INTERVIEW
Rendez-vous à Eloquentia, le plus grand concours de prise de parole francophone du monde. Plaidoirie, rap, slam, poésie, stand-up… Les quatre finalistes : Rakitra, Nayira, Clément et Tanina s’apprêtent, avec le cœur, les mots, la parole et une éloquence certaine, à exprimer un art universel lors de la grande soirée à La Seine Musicale (sur l’île Seguin) prévue le 5 mars prochain. Un évènement très attendu, pensé par son fondateur Stéphane de Freitas et l’ensemble des acteurs de ce programme, qui réunira 3500 spectateurs. Les quatre jeunes talents se sont confiés à S-quive, au carrefour de l'intime et du collectif, où la parole s'érige en force vive, capable de façonner les destins individuels et de transformer les sociétés. Loin d'être un simple artifice, l’éloquence se révèle alors comme un vecteur puissant, permettant de donner voix à nos émotions les plus profondes, de partager nos expériences et de construire un dialogue authentique sans barrières socio-culturelles.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit au concours d’éloquence ?
Cela fait déjà quelque temps que je fais des concours d’éloquence. J'étais d’abord en études de mathématiques/physique, puis je me suis réorienté en droit. La parole et les mots ont toujours fait partie de ma vie, puisque je fais de l’éloquence depuis mes 13 ans. Eloquentia m’a été proposé à un moment où j’étais fatigué suite à un burnout. Aujourd’hui, j’aimerais faire de la parole mon quotidien. Ça m'a donc semblé évident de participer à ce concours vis-à-vis de ce que je souhaite pour l’avenir et du timing où cela s'est présenté à moi.
À quoi peut-on s’attendre pour votre performance ?
A la surprise ! Parce qu’on me voit souvent comme quelqu’un de timide. Ce qui est totalement vrai. C’est sur scène que je me libère. D’où l’effet de surprise qu’on me rapporte très souvent. Ce que je ressens sur scène, c'est surtout de l’adrénaline, et je me laisse porter. Je n’ai donc pas forcément beaucoup de souvenirs. Je vis chaque scène comme si c’était la première. C’est pour cette raison que je pense qu’on peut s’attendre avant tout à de la surprise.
Quelle œuvre vous a marqué pour ses mots ?
Un discours de Charlie Chaplin qui m’a beaucoup marqué dans le film Le Dictateur. Parce qu’il a une ligne directrice, le choix de ses mots donne le sentiment qu’on peut changer le monde. Il est véritablement inspirant. C’est très enivrant de se dire qu’on peut changer les façons de penser, convaincre un auditoire, et ça conduit à la liberté surtout !
"Je pense qu’on cherche à se dépasser nous-mêmes."
Qu'allez-vous esquiver durant votre prise de parole ?
La perte du texte ! Je vais esquiver le plus possible. Et la peur aussi. Personnellement, je ressens une forme de tétanie dans ces moments. Pour esquiver ça, l’énergie du public m’aide souvent, et un bon échauffement également.
Eloquentia tend à contribuer au dialogue social. Qu’est-ce que vous cherchez par votre parole ?
D’abord, je pense qu’on cherche à se dépasser nous-mêmes. C’est une épreuve contre soi, plus qu’un objectif de convaincre étonnamment. Si je dois toucher l’autre, c’est un déclic que j’aimerais provoquer pour l’amener à une réflexion et à ses propres mots. Je ne veux pas convaincre pour imposer ma parole.
Quels sont vos projets après le concours ?
Après le concours, j’aimerais déjà finir des études de droit. Puis devenir formateur en prise de parole, pour Eloquentia justement. Pour ça, je pense qu’il faut avoir l’envie de transmettre, et être passionné. Je pense que la prise de parole n’est pas accessible seulement pour des personnes qui se démarquent du groupe. J’aimerais mettre la parole à disposition pour chacun. N’importe qui peut prendre la parole, c’est ça le message que je veux transmettre. D’où la raison pour laquelle je souhaite devenir formateur.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit au concours d’éloquence ?
L’éloquence a attiré mon attention au lycée. Mais je n’aimais pas forcément ça en réalité. Puis, petit à petit, j’ai pratiqué et rencontré des personnes qui vivent dans la parole. Ça m'a passionné ! J’ai découvert Eloquentia l’année dernière, à travers l’antenne de Madagascar. Au début, je pensais que l’éloquence appartenait à une élite, à une classe sociale et à un parcours précis. En explorant la parole, j’ai compris qu’elle appartient à tout le monde. C’est ça qui m’a donné envie de participer à Eloquentia, pour transmettre et défendre cette idée que les mots sont à tous.
À quoi peut-on s’attendre pour votre performance durant le concours ?
A la voix d’un jeune Malgache, qui fait sa première marque sur la scène internationale. C’est un rêve qui s'accomplit !
Quelle œuvre vous a marqué pour ses mots ? Pourquoi ?
