INTERVIEW
Publié le
5 novembre 2023
Hyphen Hyphen est un groupe qui fait du bien ! C’est une musique mélodieuse qui rend heureux. C’est une démarche artistique qui vit. Ce sont des artistes qui nous reconnectent à nos émotions ! Le trio français propulsé avec le titre "Just need your love", en 2015, s'ancre sur la vague du succès avec son palpitant troisième album C’est la vie. Force est de constater qu’il reste difficile de trouver un équivalent dans notre paysage sonore de ces trois amis de lycée, issus du punk, qui trouvent leur équilibre dans une pop multicolore et multi-singulière. Santa, Adam et Line montrent que, un plus un plus un… égal un ! C’est là, toute la grande force du groupe : sa faculté de laisser vivre chacun de nous dans ce que nous sommes de plus intime, dans un mouvement unificateur et commun vers le juste. Au-delà de l’écoute, c’est sur scène que vous comprendrez l’essence même de leur propos. Si la musique est un support de rencontre, Hyphen Hyphen est une musique d’union bien réelle. A l’occasion de leur concert au Zénith de Paris, le 10 novembre prochain, S-quive s’est entretenu avec le groupe au complet. Un moment de lien qui donne sens à l’amitié, la musique, le partage en live, la sincérité, la liberté d’être…Un temps suspendu durant lequel on se dit…c’est ÇA la vie.
Est-ce que vous pouvez nous dire qui est Hyphen Hyphen ?
Adam : Nous sommes trois amis de lycée. Santa et moi avons grandi ensemble, nous n’avons aucun souvenir l’un sans l’autre. Puis, Line nous a rejoint au lycée. Nous étions trois amis qui avions énormément d’énergie et beaucoup de choses à donner. C’est dans la musique que nous avons trouvé le moyen de déployer tout cela et de faire entendre ce que nous avions à dire. Ces choses étaient enfouies, et nous voulions le crier au monde. C’est vraiment ça qui nous a animé dès le départ, et qui continue de le faire aujourd’hui.
Hyphen signifie "lien" et "trait d’union". Comment crée-t-on du lien aujourd’hui avec l’autre ?
Santa : En regardant l’autre dans les yeux, je dirais. Nous, nous le faisons en musique. Mais il y a tellement de manières de créer du lien. Cette question est intéressante pour nous parce que c’est le cœur de notre réflexion. Ce sont des questions que l’on se pose dans notre musique en tant que personne, artiste et groupe. Là, par exemple, on revient du Canada et des Etats-Unis. Nous voulons réellement créer quelque chose qui nous dépasse et qui nous permet de nous rassembler tous. Là-bas, nous nous sommes sentis pouvoir être nous-mêmes et véritablement acceptés dans ce que nous sommes. Finalement, ce n’est pas si compliqué. Il suffit juste de demander : "Comment ça va ?", de poser quelques questions et de s’intéresser un peu à l’autre. Mais surtout, c’est un peu con ce que je vais dire, mais c’est la gentillesse qui permet du lien. A Montréal, les gens sont dans un degré de gentillesse inimaginable. Ça change la vie !
Adam : C’est vrai que c’était agréable et facile de se lier aux gens. Les personnes se complimentaient sur leurs looks, ou simplement elles interagissaient parce qu’elles étaient l’une à côté de l’autre. On a retrouvé cette fougue quand on faisait nos premiers concerts, quand on distribuait des flyers aux gens dehors. En les donnant, nous échangions avec les passants, et nous sentions cet intérêt partagé de la rencontre, de la musique. Toute la semaine on a rencontré des gens qu’on a finalement retrouvé au concert. C’était, à chaque fois, un moment magique et vraiment particulier. Ce qui est beaucoup plus compliqué aujourd’hui, je trouve. On a perdu cette spontanéité.
Line : C’est comme la fin dans Big Fish, où il revoit tous les gens qu’il a croisé dans sa vie !
Santa : Notre concept c’était exactement ça ! On invitait les gens, et ils répondaient avec envie et intérêt qu’ils viendraient. Et boum, on les revoyait pour prendre plaisir tous ensemble en musique.
Adam : Le souci avec les réseaux sociaux c’est que ce lien réel et tangible disparaît. Avec cette démarche d’aller dans le réel, voir les personnes et les recroiser dans une salle de concert, ça n’a rien à voir. Il y a une connexion entre le public et la scène que l’on peut ressentir uniquement grâce à cette première rencontre, au hasard des rues et de la vie.
"La pop donne du sens à notre nom et à notre démarche artistique."
Votre groupe est profondément ancré dans le rock, presque punk, en termes d’attitude scénique. Est-ce que le rock c’est la vie ?
Santa / Adam : Mais bien sûr ! [Rire général]
Line : OUIIIIIII !
Santa : En plus, dans notre art, nous sommes inspirés par beaucoup de musiques très différentes. Et par exemple, le punk c’est aussi créer du lien entre tous ces styles sans trop se prendre la tête. Les seules prérogatives d’une chanson, pour nous, sont la mélodie et l’émotion. Nous essayons toujours de faire une musique qui sonne juste et bien, et qui touche la personne qui l’écoute.
