INTERVIEW
Publié le
11 avril 2024
S-quive Street. Ils font la culture Street de l’époque, S-quive est allé à leur rencontre... C’est dans la rue qu’Aurore Guez expose ses toiles. D’Andy Warhol à Basquiat, la jeune artiste peintre, au look rétro street, dépeint les portraits d’icônes de la Factory new-yorkaise des années 1960, et plus encore. Pour sa prochaine exposition parisienne et immersive, prévue fin avril, Aurore nous invite dans "Le magasin de lit", à la découverte de toiles suspendues.
Si vous deviez vous présenter en quelques mots…
Je suis une artiste peintre mais aussi, et surtout, une créatrice d’univers qui a évolué un peu seule, loin de la promotion des galeries, car je trouvais amusant de déconstruire la manière dont on a l’habitude de voir l’art aujourd’hui.
Comment est née cette passion pour la peinture ?
Il y a trois ans et demi, pendant le Covid, j’ai découvert que je savais peindre ! [Rires] Même enfant, je ne peignais pas. Je faisais des petits dessins mais sans plus. J’ai eu de gros problèmes de dépression, notamment un trouble appelé : la déréalisation. C’est une phase où l’esprit et le corps ne sont plus connectés. Il y a cette impression de vivre en dehors de son corps. J’avais besoin de trouver un moyen pour me reconnecter. A l’époque, je chantais mais je n’y arrivais plus à cause de mes crises d’angoisse. J’ai commencé à dessiner et, petit à petit, j’ai déposé mes dessins sur des toiles. Au début, peintre était vraiment thérapeutique.
"La ligne conductrice de mon travail a toujours été d’amener l’art dans des endroits où nous ne sommes pas habitués à le voir."
Andy Warhol ou Basquiat sont des artistes dont vous tirez les portraits. Ces figures américaines du milieu artistique underground new-yorkais, devenues très pop, aujourd’hui vous inspirent ?
Andy Warhol a poussé l’art moderne à un point de non-retour ! Dans le sens où il a amené la pratique artistique à un niveau tel que tout est devenu art. Quand il peint des soupes Campbell, par exemple, il montre que la société de consommation peut être "art". Il a aussi créé un univers immersif, La Factory, dans lequel il peignait et recevait d’autres artistes. Il a vraiment théâtralisé son atelier et en cela, aussi, qu’il est novateur. Je m’en inspire beaucoup dans mes expositions, parce qu’à chaque fois, je tiens à créer un univers hyper immersif pour exposer mes toiles. Concernant Basquiat, il représente pour moi, le symbole de la sensibilité et de la lutte antiraciste. C’est un combat qui me touche et qui se reflète dans son œuvre engagée. Au-delà de ça, il a inventé un style figuratif que je trouve incroyable.
Début mars, vous avez réalisé une performance : recréer un petit musée en plein air ! Pourquoi cette envie d’exposer l’art dans la rue ?
La ligne conductrice de mon travail a toujours été d’amener l’art dans des endroits où nous ne sommes pas habitués à le voir. J’ai fait une exposition dans une épicerie, dans un camion, dans des toilettes ! Je me suis aussi demandée rapidement où exposer mon art quand on est un jeune artiste, et donc avec des moyens moindres, et j’ai pensé à la rue. On voit beaucoup de street artistes qui font de l’art dans la rue, je n’ai rien inventé. Mais des artistes qui exposent leurs toiles dans la rue, c’est un peu plus rare. La rue, c’est l’endroit où on touche tout le monde, contrairement à une galerie où il y a une barrière à l’entrée, et parfois même une certaine pression sociale. Cela permet de rendre l’art accessible. J’ai remarqué que des gens de tous âges, de tous horizons regardaient mes peintures, et pour certains découvraient l’art quand ils n’ont pas l’habitude d’aller dans les musées. J’adore cela.
Pensez-vous qu’il existe un véritable plafond de verre pour les jeunes qui souhaitent s’intéresser ou se lancer dans l’art contemporain ?