J’ai beaucoup aimé le rap de Kery James. Je pense qu’il dégage le message que tout est possible malgré le capital social et tout ce qui se passe à l'extérieur. Il donne de la force et de l’espoir ! C’est la première fois que Madagascar participe à Eloquentia, je veux montrer qu’on peut réussir par la parole à arriver sur la scène internationale.
"Je veux rassembler et unifier par les mots."
Qu'allez-vous esquiver durant votre prise de parole ?
Honnêtement, les sujets clivants. Je veux rassembler et unifier par les mots. Voilà pourquoi je vais tenter d’esquiver de cliver.
Eloquentia tend à contribuer au dialogue social. Qu’est-ce que vous cherchez par votre parole ?
Je pense que le dialogue social commence à écouter et entendre tout le monde. C’est un sujet crucial que je veux défendre et pour lequel je veux me battre. Il y a des non-dits dans la société, et j’aimerais recréer des échanges entre tous dès la finale et après par le biais de l’éloquence.
Quels sont vos projets après le concours ?
Avec Eloquentia, j’ai vu des jeunes venant de tous les horizons qui étaient connectés par amour de leur culture de la parole. Mon projet est de faire un Eloquentia à Madagascar avec les mêmes valeurs, mais avec la langue malgache. Je souhaite apporter cet héritage que j’ai eu la chance de vivre. Et pourquoi pas faire rayonner aussi la langue malgache à l'internationale également.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit au concours d’éloquence ?
Mon parcours est celui d’une étudiante en droit assez classique. Après le lycée, j’ai fait une licence, puis un master en ressources humaines et un second en droit du travail. Dans ma dernière année d’étude, j’avais besoin et envie de découvrir autre chose. J’étais dans une période pas évidente, et je ressentais qu’il me fallait tenter une aventure nouvelle. Pendant cette réflexion, ma meilleure amie me parle de la formation “À voix haute” de l’antenne de Nanterre d’Eloquentia. Elle m’explique combien cela l’a libérée sur sa prise de parole, sur elle-même et sur son rapport aux autres. Je sens alors que c’est la bonne voie à suivre. J’ai osé candidater et me lancer dans ce parcours unique. Je dis “oser” parce que l’entrée n’est pas évidente, cela consiste à choisir un sujet parmi trois propositions et à déclamer pendant 3 minutes. C’est un exercice très difficile à mon sens, d’autant plus que je ne suis pas forcément à l’aise à l’oral à ce moment-là. Pendant la formation, j’ai vécu des moments incroyables, notamment par les personnalités talentueuses que j’ai rencontrées qui m’ont énormément marqué et inspiré. Cela m’a appris énormément sur les autres et sur moi-même. Mes erreurs et mes réussites durant la formation et pendant le concours m’ont conduit à cette finale. En particulier, ma difficulté a été de savoir comment recevoir les retours que l’on me faisait de mes performances. “Donner”, entre guillemets, au public ce qu’il veut et attend de nous ; tout en mettant du sens, trouver le “pourquoi” on prend la parole d’une façon ou d’une autre. C’est à la demi-finale que j’ai eu un déclic. J’avais 36 heures pour préparer un discours de 8 minutes ; matériellement, je n’avais pas le temps des détails. Je devais aller à l’essentiel et lâcher prise. Viser le juste et pas le meilleur. D’autant plus que pour cette demi-finale, mon sujet était : “Les larmes peuvent tout laver”, un thème qui m’a tenu à cœur plus que jamais, car je venais de perdre ma grand-mère 3 semaines avant. Tout ça m’a conduit à cette finale en me disant que si je n’étais pas forcément la meilleure en éloquence, je sais parler véritablement avec le cœur… et ça fonctionne… parfois. En tout cas, c'est fondamental pour moi dans l’éloquence.
À quoi peut-on s’attendre pour votre performance ?
Je pense du jamais vu, dans le sens qu’à chaque phase du concours, on se transforme. En tout cas, j’ai ressenti personnellement comme un chaos, au sens propre du terme. Ce qui fait que je me suis réinventée et redéfinie pour l’étape suivante. Donc, pour cette finale, c'est une identité et une éloquence encore jamais vues.
"Je pense qu’il faut éviter de se concentrer sur le bien parler au sens commun du terme."
Quelle œuvre vous a marqué pour ses mots ?
Le spectacle du cabaret le Crazy Horse ! La danse, pour moi, est un langage. Elle exprime une parole et des mots dans tous ces gestes. Le spectacle du Crazy Horse m’a profondément marqué parce qu’il est axé sur la femme et son émancipation dans le respect de tout ce qui l’entoure. C'est-à-dire les femmes et les hommes. On y magnifie la femme et l’humain dans toutes ses versions.
Qu'allez-vous esquiver durant votre prise de parole ?
Je pense qu’il faut éviter de se concentrer sur le bien parler au sens commun du terme. C'est-à-dire utiliser des mots compliqués, bien prononcer les sons, bien manier la langue. Ici, on se base davantage sur ce qu’on ressent et ce qu’on en fait. Mettre du sens sur nos émotions et mettre des mots pour soi et pour les autres ; dans le but d’avancer ensemble vers une parole meilleure et plus juste pour se respecter plus soi et avec les autres.
