CINÉMA
Dans son dernier film, En Corps, le réalisateur Cédric Klapisch place son premier rôle féminin, la danseuse Marion Barbeau, dans une position bancale. Se relever lorsque le sol s’effondre sous des pointes fatiguées, c’est là toute la difficulté de la jeune femme balancée entre l’abandon de ses rêves de toujours et sa quête introspective nécessaire.
En demi-pointes. C’est dans cette perspective que le nouveau film En Corps de Cédric Klapisch semble avoir été pensé. Abordées avec délicatesse, les thématiques du deuil amoureux et professionnel deviennent les clés de voûte d’un scénario imaginé avec simplicité et esthétisme. Un soir de représentation à l’Opéra de Paris, Élise Gautier, campée par la danseuse Marion Barbeau, excelle sous les yeux d’un public conquis et ceux de son père, ahuris. La caméra oscille entre coulisses et vues sur scène pour alimenter davantage la curiosité du spectateur. Les chorégraphies s’enchaînent, les pauses dans les loges aussi. C’est durant l’une d’elles que la danseuse prometteuse surprend son compagnon, danseur également, embrasser une autre fille de la troupe. L’instant se fige. Elle est brisée et dorénavant tous ses mouvements sont mécaniques et manquent de fluidité. A peine de retour sur scène, c’est en plein élan qu’elle brise sa cheville en retombant sur le sol. A 26 ans, Élise est face au néant qui la paralyse encore davantage. Désormais seule, avec une articulation abîmée, c’est dans ses propres ressources qu’elle devra puiser pour retrouver la force et la foi de se réinventer.
C’est au sein de la maison familiale que Cédric Klapisch s’engouffre pour mieux comprendre le profil de l’athlète dévouée à sa passion de toujours. Une mère qui n’est plus, des sœurs unies et un père déconnecté, mais aimant, elle se souvient de son parcours, des efforts et de l’envie de réussir par la danse. Se détourner intelligemment de sa zone de confort, c’est le nouveau travail qui l’attend au sein d’une troupe de danse contemporaine pour qui elle cuisine au début. Le temps de se refaire. Entourée de personnalités aussi exubérantes : son amie Sabrina (Souheila Yacoub) et du petit-ami de cette dernière, Loïc (Pio Marmaï), que bienveillante, la propriétaire du lieu de retraite, Josiane (Muriel Robin), elle respire de nouveau. C’est aussi là qu’elle retrouve l’amour, non pas avec son ostéopathe Yann (François Civil) mais dans les bras d’un autre, plus mystérieux, plus ténébreux… C’est finalement la vie que raconte Klapisch, avec une vue plongeante sur la renaissance d’une femme qui fait le deuil d’une première version d’elle-même. Un deuil amoureux, un deuil professionnel mais aussi celui de sa mère qu’elle revoit dans ses rêves. Des deuils menés, non sans difficultés, avec la force de se retourner, de visualiser le chemin parcouru et de l’accepter. De refuser l’idée de l’échec mais de préférer l’artère de la résilience, comme signe de maturité. Élise dénoue les maux qui l’effraient. Plus, elle les affronte. Celle qui ne se focalisait que sur l’étoile voit désormais l’immensité du monde qui l’entoure.
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