles, elles font parties de votre ADN ?
Mes perles, je les adore, quand je ne les ai pas, je me sens nu. Le soir de mon spectacle, ma mère m'a offert un collier de perles fait main, ce genre de choses me rappelle des souvenirs, c’est pour ça que j’y suis attaché.
En parlant mode, vous pratiquez l’upcycling, en trouvant des pièces dans les bacs à 1 euro en friperies que vous transformez en nouvelles pièces, d'où vient cet amour de la seconde main ?
J’adore aller dans les friperies, surtout celles avec un bac à 1 euro. J’y vais, avant tout pour les prix abordables, qu’elles proposent. Quel régal avec 10 euros de repartir avec 10 vêtements. Ça me stimule de chercher, de fouiller pour dénicher des pièces. À chaque fois, je trouve plein de petites choses et j’ai des idées d’upcycling. Je couds, je déchire et je raccommode. Certains de mes vêtements deviennent même de la décoration dans mon appartement.
"J’ai tellement peur de ce qui pourrait arriver, non pas parce que je le redoute, mais parce que j’ai beaucoup d’attentes et plein d’envies."
Dans la vie de tous les jours, qu’est-ce que vous esquivez ?
J’évite plutôt la mauvaise fois, les personnes peu joueuses, pas tellement tournées vers les autres ou pas à même de renvoyer la balle ni de rentrer dans le jeu.
Avez-vous une anecdote à nous raconter ?
À Cannes l’année dernière, je dansais au Silencio, une boîte de nuit. D’un coup, je tourne la tête, et je vois mon idole du lycée, celui à qui je n'avais pas arrêté d’envoyer des messages, plus jeune : Xavier Dolan. Il dansait la lambada juste à côté de moi, on a eu un eye contact mais j’ai préféré le laisser tranquille…
Des projets pour la suite ? Un nouveau domaine que vous aimeriez explorer ou bien un autre que vous voudriez perfectionner ?
J’aimerais tourner dans des films, des séries, partout où l’on voudra bien de moi. Mais avant tout, j'adorerai approfondir les domaines où je me suis déjà implanté. Un de mes rêves serait d’avoir une collection capsule créée avec des vêtements de seconde main et de faire un défilé caritatif. Mais j’aimerais aussi avoir un club et créer une série, par exemple.
Et dans disons… 5 ans… Où vous voyez-vous ? Êtes-vous plutôt carriériste ?
Je suis un peu malade mental du temps qui passe, je me demande toujours ce que j’ai fait la semaine dernière, ce que je ferai la semaine prochaine et dans un an ce que je serai. J’ai tellement peur de ce qui pourrait arriver, non pas parce que je le redoute, mais parce que j’ai beaucoup d’attentes et plein d’envies. Trop me projeter m’effraie. Quoi qu’il en soit, j’espère que dans 5 ans, mon cœur battra encore plus fort pour plein de choses dans lesquelles je me sentirai libre et plus que jamais moi-même.
“Emperlousé”, Isaak Dessaux, sur la scène du théâtre Bo Saint-Martin (Paris IIIe) le 24 juin prochain.