Eloquentia tend à contribuer au dialogue social. Qu’est-ce que vous cherchez par votre parole ?
La première chose que je cherche, c’est exister tout simplement. Etre capable de parler et de me faire comprendre par le maximum de gens et par moi-même. Pour le dialogue social, je rejoins complètement cette idée, mais à titre personnel, c’est surtout d'un point de vue “humain”. Mon intention est de dialoguer avec l’humain en nous. Pour ça, je veux parler avec amour aux “enfants”. Quand je dis “enfant”, c’est bien sûr aux plus jeunes, mais également à l’enfant intérieur en chacun de nous. Parce que je me souviens que les fois où j’ai été blessée et marquée négativement, c'est quand j’étais petite. J’aimerais changer ça, à mon échelle, dans le dialogue social avec mon éloquence.
Quels sont vos projets après le concours ?
Rester dans mon travail de juriste et d'éloquence. Et, pourquoi pas, un jour être danseuse de cabaret.
Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a conduit au concours d’éloquence ?
J’ai connu Eloquentia en 2022, car ma sœur a participé à ce concours et à la formation. C’était une période de ma vie dans laquelle je n’étais pas forcément bien. A ce moment, j’ai pu rencontrer des personnes pour sortir de chez moi, rencontrer de nouvelles identités et essayer de sortir de cette phase. C’est la première étape qui m’a conduit au concours. J’ai commencé par des ateliers, puis j’ai suivi la formation. J’ai, ensuite, fait une première fois le concours d’éloquence. J’ai atteint le quart de finale. Ce résultat m’a laissé un goût amer. Je n’ai pas donné tout ce que j’avais à proposer. Je n’ai pas dit tout ce que je souhaitais. Mais surtout, j'avais un sentiment d’inachevé par rapport à moi-même. Je n'étais pas dans le bon rapport à ce moment, ni dans les meilleures conditions pour le vivre pleinement. Et ce sentiment intime de ne pas avoir pu me donner à fond m’a hanté. J’ai hésité, car pour beaucoup, participer une seconde fois signifie qu’on a trop la victoire en tête, et qu’on retente juste pour dire : “J’ai gagné”. Mais, ça n’est absolument pas dans cet esprit que je suis. Je refais le concours pour moi, pour mes proches, pour ma parole et pour mon cœur.
À quoi peut-on s’attendre pour votre performance ?
A beaucoup d’émotion, je pense. C’est le premier concours où toute ma famille et tous mes amis, et les personnes que j’ai pu croiser sur ma route à Eloquentia seront réunis. Même s’il y aura énormément de monde, c’est avec eux uniquement que je serai présente pour cette finale. Ce sera de la fierté mutuelle très forte à laquelle on peut s’attendre. De la sincérité brute également, car tout ce que je dirais, c’est ce que je ressens véritablement dans mon cœur. Ma parole s'est libérée. Avant, je me cachais derrière la “belle parole”. Aujourd’hui, je mets moins de filtre pour utiliser des paroles plus justes, car elle traduit ce que je ressens vraiment.
Quelle œuvre vous a marqué pour ses mots ?
Je dirais “Demain, dès l’aube”, de Victor Hugo. C’est un poème qui m’a beaucoup marqué par son écriture, par sa construction et le message qu’il délivre. Je n’aimais pas cet auteur avant de lire ce poème. Cette œuvre m’a tellement marquée que, sans doute pour la finale, j’y ferai une référence.
"Je veux vivre ce moment dans son entièreté. Je veux tout prendre."
Qu'allez-vous esquiver durant votre prise de parole ?
Étant donné que la finale est la toute dernière étape du concours, et que tous ceux qui comptent tellement pour moi seront présents, je ne crois pas avoir envie d’esquiver quelque chose. Je veux vivre ce moment dans son entièreté. Je veux tout prendre.
Eloquentia tend à contribuer au dialogue social. Qu’est-ce que vous cherchez par votre parole ?
Je pense que nous cherchons tous à instaurer ce dialogue, en particulier quand on intègre Eloquentia. Je dirais aussi qu’on cherche à créer un dialogue interne. Parce qu’il nous conduit à nous voir dans la plus grande transparence. Ce qui nous amène à échanger avec soi dans la sincérité et la justesse. Tous les concours ne tendent pas à cet objectif. Plus encore, Eloquentia nous pousse à aimer et libérer la parole sous toutes ses formes. Personnellement, je sais que j’aime, par l’éloquence, réunir des gens et qu’on vive un moment tous ensemble. C’est pour ça que j’utilise tellement le slam et la poésie.
Quels sont vos projets après le concours ?
Je travaille maintenant dans la formation de la prise de parole. Après cette finale, j’aimerais simplement aller explorer une nouvelle expérience. Allez me challenger sur des choses que je croyais impossible pour moi de vivre et de surpasser.
Eloquentia, à La Seine Musicale, le 5 mars prochain.