Je ne pense pas que les galeries soient impénétrables mais, effectivement, c’est très organisé. Dans ma pratique artistique, j’avais besoin d’être libre. Pour rentrer en galerie, il faut plaire au galeriste pour qu’il défende ton art. Il faut donc savoir se vendre, ce qui n’est pas très agréable pour l’artiste qui souhaite faire ce qu’il veut. Les galeries t’orientent aussi sur ce qu’elles attendent de toi… Il y a aussi beaucoup de bouche-à-oreille donc quand on vient de la rue ou qu’on n’a pas de contacts dans le milieu, c’est compliqué. On peut aussi se confronter à un galeriste qui n’aime pas du tout notre travail et qui nous le dit ouvertement… Se relever de cela, ce n’est pas évident. Je suis dans un courant alternatif avec cette idée d’exposer là où on peut le faire !
"Je mets la même créativité dans mes toiles que dans mon look."
Quels conseils leur donneriez-vous ?
On a qu’une vie, ayez le culot de faire ce que vous voulez. Réalisez vos rêves ! Il faut s’affranchir du regard des autres et comprendre que c’est par soi-même qu’on arrive à faire des choses. On ne peut pas attendre que quelqu’un nous remarque. Je pense que ça ne marche plus comme ça aujourd’hui. Il faut se lever et y aller : exposer là où on ne nous attend pas pour avoir une première confrontation et un pluralisme d’avis face à son œuvre.
Selon vous, que faut-il esquiver dans l’art ?
Toujours cette idée de s’affranchir du regard des autres et de prendre confiance en ce qu’on fait. Si on le fait, c’est qu’on en a envie et que cela a une valeur. Peut-être pas pour certaines personnes mais pour soi, et c’est le plus important. Il faut esquiver toutes les personnes qui diront que ce que tu fais, c’est nul ! Et il y en aura ! Cela pourra venir de ta famille ou de tes amis, cela a été mon cas. Il ne faut pas lâcher ! Être artiste n’est pas la situation la plus facile, les parents préfèreraient que tu sois avocat avec un revenu tous les mois, mais il faut passer outre cela et garder en ligne de mire ce que tu souhaites réaliser.
Esprit street jusqu’à votre look qui varie entre élégance et rappel streetwear. Comment le définiriez-vous ?
Je dirais que je mets la même créativité dans mes toiles que dans mon look. J’aime bien le côté street, je ne tiens pas sur des talons ! [Rires] Je suis plus baskets ! Le look est quand même la première chose que l’on voit de quelqu’un donc j’aime le soigner. Il est assez créatif avec des pièces de couleurs vives et streetwear et mes baskets.
Les baskets adidas Spezial ont cette touche rétro minimaliste qui fait écho aux années 1970. Votre style dialogue finalement avec l’univers et l’époque de vos muses ?
Complètement, j’adore les années 1960-1970, j’ai peint beaucoup d’artistes de cette époque-là. Quand, je peins, je mets de la musique de la période pour rentrer vraiment dans l’univers de l’artiste. Pour Basquiat, j’ai même mis une playlist de ce qu’il écoutait. A la manière d’un acteur qui rentrerait dans un rôle, ça permet de mieux comprendre sa personnalité. Je regrette même le style 60’-70’.
Vous préparez une nouvelle exposition immersive pour fin avril baptisée "Le magasin de lit". A quoi peut-on s’attendre ?
A tout et à rien à la fois ! [Rires] Tu peux t’attendre à, pour la première fois peut-être, t’allonger sur un matelas pour découvrir une exposition, couché au lieu de la voir débout ! C’est aussi rentrer dans un univers immersif dans lequel tu verras des toiles suspendues au plafond. Il faudra donc s’allonger sur le matelas pour les admirer. Une manière innovante de regarder une exposition d’art. Le lit est aussi le symbole de l’endormissement de la société, notamment face à la culture…
Collaboration commerciale avec adidas Originals.
Plus d'articles