Line : Nous n’avons pas de réticence dans la musique. On écoute tout, et on s’inspire de tout. Donc on se laisse influencer pour ensuite créer notre son. Par exemple, un de mes premiers concert c’était les L5, tu vois !
Adam : Il ne faut pas se limiter en musique. Par exemple, pour les boys band et girls band, le packaging était hyper mainstream, c’est clair ! Mais, si on écoute les mélodies c’était hyper inspirant. Il y avait des sons incroyables. Pour nous, il faut aller puiser l’inspiration partout, pour aller au-delà et continuer à s’améliorer. Si on se cloisonne nous-mêmes en tant qu’artistes, on ne peut pas réussir à proposer le meilleur et le plus juste possible, et encore moins à donner du sens à notre musique.
Quelle différence dans la pop ? Qu’est-ce qui vous attache à ce courant ?
Adam : Au départ, nous venions clairement du punk. Et c’est dans la pop qu’on a trouvé notre équilibre. Parce que, finalement, la pop c’est la fusion idéale de tous les styles de musiques. C’est la condensation de tout ce qu’on est. La pop est aussi mélodieuse. C’est pour ça que c’est le style le plus accessible à l’écoute, parce que c’est clair et lisible. Mais, c’est aussi celui qui nous permet la plus large exploration et le plus de possibilités en termes de créativité. Musicalement, on peut tout faire avec la pop. Humainement, la pop rassemble des foules. Donc, ça nous semblait comme une évidence de proposer ce style. La pop donne du sens à notre nom et à notre démarche artistique.
"Notre société a tout joué sur le couple. Nous, nous avons construit nos vies sur la base de l’amitié."
Dans "C’est la vie", vous avez écrit : "Mon meilleur ami m’a demandé de couvrir un crime". C’est ça l’amitié avec un grand "A" ?! Et qui a couvert le crime de qui ?!
[Rire général]
Line : C’est complétement ça l’amitié pour nous trois ! En réalité, je pense qu’on n’accorde pas assez d’importance à l’amitié. En tout cas, au regard de la famille. Alors qu’en réalité, les amis c’est là pour la vie. Mais on a plutôt tendance à se concentrer sur l’amour d’un couple. Pourtant, l’affection qui lie deux amis peut durer aussi longtemps et peut être aussi intense et sérieuse !
Santa : Je suis d’accord ! Je trouve que notre société a tout joué sur le couple. Nous, nous avons construit nos vies sur la base de l’amitié. C’est dans cet espace que je peux être moi au maximum parce qu’il le permet. Parce que cet espace est sain et veut le meilleur pour chacun.
En lien avec votre titre "Too Young", quand a été la dernière fois que vous vous êtes sentis trop jeunes ?
Santa : Ce qui est drôle, c’est qu’au début de notre groupe, on devait se vieillir. On a dû mentir sur notre âge pour pouvoir tourner et faire notre musique. Et, ce n’est qu’à la fin du lycée que, finalement, on a arrêté de faire ça, vu qu’on était majeurs ! Ça nous a servi pour gagner nos vies… Et depuis… plus rien en fait ! C’était le seul moment finalement. [Rires]
Cette année, nous fêtons les 50 ans du hip-hop. Depuis 3 ans, on constate que cette culture rock, que vous manifestez sur scène et en musique, s’immisce à nouveau dans le paysage sonore. Le rap n’échappe pas à cette influence, avec la drill qui s’approche du métal ou du punk dans son esprit, par exemple. C’est quoi le rap et le rock aujourd’hui finalement pour vous ?
Line : Je suis allée à un concert de drill justement, il y a peu. Et j’ai retrouvé une énergie super punk dans l’audience. On faisait des pogos de dingues ! J’ai vécu à nouveau une ambiance que je ressentais avec des groupes comme Korn. J’aimais tellement ce truc un peu "vénère" ! Ça me fait vraiment plaisir de le retrouver dans les beat de trap aussi. C’est fou, le rock revient en force… Mais d’une façon un peu étrange quand même ! On entend des mélanges avec du métal hardcore, une voix hyper pop et en même temps des sonorités mainstream. C’est très hybride. Ce nouveau monde musical où l’on va est très excitant ! On s’y retrouve parce que c’est aussi comme ça qu’on compose. C’est vers cette vison, qu’on aime, que l’on veut amener le public. C’est génial de voir cette évolution.
Votre nom manifeste votre profonde croyance que la musique crée du lien entre nous. Pourtant, il arrive parfois que nous nous séparons en musique. Face à ce paradoxe… Quel est finalement le rôle de la musique, selon vous ?
Adam : Je pense que c’est la mélodie. Parce que, grâce à la mélodie, on peut réussir à se rassembler dans un mouvement commun, mais avec toutes nos singularités pour finalement créer un tout.
Line : Oui exactement ! Ce qu’on cherche dans notre musique, et en concert, c’est que les gens puissent se réunir et se rattacher aux émotions tous ensemble. C’est déjà tellement le bazar dans le monde ! On veut proposer des mélodies pour que chacun puisse se reconnecter à la vie par de belles émotions. Et se sentir bien tout simplement !
Santa : Pas mieux ! [Rire général]
Hyphen Hyphen sera au Zénith de Paris le 10 novembre prochain.