LES PLUMES
Un premier single en 2003 vendu à 8 millions d’exemplaire. Première femme noire à être tête d’affiche du festival Coachella. Un clip historique tourné au sein du musée du Louvre qui cumule 279 millions de vues. Artiste la plus récompensée des Grammy Awards avec 32 Prix. Huitième personnalité la plus suivie du monde sur Instagram avec 320 millions d’abonnés. Icône de la culture afro-américaine, qui n’hésite pas à chanter l’hymne "Lift Every Voice and Sing", devant 120 000 personnes. Elle fait partie des premières femmes du XXIe siècle à s’affirmer dans la promotion et la défense du féminisme avec le titre "Run The world". Elle impacte toute la musique, puisqu’elle fera des duos avec Kendrick Lamar, Ed Sheeran, Jay-Z, Jack White, Coldplay ou encore Dolly Parton. Enfin, l’annonce surprise d’une seconde renaissance dans l’univers de la country cassera les Internets et le Superbowl 2024. A l’occasion de la sortie de Cowboy Carter le 29 mars dernier, voici venu le temps de jouer carte sur table avec Queen B. Entre destin, jeu de rôle, amour et limonade, portrait sans esquives de Beyoncé.
A l’origine était le verbe. Au commencement était la lettre. Au début était l’enfance du destin. Les rêves qui naissent, au hasard d’un spectacle en famille. La voix s’anime dans le fantasme face à la royauté. Une main gantée et des mocassins imperial, au concert de Mickael Jackson, Beyoncé fait le premier pas vers son destin. Encore juvénile, l’histoire sera pourtant bien lancée à pleine vitesse. Car, après cet évènement, les parents de la petite fille l’inscriront à la chorale de l’église, et à des cours de danse. Sentant le vent se lever, ils préparent ce qui sera les deux piliers de la carrière qu’on lui connaît aujourd’hui.
En 1990, le télécrochet Star Search fait passer des auditions dans la ville de Houston. Au sein de Space City, c’est une dizaine de noms qui seront retenus, dont notamment : Beyoncé Knowles, Kelly Rowland, LaTavia Roberson et LeToya Luckett. Si l’avenir devait être nommé, c’est bel et bien ceux-ci qu’il faudrait choisir. Les quatre jeunes filles formeront, avec trois autres, le groupe Girl’s Tyme. Cette formation, bien que non retenue au concours de chant, aura son succès jusqu’en 1995. Aux commandes, ce sera le père de la princesse B, Mathew Knowles, commercial dans une boîte de photocopieur.
Si la carrière de ce premier groupe fonctionne, cela reste trop timide pour le manager ! Alors, il prend la décision de réduire l’effectif, pour composer un nouveau projet. Un pari payant, puisque Colombia Records s’intéresse à ce nom, aux ambitions de croiser le destin. Les adolescentes signent alors un titre pour le film Men in Black, et leur premier album, éponyme, aura un succès non négligeable avec 500 milles exemplaires vendus. Mais, c’est en 1999 que le quatuor crie haut et fort son nom. D’une violence assourdissante avec le titre "Say my name" qui attire enfin l’attention de l’avenir. Et, oui…ce groupe c’est Destiny’s Child !
Beyoncé apprend, grandit, s’affirme et progresse dans son art et dans l’industrie. Elle co-écrit et compose de plus en plus de chansons. Elle s’élève à une vitesse impossible à suivre. Dans une pression médiatique et financière inimaginable, elle devient la lueur dorée à suivre. Queen B est déjà face au trône. Mais, que serait une reine sans couronne ? Le hasard jouera sa suite royale en plein cœur…
En 2000, les Destiny’s Child se séparent d’un commun accord, pour une pause de 3 ans. Le temps, pour chacune, de se consacrer à une carrière solo. Durant ce temps, Beyoncé fait, sans doute, la rencontre la plus importante de sa vie : celle de Jay-Z. Plus que l’alchimie artistique, c’est une rencontre amoureuse tirée des meilleures comédies romantiques. De ce hasard, terriblement bien calculé, naitra le titre "Bonnie and Clyde" ; une chanson oubliable sur le papier, mais qui aura son importance. Car, elle sera le point de départ d’une course de fond vers le sommet ! Nous sommes alors en 2003, lorsque le duo sort un autre son ensemble : "Crazy in love". Ce banger, c’est 8 millions d’exemplaires vendus, une présence de 27 semaines dans le top 100 et un clip audacieux, qui participera à impulser le mouvement féministe. Colossal.
On retrouve, dans le premier album, les ingrédients qui feront de Beyoncé la reine B : la danse, une voix puissante et fragile, le hip-hop, la soul, le R’n’B, une esthétique sensuelle et affirmée, un sens du marketing novateur, des duos marquants, et, ici et là, quelques guitares acoustiques avec de faux-airs de country. Elle deviendra Sasha Fierce, un alter-égo qui donne, à une star mondiale d’à peine 22 ans, la force de prendre place sur le trône de fer. Parce que, Beyonce Knowles c’est l’histoire d’une petite fille heureuse de chanter pour sa famille et son église et c’est tout ! Elle rêve, comme tout à chacun, d’être célèbre, comme un petit garçon fantasme d’être un super héros. Sasha Fierce sera le déclic dont la timidité et la pudeur bloquait le rouage. Dans une schizophrénie permanente, elle racontera, sans détour, le poids d’un choix de devenir artiste. Une décision qu’elle "ne regrette pas", mais qui l’a fait vivre "hors de la réalité". Les deux jumelles vont gravir jusqu’au sommet du monde. Avec le temps, elles s’imposent non seulement comme des machines à succès ; mais aussi comme des bêtes de scènes. Capable d’embraser le feu, de noyer les fleuves, d’éclipser le soleil. En quatre albums, elles s’imposent en chant, danse, cinéma, mode, politique, société, économie : "Halo", "If I Were a Boy", "Baby Boy", "Déjà Vu".
Enfin, ce qui conduira Pierce et Knowles au-delà de l’imaginable, ce sont les chansons : "Single Ladies" et "Run the Word (Girls)". En une semaine, c’est respectivement, 10 millions de ventes et 18 millions d’écoutes sur les plateformes dans le monde. Elles vont avoir une influence sociale majeure sur la considération de la femme. Les reprises en danse et les cover inondent internet pour affirmer et promouvoir un mouvement féministe. La Femme est l’avenir de la Femme. Le duo siamois devient un exemple, un modèle, un horizon… Elles sont la Femme. Elle reprendra même l’affiche de Rosie la riveteuse sur Instagram. La vie de la cow-girl semble si belle sous cet angle. Mais, il ne faut pas oublier que l’histoire appartient à ceux qui l’écrivent. C’est pourquoi, Beyoncé ne le sait pas encore, dans la dernière partie de ce portrait… Elle mourra.
Jusqu’à présent le dédoublement de personnalité a aidé l’artiste à subir la pression. Il la poussera même à prendre position et à s’affirmer face à toutes les causes : racisme, sexisme, pauvreté, politique, misogynie, etc. Cependant, face à la vie, même une reine doit poser le genou au sol. En 2016, elle touche le sol pour la première fois en public avec l’album : Lemonade.
Cet album, c’est la naissance de Beyoncé. Après une carrière à faire apparaître avec son alter-égo, elle tue Sacha Fierce avec cette proposition pour se retrouver seule face au monde pour la première fois. Ce projet continue de plaider et soutenir des causes importantes pour l’artiste. Il est plus hip-hop que jamais avec des duos légendaires : Kendrick Lamar, Jack White, The Weeknd et James Blake. On y entend également des rythmes assumés et fiers de country (jusqu’à lors suggérés). Mais pourquoi cet album est celui qu’il faut retenir en particulier ? Parce que c’est celui qui intervient après l’infidélité de son mari.
L’Humain n’a rien d’une belle image figée. L’amour n’a rien d’une flamme à entretenir. Et vivre n’a rien d’une balade au bord de l’eau. Tout ça, c’est de l’acidité aléatoire comme un citron. Entre larmes, cris, espoirs, abandons, réussites, chutes et courage ; il nous tient d’en faire quelque chose qui ressemble à de la limonade. Beyoncé s’affirme, plus que jamais, dans son identité avec ce projet. Elle presse ses sentiments et ses émotions jusqu’à créer le fruit de sa résilience. Sans calcul, sans malice, sans vice… sans industrie musicale ; lorsque l’âme et le corps se rencontrent, c’est l’évidence humaine qui nous unis. Personne ne s’y trompe, la première semaine, l’album se vend à 653 000 exemplaires. Nous le ressentons tous : Lemonade, c’est nous. Voilà ce qui fait de cette femme une artiste avec un grand « A » ; du genre qui traverse le temps et les générations. Parce qu’elle touche ce qu’on a de plus commun avec elle. Peut importante la quantité d’heures de travail qu’il y a derrière un projet, il faut accepter qu’un tel album tient aussi du miracle… de l’inexplicable poids de l’être qui va y trouver ou non une résonance.
Une expérience que nous revivons avec Cowboy Carter. Les 76 millions d’écoutes, le jour de sortie de ce dernier opus, vient confirmer la similarité du projet avec celui de 2016. A nouveau, la chanteuse s’y exprime, justement, avec du cœur et de l’esprit ; pour trouver l’équilibre idéal entre douceur et acidité. A l’instar du 6ème album, c’est une proposition tant pour elle que pour nous. Elle veut prendre plaisir à danser sur une musique qui l’a forgée, autant que nous faire entrer dans les rangs pour taper du pied avec nos plus belles bottes ! Ce qui fait, d’ores et déjà, de cet album, une proposition à laquelle il tient de prêter une grande attention. Parce que, si déjà créer un projet intemporel est un rêve ; en avoir deux, revient à de la folie. Pourtant c’est chose faite depuis le 29 mars dernier !
Avec ce nouvel album country, Beyoncé montre (et démontre) qu’elle est, sans conteste, une enfant du destin, une icône qui fait tourner le monde, et une mixologue incontestable. Son parcours l’a conduit à devenir une des figures les plus influentes de notre siècle. Pourtant, au regard d’une difficulté hautement plus grande, devenir une star semble presque facile. Sa relation avec Jay-Z, ses peurs, ses erreurs, ses dépressions, ses combats, ses retours à la surface, ses succès et ses désirs de nous inclure dans un même mouvement. Elle est l’artiste, la femme, la mère de famille, la sœur, l’amie, la confiante, l’amante, la star… L’accessible inaccessible. Elle est Madame Tout Le Monde, dans la vie de Madame Personne. Elle nous inspire et nous transporte pour tenter de vivre dans ses airs. Voilà précisément, la plus grande difficulté que Beyoncé a réussi à dépasser : nous transmettre et nous inclure dans la volonté du D.
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